PREUVE - 09.07.2020

Un nouveau droit de la preuve le 01.11.2020

Le livre 8 du Code civil a été inséré par la loi du 13 avril 2019 et modifie substantiellement le droit de la preuve. Qu’est-ce que la «preuve libre» ? Qu’est-ce qu’un «écrit» et un «commencement de preuve par écrit» ? Serez-vous bientôt obligé de coopérer à l’administration de la preuve ? À partir de quand ces nouvelles règles s’appliqueront-elles ?

Droit de la preuve

Grandes lignes

La réforme du droit de la preuve s’inscrit dans le cadre d’une réforme plus vaste du droit civil. Le Code civil (C. civ.) existe depuis 1804 (!) et a subi depuis lors de nombreuses modifications et modernisations partielles. Sous l’impulsion du ministre Geens, sa modernisation approfondie a donc été entreprise, afin d’élaborer un nouveau Code civil moderne. Le nouveau droit de la preuve n’en est donc qu’une partie.

Les règles de preuve sont en cours de réforme, mais on ne repart pas de zéro. La jurisprudence et la doctrine établies seront ancrées dans le droit, certaines règles de preuve seront assouplies (tout en conservant le droit de la preuve réglementé) et il y aura également une modernisation (en supprimant certains concepts obsolètes, en augmentant certaines limites monétaires et en adaptant certaines règles à une numérisation accrue). Enfin, le droit de la preuve sera regroupé dans le livre 8 du Code civil.

Preuve libre

La preuve libre, qui signifie que la preuve peut être apportée par tous les moyens probants (voir ci-dessous), deviendra la règle, et le juge sera libre de décider de la valeur probante des moyens invoqués, sauf si la loi en dispose autrement. Ainsi, les actes juridiques unilatéraux pourront être prouvés par tous les moyens de preuve. Il en ira de même entre et contre des entreprises (à quelques exceptions près).

Droit de la preuve réglementé

Des règles plus strictes s’appliquent dans le cadre du droit de la preuve réglementé : ainsi, il faut un «acte», c’est-à-dire un document signé, pour prouver, entre les parties, un acte juridique dont la valeur est d’au moins 3 500 € (contre 375 € auparavant). De même, il faut également un acte pour apporter la preuve contraire à un tel document. Si, par exemple, une personne suggère qu’un accord ne reflète pas la volonté réelle des parties, elle ne peut le prouver qu’en joignant (p.ex.) une contre-lettre (signée) ou un accord contraire (signé). Les présomptions, aussi probables soient-elles, ne peuvent être utilisées comme preuve ici. L’exigence d’un document ne peut être remplacée que par un serment décisif, un aveu ou un commencement de preuve par écrit corroboré par un ou plusieurs autres moyens de preuve (comme des présomptions).

Les tiers (toute personne autre que les parties) peuvent toujours recourir à la preuve libre pour prouver un acte juridique. Ils peuvent donc utiliser tous les moyens de preuve.

Moyens de preuve

Quels sont les moyens de preuve ?

Les preuves comprennent l’acte sous seing privé, l’acte authentique, tout autre document écrit, le commencement de preuve par écrit, la preuve par témoin, les présomptions de fait, les aveux (judiciaires ou extrajudiciaires) et le serment.

Écrit

Un écrit est un ensemble de signes alphabétiques ou de tous autres signes intelligibles apposé sur un support permettant d’y accéder pendant un laps de temps adapté aux fins auxquelles les informations sont destinées et de préserver leur intégrité, quels que soient le support et les modalités de transmission (art. 8.1., 1° C. civ.) . Cela ne se limite donc plus aux supports papier ; un SMS, un e-mail, un message WhatsApp, etc. peuvent désormais être considérés comme des écrits.

Un acte est un écrit signé, qui peut être «sous seing privé» ou «authentique». Une signature est un signe ou une suite de signes, apposés à la main, par voie électronique ou par tout autre procédé, par lequel une personne s’identifie et à partir duquel sa volonté est manifestée. Si vous apposez votre signature sous un document avec lequel vous n’êtes pas d’accord, indiquez explicitement, à côté de votre signature, «pour information seulement» ou «la signature de ce document ne peut être considérée comme un accord». La signature «ordinaire» peut être distinguée de la signature «électronique», conforme aux exigences (strictes) du règlement (UE) 910/2014. Une signature numérique qui ne répond pas à ces exigences est considérée comme une signature ordinaire. Une signature numérique n’est donc pas, par définition, synonyme de signature électronique.

