Engagé avant le coronavirus, mais plus nécessaire...
La force majeure comme échappatoire ?
En droit des obligations, la force majeure peut être un motif permettant de libérer une partie de ses obligations (art. 1148 C. civ.) . Il en va de même en droit du travail, la loi relative aux contrats de travail mentionnant même expressément (à l’art. 32, 5°) la «force majeure» comme un motif pour lequel il peut être mis fin au contrat de travail (sans délai ou indemnité de préavis). Les conditions pour pouvoir l’invoquer sont toutefois strictes : «Il ne suffit pas que l’exécution du contrat soit devenue plus difficile, plus contraignante ou plus chère ; elle doit être impossible»(C. trav. Liège, 25.01.1989) . En outre, la force majeure doit aussi être définitive. Une force majeure temporaire ne suffit donc pas.
Cas vécu
Début 2020, un employeur avait signé le contrat d’un nouvel employé, qui devait prendre cours le 1er avril 2020. Si au début de l’année, cela allait bien, tout a bien sûr basculé la dernière semaine de mars. Dans l’intervalle, le personnel a été mis en chômage technique pour cause de coronavirus. L’employeur a donc envoyé à l’intéressé un courriel où il indiquait que l’engagement n’avait plus aucun sens. «L’ONEm ayant reconnu la force majeure, nous avons décidé de renoncer à votre engagement» , a-t-il ainsi écrit. Le syndicat de l’employé ne l’a toutefois pas entendu de la même oreille et a réclamé une indemnité de préavis d’une semaine et une indemnité supplémentaire pour abus de droit.
Où était l’erreur ?
Le raisonnement de l’employeur était certes compréhensible : «Que puis-je à présent faire d’un nouveau travailleur si en raison de la crise, je n’ai même pas de travail pour le personnel déjà présent ?» D’un point de vue purement juridique, il ne s’agit ici toutefois pas en principe d’une force majeure. Il nous semble en effet improbable que le juge considère l’exécution du contrat comme étant totalement impossible en raison d’un événement de nature temporaire comme la crise du coronavirus et le chômage technique qui va de pair. Le fait que l’ONEm ait accepté la qualification de «force majeure» n’y change p.ex. rien. Ce n’est, du reste, par définition que «temporaire». Par conséquent, l’employeur devra en effet payer une indemnité de préavis d’une semaine de salaire pour avoir rompu le contrat de travail sans délai de préavis. Pour le reste, affaire à suivre...
Pouvez-vous résoudre cela autrement ?
Pour se libérer «gratuitement» (sans délai ou indemnité de préavis) d’un contrat de travail signé avant qu’il prenne cours, il n’y a qu’un seul moyen : résilier le contrat moyennant un délai de préavis, exactement comme s’il avait déjà pris cours. La jurisprudence l’accepte et vous serez alors en principe en sécurité. Le délai de préavis applicable est celui en vigueur pour une ancienneté de zéro à moins de trois mois, à savoir une semaine. Si vous notifiez donc le préavis à temps (= 1,5 semaine avant que le contrat prenne cours), la résiliation ne vous coûtera rien.
Bon à savoir. Si vous ne résiliez pas le contrat, vous pouvez en principe aussi mettre immédiatement un nouveau travailleur en chômage technique pour cause de force majeure due au coronavirus. C’est ce qui ressort en tout cas de la FAQ publiée par l’ONEm.