FINANCEMENT - 24.01.2020

Acquisition financée par un superdividende : attention aux tests de bilan et de liquidité

Une acquisition est un processus long et complexe, et la transaction doit également être financée. À quoi faut-il faire attention lorsque l’on structure un financement bancaire ? Pour que le financement soit en partie supporté par la cible de l’acquisition («debt push down»), on a souvent recours, entre autres, à un «superdividende». La réforme du droit des sociétés limite-t-elle votre capacité à utiliser cette technique à l’avenir ?

Financement

Crédit d’acquisition

Dans la plupart des cas, l’acheteur aura recours à un financement bancaire. Cependant, l’obtention d’un tel financement n’est pas toujours facile. Car bien souvent, la banque ne peut prendre pratiquement aucune garantie (comme une hypothèque sur les bâtiments) sur les actifs de l’entreprise qui est la cible de l’acquisition, et ce à cause des conditions strictes prévues par les règles relatives à l’assistance financière.

Cela signifie que, pour la banque, les possibilités de se couvrir sont, pour un tel prêt, très limitées, surtout si la reprise est effectuée par une société de type «special purpose company». Une telle «SPC» est une société spécialement créée pour effectuer la reprise et dont les actions de la filiale sont le seul actif.

Action en gage

Afin d’avoir tout de même certaines garanties, la banque prendra généralement en gage les actions de la société acquise. Toutefois, la valeur de ce gage n’est que relative : si le crédit d’acquisition ne peut être remboursé en raison de problèmes dans la filiale, les actions ne vaudront probablement plus grand-chose non plus. Alors, finalement, pourquoi la banque prend-elle ces actions en gage ? Parce qu’en principe, ce gage empêche la revente des actions sans son accord.

Le second problème, c’est que la capacité de remboursement du crédit d’acquisition dépend souvent entièrement des résultats futurs de la société acquise.

Pour toutes ces raisons, les banques considèrent que de tels crédits sont risqués et elles limitent généralement leur durée maximale à cinq ou sept ans, ce qui, par conséquent, limite également le montant potentiel du financement bancaire.

«Debt push down»

Une autre option pour limiter le risque lié au financement de l’acquisition est de faire supporter une partie du financement par la cible, où se trouvent non seulement le niveau opérationnel, mais probablement aussi des actifs de valeur. Cela se fait souvent par le biais d’un «debt push down» : une «poussée vers le bas» (d’une partie) de la dette.

Superdividende

L’une des méthodes les plus courantes est la distribution d’un «superdividende» de la filiale à la (nouvelle) société mère. Ce dividende est alors plusieurs fois supérieur au bénéfice du dernier exercice. Les bénéfices accumulés des années précédentes (ou une partie d’entre eux) sont donc versés en une seule fois. Pour autant que les conditions du régime RDT soient remplies, ce dividende n’est alors plus soumis à l’impôt des sociétés dans le chef de la société mère. Dans le cadre du régime RDT, un tel dividende n’est généralement versé qu’après au moins un an.

Pour pouvoir verser ce dividende, la filiale a naturellement besoin d’une trésorerie suffisante. Comme ce n’est généralement pas le cas, la banque peut lui accorder un crédit pour financer le paiement du superdividende. Ce crédit étant accordé directement à la filiale par la banque, celle-ci pourra prendre des garanties (telles qu’une hypothèque ou un nantissement sur le fonds de commerce). Bien entendu, la banque cherchera alors à s’assurer que la filiale restera suffisamment saine, liquide et rentable après le financement du paiement du dividende.

Points d’attention fiscaux

Comme le crédit ne profite en fait pas à la filiale elle-même, mais à la société mère, la déductibilité fiscale des intérêts payés à la banque peut être remise en question. Même si le superdividende est payé avec le cash (excédentaire) de la filiale, l’administration fiscale pourrait également prétendre que le cédant a vendu la société, avec le cash qu’elle contenait, afin de recevoir le produit de la vente en exonération d’impôt. Car en effet, le versement, avant la vente, d’un dividende à une personne physique aurait été soumis au précompte mobilier. Il est donc conseillé de demander l’avis préalable d’un expert fiscal.

