Réforme du droit des sociétés : quid des sociétés unipersonnelles ?
Sous l’ancien Code des sociétés, une société anonyme devait être constituée par au moins deux fondateurs. Est-ce encore toujours le cas sous le Code des sociétés et des associations (CSA) qui est en vigueur depuis le 1er mai 2019 ?
Y a-t-il d’autres règles concernant l’unipersonnalité qui ont été modifiées ? Pouvez-vous dorénavant être l’actionnaire unique de plusieurs SRL ?
Société anonyme
Ancien régime
Sous le Code des sociétés, une SA devait être constituée d’au moins deux personnes morales ou physiques. L’art. 646 C. soc. qui est encore applicable aux SA qui n’ont pas encore adapté leurs statuts au nouveau CSA stipule que la réunion de toutes les actions d’une SA entre les mains d’une seule personne n’entraîne pas la dissolution de la société.
Si, toutefois, il n’y a pas de nouvel actionnaire dans la société dans l’année ou si celle-ci n’est pas valablement transformée en une SPRL (maintenant une SRL) ou est dissolue, l’actionnaire unique est réputé caution solidaire de toutes les obligations de la société nées après la réunion de toutes les actions entre ses mains jusqu’à l’entrée d’un nouvel actionnaire dans la société ou la publication de sa transformation en société privée à responsabilité limitée ou de sa dissolution.
L’indication de la réunion de toutes les actions entre les mains d’une personne ainsi que l’identité de cette personne doivent être mentionnées dans le dossier tenu au greffe du tribunal de l’entreprise (art. 646, §2 C. soc.) .
Réforme du droit des sociétés
Le Code des sociétés et des associations (CSA) permet dorénavant qu’une société anonyme soit constituée par un seul fondateur, qui peut être une personne physique ou morale.
Ce changement est dû à la pratique, où on rencontrait souvent des SA quasi unipersonnelles. Des SA quasi unipersonnelles sont des SA où toutes les actions appartiennent à un seul actionnaire, à l’exception d’une seule action qui est en général détenue par une autre société du groupe ou qui a été donnée ou vendue à une personne qui a un lien familial (conjoint, frère, ...).
Après la constitution également, il est possible pour les SA, sous le CSA, qu’une seule personne (physique ou morale) devienne l’actionnaire unique sans perdre l’avantage du patrimoine distinct. Il ne faut donc plus de transfert d’une action à un tiers, ce qui facilitera grandement l’utilisation d’une SA dans les structures de groupe.
Décès de l’actionnaire unique
Selon l’art. 7:25 CSA, en cas de décès de l’actionnaire unique, sauf disposition statutaire contraire, les droits afférents aux actions sont exercés par les héritiers et légataires régulièrement saisis ou envoyés en possession, proportionnellement à leurs droits dans la succession, jusqu’au jour du partage desdites actions ou jusqu’à la délivrance des legs portant sur celles-ci.
BCE
La réunion de toutes les actions entre les mains d’une personne ainsi que l’identité de cette personne ne doivent plus être mentionnées dans le dossier tenu au greffe du tribunal de l’entreprise (ancien art. 7:231 CSA) .
Société à responsabilité limitée
Ancien régime
L’ancien Code des sociétés permettait qu’une personne physique soit l’actionnaire unique d’une SPRL. L’article 212 C. soc. stipule que la personne physique qui est l’actionnaire unique d’une SPRL est réputée caution solidaire des obligations de toute autre société privée à responsabilité limitée qu’elle constituerait ensuite seule ou dont elle deviendrait ensuite l’associé unique, sauf si les parts lui sont transmises pour cause de mort.
Cette personne physique ne sera plus réputée caution solidaire des obligations des sociétés visées ci-avant dès l’entrée d’un nouvel associé dans la société ou dès la publication de sa dissolution. Vu qu’aujourd’hui, on ne peut plus constituer de SPRL, mais seulement des SRL, cette problématique va s’éteindre d’elle-même.
Obligation de libération
Une autre conséquence du caractère unipersonnel d’une SPRL, et cela s’applique encore toujours aux SPRL existantes qui n’ont pas encore adapté leurs statuts au CSA, c’est que le capital doit être entièrement libéré à concurrence d’au moins 12 400 €, sauf s’il y a un nouvel associé dans la société dans ce même délai ou en cas de dissolution de la société.
Si ce n’est pas le cas, l’associé unique (personne physique) est réputé caution solidaire de toutes les obligations de la société nées depuis que la société est devenue unipersonnelle et jusqu’à l’entrée d’un nouvel actionnaire dans la société, jusqu’à la publication de sa dissolution ou jusqu’à ce que le capital soit réellement libéré à concurrence de 12 400 €.
Associé personne morale
Lorsque l’associé unique de la SPRL unipersonnelle n’est pas une personne physique mais une personne morale, il faut faire une distinction selon que l’unipersonnalité existe depuis la constitution ou que la société est devenue unipersonnelle durant son existence.
Si l’unipersonnalité existe depuis la constitution, il y a une responsabilité solidaire de l’associé unique personne morale pour toutes les obligations de la SPRL depuis la constitution. En cas de constitution unipersonnelle par une personne morale, cette responsabilité est donc applicable immédiatement, sans que soit offerte à l’associé unique personne morale la possibilité d’échapper temporairement (ou non) à la responsabilité.
Si la SPRL avait été constituée par plusieurs associés (personnes morales ou non) et est devenue unipersonnelle durant son existence et si l’associé unique restant est une société, s’applique alors le même régime de responsabilité qu’en cas de SA unipersonnelle sous le Code des sociétés.
Cela signifie que l’associé unique personne morale est réputé caution solidaire de toutes les obligations de la société nées depuis la réunion de toutes les actions en ses mains en cas d’unipersonnalité de plus d’un an, et ce jusqu’à l’entrée d’un nouvel actionnaire dans la société ou jusqu’à la publication de sa dissolution.
Réforme du droit des sociétés
Aucune des limitations susmentionnées ne s’applique encore sous le nouveau CSA. Dorénavant, toutes les sociétés peuvent être constituées par une seule personne, sauf si le CSA prévoit expressément le contraire. La société simple, la société en nom collectif et la société en commandite doivent ainsi être constituées par deux personnes au moins (art. 4:1 et 4:23 CSA) . La société coopérative doit être constituée par trois personnes au moins (art. 6:3 CSA) .
Tant les personnes physiques que les personnes morales peuvent dorénavant constituer une ou plusieurs SRL seules. Toutes les actions peuvent aussi être réunies dans les mains d’une seule personne durant la vie de la SRL, tant d’une personne physique que d’une personne morale, sans que cela entraîne un alourdissement de la responsabilité.
En cas de décès de l’actionnaire unique, s’appliquent les mêmes règles qu’à une SA (art. 5:21 CSA) .
Conseils
- Les nouvelles SA et SRL peuvent dorénavant être constituées avec seulement un actionnaire ou être unipersonnelles, sans conséquences. Vous ne devez donc plus placer une action de votre SA dans les mains de votre frère afin d’éviter la responsabilité solidaire. La réunion de toutes les actions d’une SA entre les mains d’une personne ne doit plus être mentionnée dans le dossier tenu au greffe du tribunal de l’entreprise.
- L’associé unique dans une SRL n’est plus réputé caution solidaire lorsqu’il constitue ensuite une autre SRL unipersonnelle.
- Si vous voulez éviter une responsabilité accrue au sein d’une société unipersonnelle existant avant le 1er mai 2019, adaptez alors les statuts de votre ancienne SPRL ou SA au nouveau Code des sociétés et des associations.