CONTRAT - 25.01.2021

Plus d’équilibre dans les relations B2B en interdisant les clauses abusives ?

De nombreux nouveaux articles ajoutés au Livre VI du Code de droit économique (C. éco.) sont entrés en vigueur le 1er  décembre 2020 et restreignent dorénavant les clauses manifestement déséquilibrées pour les contrats entre entreprises. Quelles sont les clauses qui sont devenues interdites ? Quelle est la différence entre la liste noire et la liste grise ? Quelles sont les sanctions qui accompagnent les clauses interdites ? Est-ce que l’entièreté du contrat devient nulle ?

Clauses abusives

B2B vs B2C

Cela fait des années que les entreprises ne peuvent plus inclure de clauses dans les contrats avec des consommateurs qui créent un déséquilibre manifeste au détriment du consommateur. Le législateur vient d’introduire des restrictions semblables dans le Livre VI C. éco. pour les contrats entre entreprises. Ces restrictions contractuelles, qui sont valables indépendamment de la taille de l’entreprise, visent à éliminer les déséquilibres manifestes dans les contrats B2B.

Claire et compréhensible

Les clauses dans les relations B2B, tant dans les contrats que dans les conditions générales, doivent avant tout être claires et compréhensibles (art. VI.91/2 C. éco.) . Cela veut dire que le texte de la clause doit être clair et écrit dans une langue compréhensible par le destinataire.

La manière dont les dispositions contractuelles sont communiquées à l’autre partie au contrat est aussi importante. En tant que partie au contrat, vous devez avoir la possibilité d’accepter le contenu des conditions contractuelles en connaissance de cause avant la conclusion du contrat. La notification peut se trouver au verso du bon de commande ou de la facture, en version imprimée, dans un courriel, etc.

Assurez-vous que vous avez gardé une preuve de la notification, ainsi que de votre acceptation des clauses (p.ex. la signature du bon de commande, l’absence de contestation de la facture, la signature d’un contrat, etc.). Quand vous renvoyez aux conditions générales du verso de la page, assurez-vous de bien avoir indiqué le renvoi à ces conditions au recto (bon de commande, facture, etc.).

Déséquilibre manifeste

Est abusive toute clause contractuelle conclue entre des entreprises, qui seule ou combinée avec une ou plusieurs autres clauses, crée un déséquilibre manifeste entre les droits et les obligations des deux entreprises (art. 91/3, 1 C. éco.) .

Un déséquilibre peut donc exister ; l’égalité parfaite entre les parties n’est pas exigée. Le déséquilibre dont il est question ici doit avoir un caractère manifeste (donc évident).

Veuillez noter que l‘appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat, ni sur l’adéquation entre le prix ou la rémunération, d’une part, et les produits à fournir en contrepartie, d’autre part, pour autant que ces clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible (art. VI.91/3, §2, in fine C. éco.) . L’interdiction de déséquilibre manifeste ne s’applique donc pas à la détermination de l’objet et du prix (les «clauses essentielles»).

Critères

L’évaluation d’un éventuel déséquilibre manifeste se fera à l’aide des critères suivants : les circonstances spécifiques de la conclusion du contrat (une partie au contrat négocie-t-elle en ayant une position supérieure/inférieure par rapport à la position de l’autre partie ?) ; l’économie générale du contrat (qui a établi cette économie générale ? ; est-elle plus sévère pour l’une des parties ? ; etc.) ; les usages commerciaux en vigueur ; toutes les autres clauses du contrat ou d’un autre contrat dont celui-ci dépend ; la nature des produits ou les prestations fournies ; le caractère clair et compréhensible de la clause.

Sanction

Toute clause abusive est interdite et nulle. Le contrat reste contraignant pour les parties s’il peut subsister sans les clauses abusives (art. VI.91/6 C. éco.) . Si le contrat ne peut subsister sans celles-ci, il peut être annulé.

Entrée en vigueur

Ces nouvelles dispositions sont applicables aux contrats qui sont conclus, renouvelés ou modifiés à partir du 1er  décembre 2020. Les contrats existants et ceux qui sont en cours d’exécution restent donc soumis aux anciennes dispositions, jusqu’à ce qu’ils soient renouvelés ou modifiés.

