EXAMEN APPROFONDI - DROIT - 14.01.2020

Contestable d’être couché sur le testament d’un patient ?

Un patient totalement isolé (socialement) reprend une infirmière à domicile dans son testament. Après son décès, ses héritiers légaux (des neveux et nièces qui ne s’en sont jamais souciés jusque-là) contestent ce testament. La suite se trouve dans un récent arrêt...

Un obstacle légal à la succession ?

Il n’existe en tout cas pas d’interdiction générale à recevoir des donations ou des legs de patients. Le Code civil édicte toutefois une exception spécifique, à savoir que «les docteurs en médecine, chirurgie et accouchements, les officiers de santé et les pharmaciens qui auront traité une personne pendant la maladie dont elle meurt, ne pourront profiter des dispositions entre vifs ou testamentaires qu’elle aurait faites en leur faveur pendant le cours de cette maladie»(art. 909 C. civ.) . Le point délicat, donc, c’est le fait que la donation ou l’établissement du testament intervienne durant la maladie que vous traitez et dont votre patient décède. Dans ce cas, et dans ce cas seulement, c’est interdit. Voici ce qui pourrait se passer si vous agissiez en violation de cette disposition spécifique...

Que s’était-il passé ?

Une infirmière à domicile avait soigné un homme socialement isolé qui n’avait ni femme, ni enfants. Il n’avait guère de contacts non plus avec d’autres membres de sa famille et avait établi un testament par lequel il léguait la totalité de son patrimoine à son infirmière à domicile. Au décès de cet homme, ses neveux et nièces, qui étaient ses héritiers légaux, avaient invoqué la nullité du testament : selon eux, l’art. 909 C. civ. s’opposait à ce que l’infirmière soit bénéficiaire de ce testament.

Qu’en a dit la justice ?

Contrairement au juge de première instance (Trib. Termonde, 10.11.2016) , la Cour d’appel de Gand s’est prononcée pour la nullité du testament (Gand, 31.05.2018) , estimant, à la différence du Tribunal, qu’il fallait considérer l’infirmière à domicile comme un «officier de santé». La Cour d’appel a jugé aussi que les conditions d’application de l’art. 909 étaient remplies : le traitement s’était déroulé durant la maladie dont le patient était décédé et le testament avait été établi durant cette période.

Qu’en retenir ?

Parfois un risque d’annulation... Avant d’accepter une donation ou un legs d’un patient, vous devez vérifier si les conditions de l’art. 909 sont ou non remplies. Vous ne pouvez légalement accepter que si ce n’est pas le cas. Vous risquez sinon de vous retrouver face à une action en annulation des héritiers légaux du patient. Comme on le voit ici, ceux-ci peuvent parfois surgir «de loin»...

... mais toujours un risque de procédure disciplinaire. L’Ordre des médecins va plus loin encore que la loi et déconseille «en règle générale» d’accepter une donation ou un legs, y compris en dehors des conditions de l’art. 909 C. civ. (avis du Conseil national a160006, 24.02.2018) . Outre une procédure judiciaire en annulation, vous risquez donc aussi de voir un héritier qui se sent lésé déposer une plainte auprès de l’Ordre. Plus il y a d’argent en jeu, plus ce risque est grand bien sûr...

Bon à savoir. Le Conseil national conseille de refuser dans un premier temps et d’expliquer au patient qu’il ferait peut-être mieux de choisir quelqu’un d’autre. Si vous pouvez démontrer que vous l’avez fait et qu’il a néanmoins persisté dans ses intentions, le risque d’encourir une sanction disciplinaire paraît plutôt réduit.

Si un patient a fait une donation ou établi un testament durant une maladie dont il est décédé, ses ayants droit peuvent demander d’annuler cette donation ou ce testament. Chez les médecins, il existe en outre une objection déontologique à accepter, y compris si la donation/le testament a été fait en dehors de la période d’une maladie fatale.

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