Mandat de protection et assurance-vie
Mandat de protection. Vous pouvez décider, à un moment où vous êtes encore saint d’esprit, de désigner une ou plusieurs personnes qui pourront gérer votre patrimoine lorsque vous deviendrez incapable (art. 489 s. C. civ.) . Vous décidez non seulement qui pourra exercer cette gestion mais aussi quels pouvoirs vous accordez au(x) mandataire(s). Peuvent-ils uniquement effectuer des paiements, faire réaliser des travaux d’entretien à vos frais... ou ont-ils aussi la possibilité de vendre ou de donner certains biens sans l’intervention d’un juge ? Et si oui, dans quelles limites ? Vous l’aurez compris, un bon mandat de protection, c’est un travail sur mesure.
Forme. Toute procuration ne peut toutefois pas faire office de mandat de protection. En outre, une procuration prend en principe fin lorsque le mandant se retrouve dans un état d’incapacité (art. 2003 C. civ.) . Le mandat de protection est donc une exception à la règle et doit dès lors être enregistré dans un registre central spécial. Un mandat de protection peut être établi tant sous seing privé que par acte notarié, la forme notariée étant toutefois préférable. L’intervention d’un notaire peut en effet être utile, voire nécessaire tant pour la formulation correcte du contenu que pour l’octroi de certains pouvoirs (p.ex. vente d’un bien immobilier, hypothèque, etc.).
Assurance-vie. Vous pouvez régler de nombreuses choses dans le mandat de protection. Vous pouvez même prévoir que si vous devenez incapable, le mandataire pourra effectuer des donations à votre place. Pouvez-vous dès lors accorder à votre mandataire le pouvoir d’effectuer une donation via une assurance-vie ou de modifier le bénéficiaire dans un contrat d’assurance-vie existant ? Ce raisonnement «bute» visiblement sur le «caractère strictement personnel» des droits du preneur d’assurance (art. 169-184 loi du 04.04 relative aux assurances) . Le droit de désigner ou de modifier un bénéficiaire ne peut pas être exercé, selon le droit des assurances, par le conjoint, les héritiers et/ou le représentant légal du preneur d’assurance. De nombreux juristes en concluent que ce droit ne peut pas non plus être accordé à un mandataire dans le cadre d’un mandat de protection. Si vous avez donc désigné un bénéficiaire déterminé dans votre assurance-vie et qu’il s’avère pendant votre incapacité que ce bénéficiaire ne le «mérite» plus, votre mandataire ne peut rien y changer. Nous avons appris de manière informelle qu’il s’agit d’un point de vue général qui est suivi au sein du secteur (belge) de l’assurance. Les assurances-vie se retrouvent ainsi dans une zone grise par rapport au mandat de protection.
Rachat. Cela signifie-t-il que le mandataire ne peut plus rien faire en pareille situation ? Pas nécessairement, car outre le droit de modifier la clause bénéficiaire, il y a aussi le droit de mettre fin à l’assurance-vie (rachat). Dans ce cas, la valeur de l’assurance-vie est payée au preneur d’assurance et il est mis fin au contrat, et donc aussi à la clause bénéficiaire. Nous avons appris, toujours de manière informelle, que ce droit au rachat serait bel et bien accepté dans le cadre d’un mandat de protection. Étant donné le flou qui règne autour du rapport entre mandat de protection et assurance-vie, nous vous conseillons de demander à votre courtier ou agent d’assurance, avant d’établir votre mandat de protection, si un tel rachat peut être effectué par votre mandataire si vous êtes dans l’intervalle devenu incapable, et comment il convient de le formuler au mieux dans le mandat de protection afin d’éviter toute discussion à ce propos. Si votre volonté est de donner les fonds issus de ce rachat à une ou plusieurs personnes spécifiques, vous devez prévoir expressément que votre mandataire peut donner cet élément de votre patrimoine : à qui, à quelles conditions, quel montant, etc.
Entrée en vigueur. Signalons enfin que lors de l’établissement d’un mandat de protection, il y a aussi lieu de préciser à partir de quand les mandataires que vous désignez peuvent utiliser ce mandat. Peuvent-ils agir immédiatement, même si vous êtes encore saint d’esprit aujourd’hui ? Cette possibilité est souvent prévue lorsque le mandant a déjà un «certain âge» et juge utile que certaines personnes l’aident dans la gestion de ses affaires. L’autre option consiste à spécifier que les mandataires ne peuvent agir que dès l’instant où vous êtes incapable de fait. Vous pouvez alors prévoir qu’ils doivent faire constater cette incapacité par un ou plusieurs médecins. Attention : la manière dont vos mandataires doivent faire constater l’incapacité n’a valeur de preuve qu’entre vous et vos mandataires. Les tiers, comme les banques et le notaire, ne doivent pas demander cette preuve et peuvent se fier à la simple déclaration par vos mandataires que vous êtes incapable de fait.