CORONAVIRUS - ACTUALITÉ - 07.07.2020

Incitants fiscaux corona : carry-back des pertes et réserve de reconstitution

La crise du coronavirus a aussi incité le gouvernement à sortir des incitants fiscaux de son chapeau. La Chambre examine ainsi actuellement un projet de loi prévoyant une possibilité de «carry-back» des pertes et l’établissement d’une réserve de reconstitution. Que savons-nous déjà ?

Carry-back et réserve de reconstitution

Projet de loi et proposition de loi

Le 5 juin, le gouvernement a déposé à la Chambre le «Projet de loi portant des dispositions fiscales afin de promouvoir la liquidité et la solvabilité des entreprises dans le contexte de la lutte contre les conséquences économiques de la pandémie de COVID-19». Plus ou moins au même moment (le 3 juin), quelques parlementaires ont déposé une proposition de loi «instaurant une “déduction de pertes anticipée” et un crédit d’impôt concernant les pertes de l’année 2020 liées à la crise du COVID-19».

Tant le projet que la proposition prévoient une possibilité de porter d’ores et déjà les pertes que les indépendants et les sociétés subiraient en 2020 en raison de la crise du coronavirus en déduction de la base imposable de 2019 (et ce, tant à l’impôt des personnes physiques qu’à l’impôt des sociétés). Le projet prévoit une seconde mesure, à savoir l’établissement d’une réserve de reconstitution, c’est-à-dire la possibilité de constituer, pour les exercices d’imposition 2022, 2023 et 2024, une réserve exonérée afin de reconstituer systématiquement les pertes subies à la suite du coronavirus. Cette réserve de reconstitution permettrait, à partir de l’exercice d’imposition 2022, de conserver les bénéfices futurs dans l’entreprise de manière fiscalement avantageuse en les exonérant si les conditions sont remplies.

Projet déjà partiellement adopté !

Le 15 juin 2020, le texte tel qu’adopté par la commission des Finances de la Chambre a été publié. Il en ressort que la mesure de carry-back a déjà été approuvée par la commission, mais qu’il n’y a pas (encore ?) de décision concernant la réserve de reconstitution. Un commentaire détaillé de cette mesure devrait dès lors suivre dans un prochain article de cette lettre d’information, pour autant bien entendu qu’elle soit finalement adoptée.

Carry-back : réglementation

Réserve exonérée

Le «carry-back» permet à une société de constituer, pour son exercice comptable clôturé entre le 13.03.2019 et le 31.12.2020, une réserve exonérée temporaire à concurrence de la perte attendue de l’exercice comptable suivant. Une personne physique qui est imposée sur le bénéfice ou des profits pourrait également déjà prévoir la perte de l’année de revenus 2020 dans l’année de revenus 2019. Cette réserve temporaire est ensuite compensée au cours de l’exercice comptable suivant, de manière à ce que la perte ne soit pas prise en compte deux fois. À l’impôt des personnes physiques (IPP), on parle d’une exonération à caractère économique qui est également compensée dans l’année effective de la perte.

Bien que le titre du projet de loi donne à croire qu’il doit s’agir d’une perte liée au coronavirus, il n’y a en principe pas, sur le fond, d’obligation que la perte ait été subie uniquement en raison du COVID-19. Le Conseil d’État l’indique aussi dans son avis.

Le montant maximum absolu de la perte pouvant être compensée est de 20 millions €. On ne peut pas non plus créer de perte fiscale en 2019 et la compensation est limitée au résultat. En outre, la règle ne s’applique pas aux entreprises ayant des liens dans les paradis fiscaux et aux sociétés qui semblent avoir suffisamment de liquidités et distribuent des dividendes, effectuent des réductions de capital ou procèdent à des rachats de leurs propres actions.

Sanction si la perte de 2020 est surestimée

Bien entendu, l’exercice comptable n’est pas encore clôturé au moment où la déclaration relative à 2019 est déposée et il faut dès lors s’appuyer sur des estimations. C’est ainsi que la déclaration à l’ISoc relative à l’exercice clôturé au 31.12.2019, ainsi que la déclaration à l’IPP (avec procuration) ne devront être déposées qu’en septembre ou en octobre. Le mieux est de ne pas surestimer la perte. Le projet de loi prévoit en effet une sanction si une perte excessive est compensée et ce, sous la forme d’une cotisation supplémentaire ou d’une majoration d’impôt. Le taux de cette cotisation supplémentaire va de 2 % à 40 %, à calculer au moyen d’une formule complexe. Cette formule génère un taux plus élevé à mesure que le résultat réel de 2020 diffère plus ou moins de la perte prise en compte en 2019.