Réforme du droit des sociétés

Test de bilan

Il était autrefois facile de décider d’un tel superdividende. Parfois, on versait simplement le montant le plus élevé possible à la société mère, afin de transférer le plus possible de dettes vers la filiale. Toutefois, depuis le 1er  janvier 2020 (et depuis le 1er  mai 2019 pour les sociétés constituées après cette date), un tel versement est soumis à un test de bilan. Les SRL et SC (ainsi que les SPRL et SCRL encore existantes) doivent, de plus, effectuer un test de liquidité.

En substance, le test de bilan est identique au «test de l’actif net» qui existait auparavant. Les actionnaires ne peuvent décider d’effectuer une distribution qu’à la condition que les capitaux propres ne soient pas négatifs (ou ne le deviennent pas suite à la distribution).

Test de liquidité

La décision de l’assemblée générale de procéder à une distribution, après réalisation d’un test de bilan, ne prendra effet qu’à condition que l’organe d’administration constate que la société sera encore en mesure de s’acquitter de ses dettes arrivant à échéance dans les 12 mois qui suivent la distribution, et ce «conformément aux évolutions auxquelles on peut raisonnablement s’attendre». L’organe de direction doit toutefois aussi tenir compte des événements dont il a déjà connaissance et qui peuvent avoir un impact significatif sur la liquidité de la société après cette période de 12 mois.

Risque

S’il apparaît que l’organe d’administration, en formulant sa décision, savait ou aurait dû savoir que la société ne serait plus en mesure de payer ses dettes suite au paiement du dividende, il sera tenu solidairement responsable, vis-à-vis de la société et des tiers, de tout dommage qui en résulterait. En outre, dans un tel cas, la société peut réclamer le remboursement du dividende versé aux actionnaires concernés.

La décision de distribuer un superdividende étant prise lorsque l’on structure le financement de l’acquisition, il est très important de déjà établir des projections adéquates à ce moment-là, afin d’éviter que la distribution du dividende ne soit finalement bloquée suite au test de liquidité.

La prudence est de mise

On dit parfois qu’il suffit d’avoir un fonds de roulement positif (les actifs circulants étant supérieurs au passif dont l’échéance ne dépasse pas un an), mais il est préférable d’envisager un certain nombre de questions supplémentaires. Y a-t-il des actifs circulants susceptibles de s’avérer moins liquides que prévu (stocks, créances) ? Y a-t-il des créances sur d’autres sociétés du groupe ou sur les actionnaires («avoirs en compte courant») ? Quand seront-elles payées ? Les comptes de régularisation sont-ils corrects, et leur montant n’est-il pas excessif ? Les placements de trésorerie et les valeurs disponibles sont-ils librement disponibles ou mis en gage auprès de la banque ? Y a-t-il des dates d’échéance importantes peu après la période de 12 mois, comme un crédit «bullet» ou un prêt obligataire ? Y a-t-il des engagements hors bilan importants à respecter ?

Dans l’attente de la distribution du superdividende, la société devra être gérée de telle sorte que les tests de bilan et de liquidité puissent être effectués avec succès au moment de la distribution. Tenez-en compte, par exemple, lorsque vous prenez des décisions d’investissement.

Conseils

  • Le financement d’une acquisition peut être compliqué, notamment parce qu’il est difficile pour la banque d’obtenir des garanties basées sur les actifs de la cible. Pour faire, en partie, payer la dette par la cible, un superdividende est donc souvent utilisé lorsque l’on structure le financement de l’acquisition.
  • La réforme du droit des sociétés soumettant la distribution d’un dividende aux tests de bilan et de liquidité, le risque est double. Si la direction prend le test de liquidité à la légère, elle peut être tenue pour responsable. Il faut aussi éviter que la distribution du superdividende ne soit bloquée suite au test de liquidité.
  • Établissez donc des projections financières bien étayées pour vérifier si la distribution du superdividende sera effectivement possible. Ne vous limitez pas à vérifier si le fonds de roulement est positif et tenez également compte des échéances ultérieures dont vous avez connaissance.

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