Acte authentique ou sous seing privé

Un acte sous seing privé est un écrit établi en vue de créer des conséquences juridiques, signé par la ou les parties, avec l’intention de s’en approprier le contenu, et qui n’est pas un acte authentique (art. 8.1., 4° C. civ.) . Un acte authentique est un écrit reçu, avec les solennités requises, par un officier public ou ministériel ayant compétence et qualité pour instrumenter (par exemple un acte notarié, un jugement ou un titre exécutoire).

Commencement de preuve par écrit

Un commencement de preuve par écrit est un écrit (sous quelque forme que ce soit) qui, émanant de celui qui conteste un acte juridique ou de celui qui le représente (p.ex. un avocat), rend vraisemblable l’acte juridique allégué.

Charge de la preuve

Toute personne qui pense pouvoir poursuivre quelqu’un d’autre en justice (par exemple sur la base d’une convention passée entre eux) doit prouver les actes juridiques (dans notre exemple, la convention) ou les faits sur lesquels elle se fonde. Toute personne qui prétend être libérée d’une ou de plusieurs obligations doit prouver les actes juridiques ou les faits qui étaient sa demande, et donc prouver, par exemple, le paiement de sa dette.

Rien de tout cela n’est nouveau. Ce qui est nouveau, cependant, c’est que la loi prévoit expressément que toutes les parties sont tenues de coopérer à l’obtention de preuves et qu’en cas de doute, la partie qui doit prouver les actes juridiques ou les faits qu’elle invoque sera déboutée (sauf si la loi en dispose autrement, par exemple dans le cas des consommateurs).

En outre, le juge peut parfois, à la lumière de circonstances exceptionnelles, imposer la charge de la preuve à l’autre partie, lorsque l’application des règles énoncées ci-avant serait manifestement déraisonnable. Cela n’est possible que lorsque le juge a ordonné toutes les mesures de recherche utiles et a veillé à ce que les parties coopèrent à l’obtention de preuves, sans en obtenir suffisamment de cette manière (art. 8.4., dernier al. C. civ.) . Si vous voulez prouver que vous vouliez retirer de l’argent au distributeur de billets, mais que celui-ci a ravalé la somme demandée, vous pouvez par exemple demander au tribunal d’exiger de la banque qu’elle présente le registre du distributeur.

Standard de preuve

Sauf disposition contraire prévue par la loi, les preuves doivent être fournies avec «un degré raisonnable de certitude», c’est-à-dire de manière à ne pas laisser subsister de doute raisonnable. Si vous devez prouver un fait négatif ou un fait (positif) presque impossible à prouver (comme p.ex. des transferts d’argent par virement bancaire datant de plusieurs décennies), vous pouvez vous contenter de prouver la probabilité de ce fait.

Entrée en vigueur

Pour tous les contrats conclus avant le 1er  novembre 2020, c’est encore l’ancien droit de la preuve qui s’applique. Pour tous aspects procéduraux (charge de la preuve, risque de la preuve, coopération à l’administration de la preuve, etc.), le nouveau droit de la preuve sera applicable immédiatement à partir du 1er  novembre 2020. Donc, pour prouver une convention ayant une valeur de 1 500 € et qui a été conclue avant le 1er  novembre 2020, il faudra toujours pouvoir présenter un acte (c’est-à-dire un écrit signé), alors que, pour une convention de la même valeur conclue après cette date, ce ne sera plus le cas.

CONSEILS

  • À partir du 1er  novembre 2020, seul un acte (écrit signé) sera nécessaire pour prouver les actes juridiques dont la valeur est d’au moins 3 500 €, alors que cette limite était jusqu’à présent de 375 €. Le montant de 3 500 € pourra être adapté par arrêté royal.
  • Pour les preuves entre et contre les sociétés, la (libre) preuve d’entreprise s’applique, p.ex. sur la base de documents comptables ou de factures (acceptées).
  • Dans certains cas, le tribunal peut vous obliger à coopérer à l’obtention de preuves, même si cela vous porte préjudice.
  • Si vous devez prouver un fait négatif ou un fait presque impossible à établir, prouver la probabilité de ce fait peut être suffisant.

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