Correction supplémentaire

À l’ISoc, le taux général tombe de 29,58 % à 25 % dès l’exercice d’imposition 2021 (exercice comptable débutant au plus tôt le 01.01.2020) et pour les PME, le taux réduit pour la première tranche de 100 000 € est ramené de 20,4 % à 20 %. La prise en compte de la perte de 2020 dès 2019 présente dès lors un avantage supplémentaire en raison de cette différence de taux. Le projet prévoit par conséquent une correction supplémentaire en 2020. Ce n’est pas simplement la perte qui a été déduite en 2019 qui devra être ajoutée au résultat de 2020, mais la perte majorée de 18,32 % (pour les grandes sociétés qui voient leur taux d’imposition ramené de 29,58 % à 25 %).

Exemple

Les sociétés ont donc intérêt à ne pas surestimer leur perte. Une tolérance de 10 % est cependant prévue. La différence de taux est toutefois comprise dans cette tolérance. Prenons le cas d’une grande société dont l’exercice comptable coïncide avec l’année civile et dont la perte pour 2020 est estimée à 1 656 480 €. Elle décide de constituer une réserve exonérée de 1 400 000 € en 2019 (1 656 480/1,1832). Tant le maximum absolu que la limite à concurrence du résultat de 2019 sont respectés. Le résultat final de 2020 est cependant une perte de 1 000 000 €.

Calcul du résultat fiscal de 2020
Résultat 2020 - 1 000 000 €
Reprise de la réserve exonérée + 1 400 000 €
Majoration liée à la différence de taux (1 400 000 € × 18,32 %) + 256 480 €
Résultat fiscal total de 2020 656 480 €

La tolérance est de 100 000 € (à savoir la perte de 1 000 000 × 10 %). La cotisation distincte s’élève dès lors à 139 120 € (= 25 % × (656 480 - 100 000)). Le taux de la cotisation distincte est alors obtenu en appliquant 20 % au rapport entre le montant du bénéfice et le montant de la perte réellement subie. Dans notre exemple, le taux de la cotisation distincte s’élève à 13,13 % (= 20 % × (656 480 / 1 000 000)). La cotisation distincte s’élève ainsi dans cet exemple à 18 266,46 € (= 139 120 € × 13,13 %).

Comment calculer la limite inférieure ?

Si la perte n’est pas surestimée, il subsiste néanmoins une sanction à concurrence de la différence de taux. Mieux vaut donc en tenir compte. Pour être certain de ne pas avoir en 2020 une sanction inattendue de 18,32 %, le montant maximal de la perte à compenser s’élève dans notre exemple à 845 166 € (= 1 000 000 € / 1,1832).

Calcul du résultat fiscal de 2020
Résultat 2020 - 1 000 000 €
Reprise de la réserve exonérée + 845 166 €
Majoration liée à la différence de taux (845 166 € × 18,32 %) + 154 834 €
Résultat fiscal total de 2020 0 €

La base de la cotisation distincte s’élève alors à 0 (= 25 % × (0 -100 000)) et le taux de la cotisation distincte est aussi égal à 0 (= 20 % × (nihil)).

Conclusion

Il va sans dire que la différence de taux ne s’applique pas à l’IPP. Les sanctions sont cependant similaires si la perte a été surestimée. Le 15 juin, la commission des Finances de la Chambre a publié le texte adopté, mais il faut encore attendre qu’il soit adopté en séance plénière. À l’heure de boucler cet article, les mesures commentées ne sont donc pas encore définitives.

Le projet de loi prévoit que la perte de 2020 liée au coronavirus peut déjà être déduite dans la déclaration relative à 2019. En outre, il serait possible de reconstituer cette perte à l’avenir de manière fiscalement avantageuse (réserve de reconstitution). Le carry-back a déjà été adopté par la commission des Finances de la Chambre mais doit encore l’être en séance plénière.

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