ÉTRANGER - 26.05.2020

SCI française : la saga continue...

En France, il est courant d’acheter un bien immobilier via une société civile immobilière (SCI). En quoi cela peut-il être intéressant ? Les revenus de cette SCI sont imposés en France. Selon la Cour de cassation, la Belgique est toutefois compétente pour imposer les revenus d’une telle SCI. Récemment, le Conseil d’État français a aussi confirmé que la France peut imposer la plus-value réalisée en cas de vente...

Avantages. Une société civile immobilière (SCI) étant dotée de la personnalité juridique, elle présente de gros atouts pour la gestion et la cession de biens immobiliers. Si vous achetez un bien immobilier avec vos enfants via une SCI, il n’y a pas d’indivision des copropriétaires. Vous ne risquez ainsi pas de voir certaines décisions (p.ex. concernant des réparations) bloquées en cas de désaccord entre les copropriétaires. Au sein d’une SCI, c’est en effet le gérant qui gère l’immeuble dans les limites fixées par les statuts. Les actions d’une SCI peuvent en outre plus facilement faire l’objet d’une donation que le bien immobilier lui-même. Après cette donation, vous pouvez en outre continuer à exercer le contrôle en tant que gérant.

Transparence fiscale. Pour le fisc français, une SCI peut, de manière un peu simplifiée, être considérée comme transparente (d’un point de vue strict : «translucide»). De ce fait, les revenus d’une SCI sont réputés, selon la réglementation fiscale française, être attribués directement à ses actionnaires personnes physiques (français ou étrangers). Ces actionnaires bénéficient alors de revenus immobiliers. Les dividendes distribués par la SCI à ses actionnaires ne sont pas imposés en France.

Belgique. Si une entité étrangère est dotée de la personnalité juridique sur la base du droit des sociétés étranger, elle est en principe, au regard du droit fiscal belge, une société (non transparente) en vertu du principe de la lex societatis. Une SCI française étant dotée de la personnalité juridique selon le droit français des sociétés, les actionnaires d’une SCI détiennent donc, selon le droit belge, des actions et non un immeuble français.

Jurisprudence. En 2004, la Cour de cassation a néanmoins décidé (Cass., 02.12.2004) que les revenus qu’un résident fiscal belge perçoit d’un bien immobilier situé en France et détenu via une SCI sont des revenus immobiliers. Les cours d’appel (Liège, 17.02.2010 ; Bruxelles, 10.09.2013 ; Mons, 06.10.2014 ; Gand, 29.04.2014) se sont ralliées à ce point de vue et ont considéré que, conformément à la convention préventive de la double imposition, les revenus d’une SCI sont des revenus immobiliers. Ils sont dès lors imposables en France et exonérés en Belgique, avec application toutefois de la réserve de progressivité.

Cassation. Il y a quelques années, la Cour de cassation semble toutefois avoir changé son fusil d’épaule (Cass., 29.09.2016) . Étant donné que la convention préventive de la double imposition dispose que la notion de bien immobilier doit être interprétée conformément à la législation du pays dans lequel est situé le bien et que le droit français ne prévoit pas que les actions d’une SCI de droit commun répondent à la notion de bien immobilier au regard de la convention, le juge conclut que la détention d’un bien immobilier français via une SCI constitue bel et bien un placement en actions au regard du droit fiscal belge. À cet égard, nous devons toutefois faire observer que cet arrêt porte sur une SCI de droit commun, qui n’est donc pas de type «distribution».

Conséquences. Si l’achat d’un bien immobilier via une SCI est considéré comme un placement en actions, l’obligation de déclarer en Belgique les revenus immobiliers français disparaît en principe, parce qu’au regard du droit fiscal belge, il n’est plus question de revenus immobiliers. Si un actionnaire belge détient effectivement des actions d’une SCI française et pas un bien immobilier, il ne peut y avoir en Belgique une imposition (de 30 %) dans le chef d’une personne physique ayant sa résidence fiscale dans notre pays que si la SCI, une société selon le droit français des sociétés, attribue formellement un dividende à cet actionnaire.

Imposition de la plus-value. Le 24 février 2020, le Conseil d’État français a estimé que les actions d’une SCI translucide doivent être considérées comme un «bien immobilier situé en France». Par conséquent, l’article 3 de la convention préventive de la double imposition entre la Belgique et la France s’applique, ce qui confère à la France la compétence d’imposer les «revenus immobiliers». De ce fait, la plus-value réalisée en cas de vente est soumise à l’impôt français sur les plus-values. En raison du caractère translucide de la SCI, c’est en principe le cas tant lorsque les actionnaires vendent les actions de la SCI que lorsque la SCI elle-même vend le bien immobilier sous-jacent. Cet arrêt donnera sans doute aussi au fisc français la possibilité de rouvrir une série de dossiers du passé et d’encore prélever, après une vente, l’impôt français sur les plus-values au détriment des «actionnaires» belges d’une SCI «translucide».

En France, les actionnaires personnes physiques d’une SCI sont imposés sur un revenu immobilier, comme si ses revenus leur revenaient directement. Selon la Cour de cassation, votre investissement dans une SCI doit quand même être considéré comme un placement en actions. La conséquence logique serait que vous ne devez encore payer des impôts en Belgique que si votre SCI vous attribue effectivement un dividende. Le Conseil d’État français a à présent décidé que les actionnaires belges d’une SCI translucide sont redevables en France de l’impôt sur la plus-value réalisée sur un bien immobilier en cas de vente. En conclusion, la Belgique impose des «dividendes d’actions» et la France des «revenus immobiliers», alors que les négociations en vue de la conclusion d’une nouvelle convention préventive de la double imposition afin d’y remédier semblent au point mort... Dans le cadre de l’achat d’un bien immobilier français, une SCI offre toutefois encore des avantages en termes de gestion et de planification patrimoniale.

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