Acheter/vendre un bâtiment ou une société ?
Sur le plan juridique
Qui vend ? Si c’est le bâtiment qui est vendu, le vendeur est la société qui le détient. Si c’est une société détenant un immeuble qui est vendue, les vendeurs sont les actionnaires de cette société. Dans le premier cas, le prix de vente aboutit donc dans une société et dans le second cas, chez les personnes physiques ou les sociétés qui détiennent les actions de la société vendue.
Comment vendre ? La vente de l’immeuble lui-même doit se faire devant notaire. La vente de la société qui détient le bâtiment, c’est une vente d’actions qu’il suffit de conclure par acte sous seing privé.
La responsabilité du vendeur ? Le vendeur de n’importe quel bien est en principe légalement responsable d’éventuels vices cachés. Pour la vente du bâtiment lui-même, cela porte donc sur les vices cachés de ce bâtiment, mais pas en cas de vente d’une société. D’où le fait qu’en cas de vente (des actions) de la société, l’acheteur fera bien de reprendre des garanties relatives au bâtiment dans le contrat de vente des actions (p.ex. que tous les permis relatifs au bâtiment sont en règle).
Sur le plan comptable
Comment est-ce traité dans la comptabilité ? Une société qui achète un bâtiment doit le comptabiliser comme une «immobilisation corporelle» et l’amortir sur 25 ou 33 ans en principe, le terrain excepté. Une société qui achète des actions doit les comptabiliser comme une immobilisation financière non amortissable.
Quels frais par la suite ? La société qui achète un bâtiment en a tous les frais : eau, gaz, électricité, entretien, réparations, assurance incendie, précompte immobilier, etc. Celle qui achète les actions d’une autre société a les frais du bâtiment lui-même, mais aussi ceux de la société qui le détient, principalement des frais de comptabilité et d’administration.
Sur le plan fiscal et financier
Le vendeur vend le bâtiment. Pour la société qui vend le bâtiment lui-même, la différence entre le prix de vente et la valeur résiduelle de ce bâtiment à son bilan (sa «valeur comptable») est une plus-value imposable. Si les actionnaires de la société qui a vendu le bâtiment veulent transférer le bénéfice de la vente dans leur patrimoine privé sous la forme de dividendes ou en liquidant la société, ils auront encore de l’impôt à payer. Un impôt d’au maximum 30 %, le taux standard du précompte mobilier (Pr M) et d’au minimum 10 %, le taux de la cotisation spéciale sur une réserve de liquidation.
Le vendeur vend les actions. Là, le vendeur réalise une plus-value, non imposable pour lui en principe. S’il est une personne physique, c’est en général parce que la vente est une opération normale de gestion de son patrimoine privé et si c’est une société, c’est parce que les plus-values réalisées sur des participations supérieures à 10 % du capital sont en principe exonérées d’impôt des sociétés.
Attention ! Ce que les actionnaires d’une société qui vend le bâtiment même qu’elle détient recueillent finalement, net en mains, c’est donc moins que le prix de vente. Pour tenir compte de l’impôt dû à cette occasion, ils feront donc bien de demander un prix supérieur à celui qu’ils réclameraient s’ils vendaient les actions de la société détenant le bâtiment. Plus la valeur comptable de ce bâtiment est faible, plus le supplément à intégrer à son prix de vente sera élevé. En effet, plus faible est la valeur comptable et plus élevée est la plus-value imposable et donc aussi la charge d’impôt à assumer par (les actionnaires de) la société qui vend le bâtiment.
L’acheteur achète le bâtiment. Une société qui achète un bâtiment paie des droits d’enregistrement sur son prix de vente ou sur sa valeur vénale si elle est plus élevée : des droits de 10 % (Flandre) ou 12,5 % (Wallonie, Bruxelles). Ces droits d’enregistrement et les amortissements du bâtiment sont déductibles fiscalement. L’acheteur peut donc déduire fiscalement son prix d’achat, sur la période amortissable de ce bâtiment il est vrai et donc pas en une fois. Il peut ainsi récupérer une partie de ce prix, aux taux actuels de 20 ou 25 % de l’impôt des sociétés.
L’acheteur achète des actions. Si une société achète des actions d’une autre société, elle ne peut pas les amortir et ne récupère donc rien de leur prix. Seule la société qui détient le bâtiment peut continuer à amortir sa valeur comptable, mais si celle-ci est déjà nulle, il n’y a plus rien à amortir. En outre, la société actionnaire doit défalquer la valeur des actions de son «capital à risque», sur lequel elle calcule sa déduction d’intérêts notionnels. Voilà qui n’est toutefois plus si important qu’auparavant, vu que l’avantage de cette déduction en 2020 n’est plus si grand.
Tableau récapitulatif et conclusion
acheter le bâtiment | acheter la société | |
le vendeur ? | la société | les actionnaires |
un notaire doit-il intervenir ? | oui | non |
le vendeur est-il imposé sur le prix de vente qu’il perçoit ? | oui, impôt des sociétés + éventuellement Pr M sur ce que distribue la société | non |
le vendeur doit-il demander un prix supérieur à ce qu’il veut percevoir ? | oui | non |
le vendeur est-il responsable des vices cachés du bâtiment ? | oui | non |
des droits d’enregistrement dus sur le prix d’achat ? | oui | non |
comment la société qui achète le comptabilise-t-elle ? | immobilisation corporelle | immobilisation financière |
le prix d’achat est-il amortissable ? | oui, sauf la partie relative au terrain | non |
des frais de comptabilité et d’administration supplémentaires ? | non | oui, car il y a une société en plus |
moins d’intérêts notionnels à déduire ? | non, sauf sur la partie privée | oui |
Quelle est la meilleure solution ? Du point de vue des actionnaires de la société qui vend, la vente des actions est normalement plus avantageuse au niveau financier et plus facile au niveau administratif, surtout si ces actionnaires sont des personnes physiques. Ils ne paient en effet pas d’impôt sur une telle vente d’actions et la vente les débarrasse du coup aussi de la société. Ils ne doivent plus la dissoudre et liquider pour pouvoir faire passer le produit de la vente dans leur patrimoine privé.
En est-il également ainsi pour la société qui achète ? Non, du point de vue (des actionnaires) de la société qui achète, l’achat du bâtiment lui-même est normalement plus intéressant, dès lors que cette société peut amortir le prix d’achat de ce bâtiment et ne doit pas assumer les frais administratifs et comptables d’une deuxième société et le surcroît d’organisation que celle-ci réclame.