CESSION D’UNE SOCIÉTÉ - 25.01.2021

Déclarations et garanties lors d’une reprise

En règle générale, la cession d’actions a la même finalité économique que le transfert direct d’un ou de plusieurs éléments d’actifs. Pouvez-vous vous prémunir lors de cette cession d’actions des garanties légales octroyées à l’acheteur conformément aux dispositions du Code civil ? Quelle est donc la portée de ces garanties ? Pourquoi est-ce nécessaire d’inclure des déclarations et des garanties élargies dans le contrat de reprise ?

Garantie légale

Asset deal vs share deal

L’acquisition d’une entreprise peut avoir lieu de diverses manières. Traditionnellement, une distinction est opérée entre share deal et asset deal. Un share deal, ou une cession d’actions, est une transaction dans laquelle (souvent tous) les actionnaires de la société visée décident de vendre (souvent toutes) leurs actions à un acquéreur. Un asset deal, quant à lui, constitue une cession d’un ou de plusieurs éléments d’actifs, et non une cession des actions elles-mêmes, comme dans le share deal.

Même si les deux opérations juridiques visent le même résultat final, c’est-à-dire la cession d’une activité économique bien déterminée, elles ont chacune des conséquences juridiques très différentes, notamment en ce qui concerne la protection des acheteurs.

Vices cachés

Tant un share deal qu’un asset deal sont soumis aux dispositions du Code civil (C. civ.) sur la vente, vu qu’un transfert de propriété s’opère dans les deux cas et qu’une contreprestation est exécutée en retour. Ainsi, l’acheteur se pose la question de savoir si l’objet de la vente correspond bel et bien à l’objet décrit par le vendeur. Pour offrir à l’acheteur une meilleure garantie à cet égard, le C. civ. impose au vendeur quelques obligations supplémentaires, en complément à la mise à disposition de l’objet de la transaction.

Le vendeur doit donc garantir l’acheteur contre les vices cachés et l’éviction de tiers. Concrètement, l’acheteur a donc un droit de recours contre le vendeur lorsqu’un tiers dispose de droits sur l’objet de la transaction, ou que des vices cachés apparaissent.

Achat et vente d’actions

Les conséquences des dispositions précitées sont importantes pour la pratique des M&A (Mergers and Acquisitions/fusions et acquisitions), et les cessions d’actions en particulier, puisqu’en cas de share deal, les vices cachés dans les avoirs patrimoniaux ne sont pas couverts par l’obligation légale de garantie. Celle-ci ne s’applique en effet qu’aux actions en tant que telles, et ne s’étend pas aux avoirs patrimoniaux individuels de la société visée (p.ex. biens immobiliers, logiciel, machines, etc.).

La violation de cette garantie a d’importantes conséquences juridiques, puisque le droit de recours de l’acheteur en est considérablement limité. Le vendeur est alors sollicité pour fournir des garanties et des déclarations contractuelles sur l’état et les éléments d’actifs de la société visée.

Déclarations et garanties

Importance

La technique des déclarations et des garanties, souvent appelée dans le jargon «reps and warranties», constitue la base contractuelle que l’acquéreur peut invoquer s’il constate que ce qu’il a acquis n’est pas ce qui avait été présenté par le vendeur. Les déclarations et les garanties sont donc utilisées dans presque tous les contrats d’acquisition. Alors que les termes «déclarations» et «garanties» sont souvent utilisés de manière interchangeable, leur sens doit être déduit du contexte dans lequel ils sont utilisés.

Champ d’application et effets juridiques

Les déclarations et les garanties peuvent être définies de manière générale comme des déclarations contractuelles, qui tendent à obtenir le transfert des risques, qui sont établies par le vendeur, et qui portent sur l’objet du contrat d’acquisition. S’il devait s’avérer, après l’acquisition, que la garantie octroyée par le vendeur était incorrecte, l’acheteur dispose d’un droit de recours à l’encontre du vendeur, indépendamment de la cause du dommage.

