SOCIÉTÉ - RESPONSABILITÉ DE L’ADMINISTRATEUR - 11.05.2021

Vous assumez un mandat d’administrateur sans engagement…

Il arrive souvent qu’un dirigeant d’entreprise assume un mandat d’administrateur dans une société pour faire plaisir à un administrateur ou un actionnaire ami. Cela se produit le plus souvent dans les SA où l’organe d’administration doit en principe être constitué de trois administrateurs. Est-ce judicieux d’assumer ce type de mandat «passif» ? Quelles sont les obligations de ces administrateurs ? Et le Code des sociétés et des associations offre-t-il d’autres options pour éviter de recourir à ce type de service d’amis ?

SA «ancienne version» (C. soc.)

Service d’amis

Il arrivait (et il arrive toujours) souvent, surtout dans les SA, que des membres de la famille, des amis ou des connaissances assument un mandat d’administrateur à la demande de l’actionnaire principal (souvent le pater familias ) pour atteindre le nombre requis d’administrateurs. Dans une SA, le conseil d’administration doit être constitué d’au moins trois membres, sauf si la SA ne compte pas plus de deux actionnaires, auquel cas deux suffisent (art. 518, §1 C. soc., maintenant art. 7:85 CSA) . Ces administrateurs «amis» n’ont souvent pas la moindre affinité avec la société et parfois même avec la gestion même d’une société. Quand la faillite de la société est déclarée et que le curateur tient les administrateurs pour responsables, les administrateurs passifs veulent évidemment filer en douce. Ils disent, qu’en fait ils n’étaient pas des administrateurs, qu’ils ne connaissaient rien de la société, qu’ils rendaient juste un service d’amis.

L’administrateur passif est un administrateur

Dans un arrêt récent (Cass., 09.10.2020) , la Cour de cassation a jugé (cela concernait une ASBL, mais les principes sont les mêmes) qu’une répartition interne des tâches entre les administrateurs ou l’absence de réel acte administratif posé par un administrateur ne porte pas préjudice à l’obligation d’un administrateur d’exercer un contrôle sur les autres administrateurs.

Au niveau civil, les administrateurs «passifs» endossent la même responsabilité que les administrateurs actifs. Cette jurisprudence est dans la lignée de l’ancienne jurisprudence qui a notamment jugé que les éléments intrinsèques, comme l’aptitude et les capacités de l’administrateur ne doivent pas être pris en compte lors de l’appréciation de cette responsabilité. Un administrateur ne peut donc pas se prévaloir de sa propre incompétence. Il ne peut pas non plus en appeler à sa passivité ou à son ignorance. Une délégation de compétence ne peut pas non plus l’exonérer de sa responsabilité.

Conséquences concrètes

La première leçon que vous devez en tirer est que vous ne devez si possible pas assumer de mandat d’administrateur pour faire plaisir à quelqu’un. Être administrateur dans une société crée avant tout des obligations. Si vous décidez quand même d’être administrateur et que vous ne touchez pas aux commandes (p.ex. que vous êtes un administrateur non exécutif), vous devez alors au moins exercer un contrôle suffisant sur les autres administrateurs, en contrôlant des documents, en posant des questions, en faisant des remarques, etc. Veillez à vous en procurer une preuve. Notez les questions et les remarques dans les procès-verbaux du conseil d’administration, envoyez des courriels et, au besoin, des lettres recommandées. Si vous n’arrivez pas à joindre vos correspondants, qu’on vous refuse l’accès aux documents demandés ou qu’on vous empêche d’exercer ce contrôle, il ne vous reste rien d’autre à faire que de démissionner. Indiquez dans votre lettre de démission le contexte et les causes de celle-ci et distanciez-vous des décisions auxquelles vous n’avez pas pris part.

SA «nouvelle version» (CSA)

Durcissement

Depuis le 1er  janvier 2020, il n’est plus possible pour une seule et même personne de siéger au même organe d’administration avec plusieurs casquettes. Vous ne pouvez donc plus siéger au conseil d’administration en nom personnel en tant qu’administrateur et aussi en tant que représentant permanent d’un administrateur d’une personne morale. Est-ce que cela vous oblige encore plus à faire appel à des amis ? Non, car le CSA offre des alternatives.

