PROTECTION DU PARTENAIRE - 22.06.2020

Adoption et avantages matrimoniaux

Le contrat de mariage est un excellent instrument pour protéger le conjoint survivant. Les enfants ne peuvent en effet en principe pas contester les avantages matrimoniaux qui y figurent sur la base de leur droit successoral. Est-ce également le cas si l’un des conjoints a des enfants non communs ? L’adoption des enfants de votre conjoint change-t-il la donne ?

Avantages matrimoniaux. Auprès du grand public, les avantages matrimoniaux sont surtout connus comme des avantages que les époux s’attribuent l’un l’autre pour le cas où l’un d’eux décéderait. La clause d’attribution optionnelle en est sans doute l’exemple le plus connu. Au décès du prémourant, le conjoint survivant a ainsi la possibilité de partager la communauté matrimoniale comme bon lui semble, sans intervention des autres héritiers (les enfants donc). Des avantages matrimoniaux sont aussi possibles dans un régime de séparation de biens, même si dans ce cas, il n’y en principe pas de communauté matrimoniale. Nous songeons notamment à la participation aux acquêts et aux accords spécifiques concernant le partage des indivisions entre les deux conjoints.

Réserve. On dit des avantages matrimoniaux, comme la clause d’attribution optionnelle donc, qu’ils sont «à l’épreuve de la réserve». Indépendamment de ce que reçoit le conjoint survivant – le cas échéant même la totalité de la communauté matrimoniale en pleine propriété – les enfants ne peuvent en effet pas contester ce choix (art. 1464, al. 1 et 1469 C. civ.) . Un avantage matrimonial n’est donc pas considéré par la loi comme un testament ou une donation et ne peut dès lors pas être attaqué par les enfants sur la base de leur part successorale minimale protégée par la loi, aussi appelée la «réserve». Le raisonnement sous-jacent est que les enfants bénéficient d’un droit successoral différé. Au final, ils hériteront en effet du conjoint survivant. Il n’y a que dans certains cas exceptionnels qu’il existe un risque de voir un avantage matrimonial être quand même contesté par les enfants sur base du droit successoral, p.ex. pour des biens que le prémourant a apportés à la communauté (art. 1464, al. 2 C. civ.) .

Nouvelle relation. Alors que le droit successoral différé est en fait déjà une illusion dans une famille classique, parce que le conjoint survivant peut tout dépenser, c’est d’autant plus le cas dans une famille recomposée. Si le prémourant a des enfants d’une précédente relation, ceux-ci ne sont en effet pas des héritiers légaux du conjoint survivant. Le législateur était bien conscient de cette situation et a fortement limité la quasi-intangibilité des avantages matrimoniaux vis-à-vis des enfants non communs (art. 1465, al. 1 C. civ.) . Ces enfants pourront beaucoup plus rapidement inclure les avantages matrimoniaux du contrat de mariage dans le calcul pour vérifier si leur part successorale minimale (leur réserve) n’a pas été affectée. S’il s’avère, en combinaison ou non avec d’autres éléments (donation, assurance-vie, testament, etc.), que la réserve des enfants du prémourant n’a pas été respectée, ceux-ci pourront intenter une action en réduction. En principe, ils ont pas moins de 30 ans à partir du décès de leur parent pour le faire (art. 928 C. civ.) .

Adoption. Quid si vous choisissez d’adopter les enfants de votre conjoint ? Au fil des ans, vous pouvez en effet avoir tissé un lien étroit avec ceux-ci, au point de les considérer comme vos propres enfants. Après l’adoption, les enfants de votre conjoint auront les mêmes droits dans votre succession que les enfants communs et vos propres enfants. Une adoption ne signifie toutefois pas pour autant une rupture avec l’autre parent. Dans le cas d’une adoption simple, seul un lien juridique est en effet créé entre vous et l’enfant de votre conjoint, sans que cet enfant perde tout lien avec sa famille d’origine. En outre, une adoption simple est aussi encore possible lorsque l’enfant est déjà majeur.

Conséquences. Comme l’enfant adopté devient juridiquement votre enfant, le droit successoral différé s’appliquera aussi. Jadis, certains spécialistes ne considéraient pas pour autant que les avantages matrimoniaux entre les époux étaient alors protégés ou «à l’épreuve de la réserve». La réforme du droit successoral a toutefois fait la clarté sur ce point : depuis le 1er  septembre 2018, un enfant adopté doit être considéré comme un enfant commun, de sorte que les avantages matrimoniaux figurant dans votre contrat de mariage sont aussi protégés vis-à-vis de cet enfant (art. 1465, al. 2 C. civ.) .

L’affection plutôt que l’efficacité. Nous voudrions quand même terminer par une réflexion pratique. Mieux vaut en effet envisager l’adoption de l’enfant de votre conjoint en raison du lien affectif que vous entretenez avec celui-ci. Une adoption simple est en principe pour la vie et ne peut être annulée sans recourir à une procédure, sans parler des dégâts émotionnels que pourrait causer cette annulation. En outre, les enfants adoptés deviennent aussi vos héritiers, ce qui aura une incidence sur la part de vos autres enfants. Envisager une adoption dans le seul but de renforcer l’efficacité de votre contrat de mariage ne nous semble donc pas une bonne idée.

Une planification patrimoniale vise souvent à protéger le conjoint survivant. Le contrat de mariage est à cet égard un instrument très efficace, notamment parce que les avantages matrimoniaux au profit du conjoint survivant sont souvent «à l’épreuve de la réserve». Les enfants ne peuvent donc en général pas les contester sur la base du droit successoral. Ils devront attendre le décès du parent survivant pour bénéficier de leur droit successoral (différé). Les enfants d’une relation précédente n’héritent toutefois pas de votre nouveau conjoint. C’est pourquoi ils sont beaucoup mieux protégés contre de tels avantages matrimoniaux. Si vous adoptez les enfants de votre nouveau conjoint, ils bénéficieront cependant d’un droit successoral (différé), tout en conservant un lien avec leur famille d’origine. Les avantages matrimoniaux seront dans ce cas aussi protégés vis-à-vis de ces enfants adoptés. Mieux vaut toutefois ne procéder à une adoption que pour des raisons affectives et non pour garantir vos avantages matrimoniaux.

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