Pas/plus responsable pour une petite compresse oubliée ?
L’arrêt dans les médias
La jurisprudence considère comme une faute, quasi automatiquement, les corps étrangers laissés dans le corps d’un patient après une opération. Nous avons affaire ici à une «obligation de résultat» : le chirurgien, assisté du personnel infirmier, est tenu de compter tous les instruments et compresses avant et après l’intervention chirurgicale, de façon à constater immédiatement s’il en manque. En février de cette année, les médias ont dit et écrit qu’à la suite d’un arrêt gantois, cette «règle» ne s’appliquerait plus aux petites compresses qu’on ne compte pas/peut pas compter...
Que s’était-il passé ?
En 2006, une patiente avait subi une intervention neurochirurgicale pour éliminer au maximum un méningiome. Après l’intervention, il s’était avéré que deux cotonoïdes, de très petites compresses destinées à arrêter un saignement ou stabiliser des tissus, avaient été oubliés. Le médecin traitant et la patiente avaient convenu d’une nouvelle intervention pour retirer les compresses. Toutefois, en enlevant du tissu tumoral qui subsistait encore, un vaisseau sanguin avait sans doute été touché. Depuis lors, la patiente souffrait de troubles cognitifs persistants, d’un manque d’autonomie, etc. Elle avait alors décidé de citer son médecin en justice.
Qu’en a dit la justice ?
En première instance, le médecin a été reconnu responsable, vu que selon la jurisprudence, l’enlèvement de tous corps étrangers est une obligation de résultat et tout manquement automatiquement une faute (Trib. Gand, 16.11.2015) .
En appel, ce jugement a été réformé (Gand, 21.12.2017) . Contrairement au premier juge, la Cour d’appel a renvoyé au rapport d’expertise, indiquant qu’on ne peut comparer des cotonoïdes à du matériel chirurgical comme des aiguilles ou de plus gros instruments ou compresses. Durant une opération au cerveau, on se sert de très nombreux cotonoïdes, qui ne sont de ce fait, normalement, pas comptés. La Cour d’appel a dès lors jugé le médecin non responsable, n’ayant pas commis de faute.
Le pourvoi en cassation interjeté à l’encontre de l’arrêt d’appel a été rejeté, la Cour suprême se déclarant incompétente, s’agissant ici d’une question de fait et non de procédure (Cass., 31.05.2019) .
Qu’en retenir ?
Une nouvelle tendance ? Cet arrêt va à l’encontre de la tendance générale de la jurisprudence, qui a toujours considéré l’enlèvement de tous corps étrangers du corps du patient opéré après l’intervention et la suture de la plaie comme une obligation de résultat. Il a jugé que laisser dans le corps de très petites compresses utilisées en grande quantité et de ce fait non comptées, comme des cotonoïdes dans des interventions neurochirurgicales, n’est pas automatiquement constitutif d’une faute. Il a en effet considéré qu’il n’y a là qu’une obligation de moyen.
Attention ! Il reste à voir dans quelle mesure cette nouvelle tendance continuera à s’inscrire dans la jurisprudence et pour quels objets elle prévaudra ou non. Cela reste, en effet, une «question de fait»...