DROIT DES RÉGIMES MATRIMONIAUX - 22.06.2020

Reprise ou attribution préférentielle ?

Lorsque l’un des époux a apporté un bien au patrimoine commun, se pose la question de savoir si cet époux a toujours priorité pour reprendre ce bien en cas de décès ou de divorce. Il y a deux manières de «reprendre» un bien : soit via le droit de reprise, soit via le droit d’attribution préférentielle. Quelle est la différence et quel droit a priorité ?

Principes. En cas de divorce ou de décès, le mariage prend fin et le régime matrimonial est dissous. La communauté matrimoniale devient alors une indivision, qui doit être liquidée et partagée. Ce partage s’effectue en principe en nature et par moitié (art. 1445 C. civ.) . En règle générale, les biens sont évalués au moment du partage. La valeur patrimoniale des actions d’une société (art. 1401, §1, 5° C. civ.) et des biens professionnels (art. 1401, §1, 6° C. civ.) et la valeur économique de la clientèle (art. 1401, §1, 7° C. civ.) sont évaluées au moment de la dissolution du mariage. Dans certains cas, les époux ont toutefois le droit d’intégrer de leur propre initiative certains biens dans leur lot : le droit de reprise après apport (art. 1455 C. civ.) et l’attribution préférentielle (art. 1389/1 C. civ.) .

Attribution préférentielle. En cas de dissolution du régime matrimonial, les époux peuvent demander à se faire attribuer par préférence le logement familial, les meubles meublants qui le garnissent et les biens professionnels (art. 1389/1 C. civ.) . L’attribution a toujours lieu en pleine propriété. Ce droit émane toujours exclusivement des parties elles-mêmes. Depuis l’entrée en vigueur du nouveau droit des régimes matrimoniaux, chaque époux peut demander l’attribution préférentielle, que les biens appartiennent au patrimoine commun ou soient en indivision entre les époux. Auparavant, l’attribution préférentielle n’était possible qu’à l’égard de biens communs. Les époux peuvent toutefois conventionnellement exclure ou étendre les règles de l’attribution préférentielle ou encore en modifier les modalités.

Biens professionnels. Les biens professionnels sont les biens que l’époux utilise pour l’exercice de sa profession ou l’exploitation de son entreprise. Depuis la réforme du droit des régimes matrimoniaux en 2018, le statut d’un bien professionnel qui (1) a été financé pour plus de la moitié avec des fonds communs et (2) est utilisé exclusivement par un seul époux pour l’exercice de sa profession ou l’exploitation de son entreprise est scindé. Le droit d’agir en tant que propriétaire (le «titre») est propre à cet époux, alors que la valeur patrimoniale (la «finance») du bien reste commune. En vertu du caractère propre du droit, en ce compris le droit de disposer des biens (le «titre»), ces biens reviendront automatiquement à l’époux concerné lors du partage, avec imputation de la valeur de ceux-ci au moment de la dissolution du régime sur son lot (la «finance»). Pour ces biens, une attribution préférentielle n’est donc plus nécessaire. L’utilité de l’attribution préférentielle est donc limitée aux autres biens professionnels, comme les biens qui sont utilisés par les deux époux pour l’exercice conjoint de leur profession ou l’exploitation conjointe de leur entreprise. Ceux-ci sont en effet communs tant en ce qui concerne le «titre» que la «finance».

Un droit ? Si le régime matrimonial est dissous par décès, le survivant a un droit inconditionnel de réclamer l’attribution des biens préférentiels. Il s’agit d’une disposition de droit matrimonial en faveur du conjoint survivant qui est indépendante du droit successoral. Contrairement à l’attribution après décès, l’attribution après divorce n’a pas lieu de plein droit, pas même si seul un époux la demande. Les intérêts de l’époux qui en fait la demande seront alors évalués par le juge.

Droit de reprise. Lors de la liquidation et du partage du patrimoine commun, l’époux apportant dispose d’un droit de reprise (art. 1455 C. civ.) . Si les biens apportés sont encore présents en nature, il peut les reprendre en nature en imputant leur valeur sur son lot. Depuis la réforme du droit des régimes matrimoniaux en 2018, le droit de reprise est exclu si l’apport a été effectué conjointement par les deux époux (art. 1455 in fine C. civ.) . Les époux peuvent déroger à cette règle et prévoir qu’il n’y aura pas de droit de reprise, ou uniquement en cas de dissolution par divorce, ou encore qu’il n’y aura pas d’imputation de la valeur sur la quote-part de l’époux apportant dans la communauté matrimoniale dissoute, etc. Le droit de reprise peut être exercé sur n’importe quel bien apporté par un époux. Si un bien préférentiel est entré dans le patrimoine commun par un apport exprès et que ce bien est encore présent en nature au moment de la dissolution, l’époux apportant (ou ses héritiers) dispose d’un droit de reprise légal sur ce bien.

Concours. Selon la doctrine et la jurisprudence majoritaire, lorsque ces deux principes concourent, le droit de reprise prime sur l’attribution préférentielle. Le droit de reprise est intimement lié à l’apport du bien et constitue même une modalité légale de l’apport. C’est pourquoi il prime sur l’attribution préférentielle.

L’exercice du droit d’attribution préférentielle permet à l’époux de recevoir prioritairement des biens communs spécifiques, comme le logement familial et certains biens professionnels, faisant partie de la masse à partager. Après le décès de son époux, le conjoint survivant dispose d’un droit inconditionnel d’attribution préférentielle. En cas de divorce, le juge évaluera les intérêts des deux parties. Le droit de reprise confère un droit similaire à l’époux qui a apporté un bien dans la communauté, sauf dispositions contraires prévues par les deux époux. Le droit de reprise légal prime toutefois sur le droit d’attribution préférentielle.

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