PERSONNEL - 25.01.2021

Accident du travail : qu’est-ce que «le chemin du travail» ?

L’assurance accidents du travail couvre non seulement un accident sur le lieu du travail, mais aussi un accident survenant sur le chemin du travail. Dans quelle mesure l’employé est-il assuré lorsqu’il effectue un détour ? Quelle est la jurisprudence récente en la matière ?

Accident du travail

Définition

Un accident du travail est un évènement soudain, ayant une cause extérieure, et qui porte atteinte à l’intégrité physique d’un employé. Si l’accident survient durant l’exécution du contrat de travail, aucune discussion n’est possible... Enfin, l’accident du travail doit tout de même toujours avoir une cause extérieure. L’employé qui glisse sur une peau de banane qui se trouve sur le lieu du travail a subi un accident du travail ; par contre, l’employé diabétique qui tombe au travail parce qu’il s’est administré de l’insuline trop tardivement ou qu’il ne se l’est pas administrée du tout ne pourra pas prétendre qu’il a subi un accident du travail.

Le chemin du travail

Un accident qui survient sur le chemin du travail est aussi considéré comme un accident du travail (art. 8, §1, loi sur les accidents du travail) . Le chemin du travail correspond au trajet normal que le travailleur doit parcourir pour se rendre de sa résidence au lieu de l’exécution de son travail, et inversement. Les cours et tribunaux se sont prononcés à de nombreuses reprises sur le caractère normal du chemin allant du et vers le travail.

Une interruption sur le chemin du travail et un détour éventuel peuvent aussi être considérés comme faisant partie du trajet normal de et vers le travail, à la condition que cette interruption et/ou ce détour soi(en)t de moindre importance, et que cela soit fondé sur des motifs légitimes (e.a. Cass., 18.05.2015) . Un détour raisonnable est autorisé pour des raisons pratiques, p.ex. pour aller chercher les enfants, pour aller déposer une personne qui fait du covoiturage, pour faire les courses ou pour aller boire un verre avec les collègues après le travail.

Détour : motifs légitimes

Un arrêt de la Cour du travail de Liège (C. trav. Liège, 12.06.2019) rappelle la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle des motifs légitimes doivent exister pour pouvoir justifier que le détour sur le chemin du travail fait bien partie du chemin du travail. À cet égard, il faut toujours examiner les circonstances spécifiques qui justifient le détour en comparaison avec le trajet qui devrait être effectué en temps normal.

Le motif légitime ne réclame pas forcément l’existence d’une force majeure. Il peut s’agir d’une raison impérieuse, mais toutefois pas d’un choix lié au confort personnel. Voici un exemple accepté comme détour contenant un motif légitime : un employé qui effectue un détour le matin pour aller acheter un journal, sachant que l’employé pouvait difficilement aller acheter son journal à un autre moment de la journée en raison de son horaire de travail, et qu’il est en outre tout à fait légitime de vouloir lire le journal durant la pause du midi (C. trav. Bruxelles, 02.02.2015) , ou une employée qui effectue un détour pour aller acheter des frites pour ses enfants et la grand-mère qui vit avec elle (C. trav. Bruxelles, 22.01.2007) .

L’affaire

Les faits

L’arrêt de la Cour du travail de Liège (C. trav. Liège, 12.06.2019) concernait un employé qui vivait à Liège et travaillait à Jette. Cet employé déclara un accident du travail causé par son moteur sur le chemin du retour de son travail, alors qu’il rapportait un moteur de remplacement dans un garage situé à Uccle, qui effectuait l’entretien de son moteur à lui. L’accident survint toutefois sur la partie du ring de Bruxelles qui ne se trouve pas sur le trajet normal allant de Liège à Jette.

Dans un premier temps, le Tribunal de Liège avait jugé que ce détour était peu important et qu’il avait une cause légitime, à savoir le fait que l’entretien du moteur de l’employé et la remise du moteur de remplacement étaient nécessaires avant la fin de la journée. L’assureur interjeta appel et affirma qu’il s’agissait plutôt d’un détour important, puisque le trajet avait augmenté de 50 % en kilomètres et en temps. Selon l’assureur, ce détour ne pouvait être justifié que par la force majeure, ce qui n’était ici pas le cas. Si ce devait vraiment être un détour peu important, seul le confort personnel aurait pu être invoqué, et celui-ci ne pouvait être considéré comme un motif légitime, selon l’assureur.