Un contrat d’acquisition peut éventuellement contenir des clauses purement informatives (qui ne transfèrent donc pas de risques). L’engagement du vendeur est moindre, puisqu’il souhaite simplement communiquer des informations et qu’il n’indique pas être prêt à payer une somme d’argent si les informations devaient être erronées. L’intention des parties de transférer les risques doit donc apparaître clairement lors de la rédaction des clauses qui doivent être considérées comme des déclarations et des garanties.

Les déclarations et les garanties générales ont trait, entre autres, à la comptabilité, aux comptes annuels, aux stocks, aux créances, aux dettes, à la transaction entre des parties liées, au respect des obligations légales, ...

Garanties spécifiques

Outre les déclarations et les garanties générales, des garanties spécifiques (nommées «specific indemnities») peuvent aussi faire partie d’un contrat d’acquisition. Ce sont des clauses relatives à des risques spécifiques que l’acheteur a identifiés sur la base notamment de la due diligence. Il peut arriver, par exemple, qu’une demande concrète de dommages et intérêts plane au-dessus de l’entreprise visée. Dans ce cas, le vendeur est sollicité pour s’engager à indemniser intégralement le dommage, si celui-ci devait se réaliser.

Formulation de l’obligation de garantie

Le vendeur souhaite parfois préciser dans un certain nombre de déclarations et de garanties que celles-ci ont été établies «to his best knowledge». L’acheteur doit alors supporter une double charge de la preuve : il doit prouver non seulement l’existence de la violation des déclarations et des garanties, mais aussi le fait que le vendeur était au courant de cette violation.

Par ailleurs, le vendeur veut souvent inclure la restriction suivant laquelle les évènements qui surviennent dans le cours normal des affaires, tombent en dehors du champ d’application des déclarations et des garanties.

En outre, le vendeur demande souvent que l’acheteur confirme explicitement qu’il était capable d’effectuer une «due diligence» et que le vendeur n’est pas responsable des violations des déclarations et des garanties dont l’acheteur avait connaissance.

Data room disclosure

Les faits et les circonstances qui proviennent d’informations enregistrées dans la «data room» (notamment les informations fournies par le vendeur au sujet de l’entreprise visée) et qui donnent lieu à une violation des déclarations et des garanties, constituent généralement une exception aux obligations du vendeur sur la base des déclarations et des garanties.

Ce principe d’exception est dénommé «data room disclosure». Dans ce cas précis, l’acheteur est censé connaître les informations de la data room et les accepter.

Une telle «data room disclosure» implique un risque pour l’acheteur. C’est pourquoi l’acheteur voudra souvent limiter l’étendue des «disclosures» aux informations qui sont expressément mises à disposition dans la data room, de telle sorte que ces informations soient clairement pertinentes, sans devoir recourir à une vérification complémentaire. Les parties peuvent toutefois décider que le contenu de la data room est «not disclosed», en stipulant explicitement que tous les éléments qui sont présents dans cette data room sont soumis à l’obligation de garantie et qu’ils ne constituent, en d’autres mots, aucune exception aux déclarations et aux garanties établies dans le contrat.

Conseils

  • Lors d’une cession d’actions, la protection légale de l’acheteur porte uniquement sur les actions elles-mêmes, et non sur les éléments d’actifs sous-jacents. L’acheteur doit donc inclure des déclarations et des garanties du vendeur dans le contrat de reprise.
  • Le vendeur voudra limiter sa responsabilité en excluant les violations des déclarations dont l’acheteur avait connaissance.
  • Si le vendeur demande une exception pour des faits et des circonstances qui proviennent des informations de la data room, vous feriez bien de limiter l’étendue des «disclosures» aux informations qui sont expressément mises à disposition dans la data room, de telle sorte que la pertinence de ces informations soit claire, sans devoir recourir à une vérification complémentaire.

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