SUCCESSION - 22.06.2020

Une vente à prix d’ami ?

Si votre frère ou votre sœur achète à vos parents un bien immobilier à un prix de faveur, pouvez-vous contester cette vente ? Que pouvez-vous faire au décès de vos parents ? Quand est-il question d’une donation indirecte ? Votre frère ou votre sœur doivent-ils alors rapporter l’avantage ? De quel montant pouvez-vous tenir compte ? Comment procéder pour faire constater cet avantage en cas de désaccord ?

Contester la vente ? Des discussions naissent parfois entre frères et sœurs lorsque leurs parents vendent un bien immobilier à l’un d’eux pour un prix inférieur au prix du marché. Peut-être les parents veulent-ils ainsi favoriser cet enfant ou simplement s’assurer que le bien restera dans la famille ou encore pouvoir continuer à occuper le bien après la vente. En tant que futur héritier, vous ne pouvez en principe pas contester cette vente. Vos parents décident en effet eux-mêmes à qui ils vendent leurs biens et à quel prix. Ce n’est que si vos parents n’étaient plus capables au moment de la vente que vous pourriez éventuellement demander la nullité de celle-ci.

Lésion ? Le vendeur d’un bien immobilier qui est lésé pour plus de 7/12 peut en principe demander la rescision (comprenez : l’annulation) de la vente. C’est le cas, même si le vendeur a, lors de la conclusion du contrat, renoncé expressément à la faculté de demander la rescision et même s’il a déclaré donner la différence à l’acheteur. En tant qu’héritier, vous ne pouvez demander une annulation sur cette base qu’après le décès de vos parents et ce, uniquement à concurrence de votre quote-part du bien immobilier. Souvent, il sera alors toutefois trop tard. La demande n’est en effet plus recevable après l’expiration d’un délai de deux ans à compter du jour de la vente (art. 1676 C. civ.) . Si la demande est admise, l’acheteur a le choix : ou il rend la chose et récupère le prix, ou il conserve le bien acheté, en payant le supplément du juste prix, sous la déduction du dixième du prix total (art. 1681 C. civ.) .

Rapport. Au décès de vos parents, vous pouvez toutefois intervenir et soutenir que la vente constituait en réalité une donation indirecte. Sur cette base, vous pouvez demander que le frère ou la sœur qui a acheté le bien litigieux rapporte dans la succession l’avantage acquis via cette vente. Comme chaque héritier hérite en principe d’une part successorale identique, les héritiers doivent en effet rapporter les dons qu’ils ont reçus (en avancement d’hoirie) du défunt (art. 843 C. civ.) .

Exceptions. Seuls les héritiers sont tenus au rapport. Cela signifie que votre frère ou votre sœur peut éviter l’obligation de rapport en refusant la succession. Si vos parents ont vendu le bien immobilier à «prix d’ami» à un non-héritier, p.ex. à un petit-enfant dont le parent est encore en vie, il n’y a pas non plus d’obligation de rapport. En tant qu’héritier, votre frère ou votre sœur peut également éviter le rapport en prouvant que la donation indirecte a été effectuée avec dispense de rapport. En pratique, il sera toutefois difficile d’apporter cette preuve, à moins que vos parents l’aient expressément stipulé.

Réduction. Ce n’est toutefois pas parce qu’il n’y a pas lieu de procéder à un rapport que le bénéficiaire passera toujours entre les mailles du filet. Il se pourrait en effet aussi que la donation indirecte excède la quotité disponible de la succession. Si tel est le cas, vous pourrez en effet toujours demander la réduction de la donation de manière à ce que vos droits réservataires dans la succession ne soient pas mis en péril.

Quel montant rapporter ? Pour déterminer le montant qui doit être rapporté, il y a lieu de prendre en considération l’avantage que l’intéressé a acquis lors de l’achat du bien immobilier. Cet avantage est égal à la différence entre la valeur de marché du bien immobilier au moment de la vente et le prix qui a finalement été payé. Cette différence est ensuite indexée à partir du moment de la donation indirecte jusqu’au décès de vos parents. L’indice des prix à la consommation sera à cet égard déterminant. À partir du décès de vos parents, vous pouvez également demander des intérêts sur ce montant.

Comment le prouver ? En cas de litige, vous devrez prouver qu’il était effectivement question d’une donation indirecte. Vous devrez donc prouver que le bien immobilier a été vendu à un prix trop bas. À cet effet, vous pouvez faire effectuer une estimation de la valeur du bien immobilier à la date de la vente et comparer ensuite cette estimation avec le prix auquel il a été vendu à l’époque. L’expert devra toutefois tenir compte de l’état du bien au moment de la vente et donc p.ex. faire abstraction d’éventuelles rénovations ultérieures. Pour cette estimation, mieux vaut faire appel à un expert qui est régulièrement désigné à ce titre par le tribunal. Si le litige persiste, c’est finalement le notaire liquidateur (ou éventuellement le tribunal) qui aura le dernier mot.

Si vos parents vendent un bien immobilier sous le prix du marché à votre frère ou votre sœur, vous ne pouvez en principe pas contester cette vente de leur vivant. Après leur décès, vous pourrez faire valoir qu’il s’agissait d’une donation indirecte et demander que l’acheteur rapporte l’avantage. Si votre frère ou votre sœur refuse la succession, il/elle ne sera toutefois pas tenu(e) au rapport. Si vos parents ont vendu le bien à un non-héritier, l’obligation de rapport ne s’appliquera pas davantage. Il sera alors parfois aussi possible de demander la réduction de la donation. Faites au besoin appel à un expert pour constater la différence entre la valeur réelle du bien immobilier et le prix auquel il a été vendu.

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