EXAMEN APPROFONDI - MÉDECINS HOSPITALIERS - 15.04.2021

Discrimination liée à l’âge : une loterie d’agir en justice ?

La clause d’un contrat hospitalier stipulant qu’il prendra fin automatiquement quand le médecin atteindra l’âge de la pension a déjà été considérée comme une discrimination liée à l’âge, donc illégitime. Dans une récente affaire, il a été statué en ce sens en première instance, mais pas en appel. Pourquoi donc ?

Préambule

Bien des réglementations générales et/ou des contrats individuels contiennent une clause prévoyant que le contrat prendra fin «de plein droit» lorsque le médecin atteindra l’âge de 65 ans. Souvent, il y est couplé la possibilité de contracter un nouveau contrat, limité dans le temps et/ou quant aux activités exercées. Mais, si l’hôpital invoque votre âge pour mettre fin à une collaboration existante et/ou vous refuser d’en entamer une nouvelle, il commet en principe une discrimination, ce que la loi ne l’autorise pas à faire. Légalement, on ne peut en effet pas discriminer sur la base de l’âge, sauf si cela se justifie par un motif légitime. Une récente affaire judiciaire montre que la présence ou l’absence d’un tel but est difficilement prévisible.

Que s’était-il passé ?

La réglementation générale d’un hôpital prévoyait que tous les contrats des médecins prenaient fin le dernier jour du mois où ceux-ci atteignaient 65 ans. À l’approche de son 65e  anniversaire, un chirurgien avait dès lors demandé à pouvoir poursuivre ses activités au-delà de cet âge. L’hôpital avait refusé cette demande du fait que le service et le conseil médical n’y avaient pas marqué leur accord. Le conseil d’administration avait ensuite motivé sa décision en se référant au rajeunissement et à la rotation nécessaires du corps médical, à la nécessité de garantir la continuité des soins et au souci d’éviter un contrôle actif de la compétence de médecins âgés. Le chirurgien s’était senti discriminé du fait de son âge et avait réclamé à l’hôpital un dommage moral et matériel de plus de 650 000 €.

Qu’en a dit la justice ?

En première instance, le chirurgien a eu gain de cause (Trib. trav. Termonde, 05.08.2019) . Il n’était pas prouvé, selon le Tribunal, que les deux jeunes médecins récemment engagés n’auraient pas assez de chances en présence du chirurgien plus âgé. Le Tribunal n’a pas non plus admis que ce dernier aurait compliqué la mise en place d’une nouvelle approche multidisciplinaire ou qu’un contrôle de ses compétences aurait été nécessaire.

En appel, la décision est radicalement inverse (C. trav. Gand, 04.09.2020) . La Cour aussi a rejeté l’argument du contrôle des compétences, mais a estimé qu’il ressortait suffisamment des documents produits que l’hôpital menait une politique de rajeunissement de son corps médical. Tous les médecins étaient aussi traités de la même façon et une telle règle objective est préférable, selon la Cour du travail, à une situation où on apprécierait au cas par cas si un médecin âgé est encore apte à exercer sa profession avec toute la qualité requise.

Qu’en retenir ?

Les motifs, devenus classiques, pour lesquels un hôpital justifie de mettre fin à un contrat à l’âge de la pension (rajeunissement/rotation, continuité et qualité) sont mis en avant dans les deux décisions, mais interprétés par les deux juridictions dans un sens totalement différent, et cela pour les mêmes faits. Cela peut donner l’impression, et pas à tort, que soumettre un tel litige aux tribunaux relève en fait d’une loterie. Un point peut toutefois jouer en votre faveur et c’est le fait que la charge de la preuve d’un tel motif légitime pèse en principe sur l’hôpital et non sur vous.

L’hôpital peut tenter de justifier l’obligation de cesser à 65 ans par un «motif légitime», le plus souvent la nécessité d’un rajeunissement ou d’une rotation. Quant à dire s’il parviendra à le démontrer effectivement, cela relève en soi d’une pure appréciation des faits, ce qui rend l’issue de la décision assez imprévisible en pareil cas.

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