Le fisc peut-il se servir du fait que vous «ayez de l’argent» ?
Que s’était-il passé ?
Le contrôle fiscal d’un particulier. Un contribuable avait été contrôlé, car le fisc avait eu connaissance d’un compte (étranger) qui affichait un solde créditeur (mettons de 250 000 € p.ex.) à la date du 31.12, ce qui concordait peu avec les revenus que ce contribuable avait déclarés.
D’où un décompte indiciaire. Le contrôleur avait en effet décidé d’en établir un, où il avait placé le solde du compte bancaire, soit 250 000 €, du côté des montants à justifier. Après déduction des justifications dont il avait connaissance, il était parvenu à un déficit indiciaire qu’il avait imposé.
Ce contribuable n’a pas été d’accord ! C’est à tort, dit-il, que le fisc a repris le solde de 250 000 € du compte bancaire en question dans son décompte indiciaire. Ce compte existait en effet depuis longtemps déjà et le fisc n’a pas démontré que son solde s’était accru au cours de l’année contrôlée.
Le fisc persiste. Selon lui, la possession d’un capital peut être un signe et indice en soi. C’est même dit en toutes lettres dans le «Commentaire du Code des impôts sur les revenus» (Com. IR 92, n° 341/22) . Il en reste donc sur sa position : c’est à juste titre que le montant de 250 000 € (solde du compte au 31.12) a été considéré comme un «indice». Si le contribuable estimait que le solde de départ du compte au cours de l’année contrôlée apportait la preuve contraire de l’existence de cet indice, il n’avait qu’à produire cette preuve, ce qu’il n’avait pas fait.
Qu’en a dit la Cour de cassation ?
Les «indices». Les «signes et indices», dont le fisc peut se servir à votre encontre, sont les «dépenses, placements, investissements et accroissements d’avoirs» constatés au cours d’une année. Des indices typiques sont des investissements faits dans votre entreprise, de gros achats privés ou encore des placements.
Et le solde d’un compte bancaire ? Non ! Le fisc ne peut considérer comme un indice que l’accroissement d’un avoir durant la période imposable. La situation patrimoniale à la fin d’une année ou en cours d’année ne peut par contre pas servir en soi dans un décompte indiciaire. Le seul fait d’avoir eu une somme d’argent à un moment donné d’une période imposable ne suffit pas à fonder un décompte indiciaire (Cass., 29.01.2021) .
Qu’en retenir ?
La charge de la preuve. Il n’est pas drôle de recevoir un décompte indiciaire et souvent, vous serez enclin à tenter directement de réfuter le déficit indiciaire allégué. Or, la première question à vous poser, c’est de voir si le fisc a bien prouvé un déficit indiciaire. C’est seulement s’il l’a fait que vous avez à apporter la preuve contraire.
Et le solde (créditeur) d’un compte bancaire ? À lui seul, il n’est pas utilisable. Si le fisc avait prouvé que ce compte était passé p.ex. de 100 000 € à 250 000 € durant l’année contrôlée, l’accroissement de 150 000 € aurait été un élément dont il aurait pu tenir compte (accroissement d’avoir). Pas par contre de la simple existence d’un solde bancaire créditeur !
Conseil. Si vous recevez un tel décompte indiciaire, vous pourriez vous contenter de répondre qu’il est dépourvu de validité !