L’employé de son client affirma qu’il s’agissait bien d’un détour peu important, puisque ce détour ne comptait que 18,8 km selon Google Maps, et qu’en outre le garage ne se trouvait qu’à 8 km de son lieu de travail. Selon lui, il ne fallait pas prendre en compte la durée du trajet, car celle-ci pouvait être vraiment longue aux heures de pointe, également durant le trajet habituel vers la résidence. L’entretien régulier d’un véhicule qui emprunte la voie publique est une obligation légale et constitue donc un motif légitime. De plus, l’employé devait s’organiser en fonction des heures d’ouverture du garage, qui n’était accessible qu’en journée durant les jours de travail.

Décision de la Cour

La Cour rappela la jurisprudence de la Cour constitutionnelle introduisant la notion de «trajet normal» de et vers le travail (CC, 12.12.2007, n° 152/2007) . Un détour peut survenir sur le chemin du travail. Si le détour est peu important, avec une brève interruption, celui-ci doit être justifié par un objectif légitime. S’il s’agit bien d’un détour important, la notion de force majeure doit pouvoir être invoquée. Le chemin du travail ne doit donc pas nécessairement être le plus court chemin ou le trajet normal. L’employé ne peut bien évidemment pas augmenter les risques en prenant un autre chemin, mais il doit les diminuer en fonction des circonstances concrètes.

Suivant la Cour, une cause légitime se situe entre la force majeure et le confort personnel. Il doit s’agir d’une cause prévisible qui s’impose en raison d’une nécessité certaine, qui ne doit pas être liée à l’exécution du contrat de travail, mais il peut s’agir tout simplement d’une cause essentielle qui survient dans la vie personnelle ou familiale de l’employé ou qui a un caractère moral ou social. Le motif ne peut pas être de pur confort personnel, et donc pas uniquement dépendre de la volonté de l’employé.

Selon la Cour, il ne fallait pas examiner la perte de temps dans ce cas particulier, puisqu’il s’agissait d’un trajet emprunté aux heures de pointe. En ce qui concerne le motif du détour, la Cour considéra qu’il n’y avait dans ce cas aucun motif légitime au sens de l’art. 8 de la loi du 10 avril 1971. Suivant la Cour, le motif du détour se trouvait exclusivement dans le confort personnel et l’organisation personnelle de l’employé. Toujours suivant la Cour, l’employé n’a pas pu démontrer que ce détour était justifié et qu’il n’avait aucune autre possibilité que d’emprunter ce chemin. Le jugement a été réformé et la Cour a jugé qu’aucun accident du travail ne devait être constaté dans cette affaire.

Conclusion

Un employé a la permission de prendre un détour sur le chemin du travail, donc en allant vers et en revenant du travail. Pour déterminer si le détour doit être considéré comme important, les circonstances spécifiques du cas d’espèce sont examinées, et pas seulement le nombre de kilomètres et la période de temps écoulée. Quand il s’agit d’un détour important, il faut démontrer que l’employé se trouvait dans un cas de force majeure. Quand il s’agit d’un détour peu important (limité en nombre de kilomètres et/ou en temps), un motif légitime doit être établi pour justifier ce détour. Ce motif légitime ne doit pas être aussi sévère qu’un cas de force majeure, mais le détour doit tout de même en quelque sorte s’imposer à l’employé. Celui-ci ne peut emprunter ce détour uniquement pour son confort personnel.

Conseils

  • Un accident du travail peut survenir sur le chemin du travail, même quand l’employé emprunte un détour et ne suit donc pas son trajet normal.
  • Quand le détour n’est pas considéré comme important, l’employé doit démontrer qu’il n’a pas emprunté ce détour uniquement par confort personnel, mais que ce détour s’imposait en quelque sorte à lui. Dans ce cas-ci, il faut toujours examiner les faits particuliers.
  • Si le détour est important, l’employé doit démontrer le cas de force majeure.

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