Listes noire et grise

Liste noire

Comme l’appréciation d’un «déséquilibre manifeste» à l’aide des critères susmentionnés n’est pas toujours évidente et peut donc engendrer de nombreuses discussions, le législateur a établi une liste de clauses qui sont toujours interdites. Ce sont (art. VI.91/4 C. éco.) les clauses qui ont pour objet de : (1) prévoir un engagement irrévocable de l’autre partie, alors que l’exécution des prestations de l’entreprise est soumise à une condition dont la réalisation dépend de sa seule volonté ; (2) conférer à l’entreprise le droit unilatéral d’interpréter une quelconque clause du contrat ; (3) en cas de conflit, faire renoncer l’autre partie à tout moyen de recours contre l’entreprise ; (4) constater de manière irréfragable la connaissance ou l’adhésion de l’autre partie à des clauses dont elle n’a pas eu, effectivement, l’occasion de prendre connaissance avant la conclusion du contrat. En ce qui concerne ce dernier point, il faut rappeler encore une fois le rôle primordial octroyé à la prise de connaissance effective des clauses.

Liste grise

La liste grise comprend les clauses qui sont présumées être abusives, mais pour lesquelles l’entreprise peut apporter la preuve contraire. Sont présumées être abusives, sous réserve de preuve contraire (art. VI.91/5 C. éco.) , les clauses qui visent à : (1) autoriser l’entreprise à modifier unilatéralement sans raison valable le prix, les caractéristiques ou les conditions du contrat ; (2) proroger ou renouveler tacitement un contrat à durée déterminée sans spécification d’un délai raisonnable de résiliation ; (3) placer, sans contrepartie, le risque économique sur une partie alors que celui-ci incombe normalement à l’autre entreprise ou à une autre partie au contrat ; (4) exclure ou limiter de façon inappropriée les droits légaux d’une partie, en cas de non-exécution totale ou partielle ou d’exécution défectueuse par l’autre entreprise d’une de ses obligations contractuelles ; (5) sans préjudice de l’art. 1184 du C. civ., engager les parties sans spécification d’un délai raisonnable de résiliation ; (6) libérer l’entreprise de sa responsabilité du fait de son dol, de sa faute grave ou de celle de ses préposés ou, sauf en cas de force majeure, du fait de toute inexécution des engagements essentiels qui font l’objet du contrat ; (7) limiter les moyens de preuve que l’autre partie peut utiliser ; (8) fixer des montants de dommages et intérêts réclamés en cas d’inexécution ou de retard dans l’exécution des obligations de l’autre partie qui dépassent manifestement l’étendue du préjudice susceptible d’être subi par l’entreprise.

C’est sans doute surtout cette dernière liste qui aura un grand impact. Pensez aux contrats de longue durée avec des entreprises de collecte de déchets ou des fournisseurs informatiques qui prévoient un renouvellement tacite – en petites lettres – pour une longue durée, sans donner la possibilité de soumettre un préavis ou en exigeant le paiement d’une somme excessive pour pouvoir résilier le contrat. Pensez aux limitations extrêmes de responsabilité, aux clauses pénales forfaitaires très élevées, etc.

Le C. éco. donne au Roi la possibilité d’élargir tant la liste noire que la liste grise.

Conseils

  • Les clauses créant un déséquilibre manifeste entre les parties qui sont incluses dans les contrats conclus, renouvelés ou modifiés après le 1er  décembre 2020 sont maintenant interdites. Une liste noire et une liste grise des clauses interdites ont été établies pour donner les orientations principales.
  • L’entrée en vigueur de cette nouvelle réglementation vous contraint à réviser vos (modèles de) contrats avec vos fournisseurs et avec vos clients en B2B. Une évaluation et une mise à jour de vos conditions générales sont probablement nécessaires.
  • Les clauses interdites sont nulles et ne peuvent plus être appliquées. Le contrat en tant que tel est toujours valide s’il peut subsister sans les clauses abusives.
  • L’objet et le prix du contrat peuvent toujours être déterminés librement.

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