Administration moniste

Sous le CSA, il est possible, comme sous l’ancien Code des sociétés, de désigner un organe d’administration collégial (conseil d’administration). Les règles d’avant, relatives au nombre d’administrateurs et à la composition, restent valables. Cela signifie concrètement que la SA doit compter au moins trois administrateurs, sauf si (et tant que) la société a moins de trois actionnaires. Dans ce cas, le conseil d’administration peut être composé de seulement deux personnes. Mais cela ne vous aide pas quand vous êtes le seul actionnaire dans votre société et que vous voulez le rester.

Administrateur unique

Pour ne plus devoir faire appel à la famille, aux amis et/ou aux connaissances, vous pourriez décider qu’un administrateur unique gère votre SA. Si les statuts prévoient cette possibilité (qui nécessite une modification des statuts pour les «anciennes» SA), la SA peut être gérée par un seul administrateur, qu’il soit nommé dans les statuts ou non (art. 7:101, §1 CSA) . L’administrateur unique peut être une personne physique ou une personne morale. Les statuts peuvent prévoir qu’il soit solidairement et indéfiniment responsable des engagements de la société. Cela arrive parfois dans les groupes de sociétés.

Les statuts peuvent aussi déterminer que l’administrateur dispose d’un droit de véto pour toute modification des statuts, distribution aux actionnaires et même pour sa propre révocation (art. 7:101, §3 CSA) . Ce droit de véto à l’encontre de sa propre révocation ne porte pas préjudice à la possibilité de révoquer l’administrateur unique pour justes motifs lors d’une assemblée générale, si les exigences de quorum et de majorité pour une modification de statuts sont rencontrées.

Administration duale

Une administration duale est constituée par un conseil de surveillance et un conseil de direction (art. 7:104 s. CSA) . Cette administration duale ne convient pas si vous souhaitez limiter le nombre de personnes au sein de votre organe d’administration.

Transformer une SA en SRL

Une autre option pour ne pas devoir faire appel à des administrateurs tiers, c’est de transformer votre SA en SRL. Une SRL peut en effet être gérée par une seule personne (personne physique ou morale) – sans qu’une clause statutaire spécifique ne soit exigée –. Notez que la transformation exige l’accomplissement d’un certain nombre de formalités.

Limitation de responsabilité

Si vous exercez encore un mandat d’administrateur pour un ami après le 1er  janvier 2020, sachez que votre responsabilité en tant qu’administrateur est plafonnée. Elle est limitée pour tous les administrateurs (art. 2:57, §2 CSA) aux montants allant de 250 000 € pour les petites PME (si le chiffre d’affaires moyen de la société, hors TVA, s’élevait au moins à 700 000 € durant les trois derniers exercices comptables avant l’introduction de l’action et si le total moyen du bilan n’était pas supérieur à 350 000 €) et 12 000 000 € pour les grandes entreprises (bilan total de plus de 43 000 000 € et chiffre d’affaires annuel moyen hors TVA supérieur à 50 000 000 €).

Cette limitation ne s’applique pas en cas de faute légère présentant dans leur chef un caractère habituel plutôt qu’accidentel, de faute grave ou d’intention frauduleuse, et pas non plus en cas de responsabilité particulière pour les dettes fiscales ou ONSS et la fraude fiscale grave. Ces exceptions ont souvent été critiquées en raison de leur imprécision et des atteintes éventuelles au principe d’égalité.

conseils

  • Si vous assumez un mandat d’administrateur pour un ami, sachez que vous engagez la même responsabilité que les autres administrateurs (actifs). La responsabilité est plafonnée depuis le 1er  janvier 2020, mais elle reste importante.
  • Vous ne pouvez pas fuir vos responsabilités en invoquant votre rôle passif, votre ignorance, votre manque de familiarité avec l’évolution des activités, etc.
  • Si vous désirez ne plus faire appel à la famille, amis et/ou connaissances pour jouer le rôle d’administrateur passif dans votre conseil d’administration, modifiez les statuts de votre SA pour qu’elle puisse être gérée par un administrateur unique ou modifiez la forme sociale de votre société de SA en une SRL.
  • Il n’est plus possible, depuis le 1er  janvier 2020, de siéger au même organe d’administration en différentes qualités (p.ex. administrateur et représentant permanent d’un administrateur d’une personne morale).

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