PLANIFICATION SUCCESSORALE - 04.06.2021

Apporter un immeuble dans une société puis en donner les actions ?

Si vous donnez un immeuble, des droits de donation progressifs, pouvant atteindre 27 %, s’appliquent. Les biens mobiliers, en revanche, peuvent être donnés en ligne directe moyennant un taux fixe de 3 % ou 3,3 %. Est-il dès lors intéressant d’apporter des biens immobiliers à une société avant d’en donner les actions ? Les autorités fiscales peuvent-elles considérer cette manière de faire comme un abus fiscal ? Quand est-ce approprié, et quand ne l’est-ce pas ?

Apport en société

De quoi s’agit-il ?

Le coût (fiscal) élevé des donations immobilières amène les propriétaires de plusieurs biens à réfléchir aux possibilités d’optimisation. Une vente suivie de la donation des fonds est une solution évidente, mais ce n’est pas toujours possible ou souhaitable. Faire d’un immeuble un bien mobilier en l’apportant à une société semble dès lors être une alternative intéressante.

Lorsque vous apportez un bien immobilier à une société, vous recevez généralement des actions de la société en échange. À la suite de l’apport, la société devient propriétaire du bien immobilier, mais vous restez propriétaire des actions. L’un des principaux avantages de cet échange est que les actions de la société sont toujours, par nature, des biens mobiliers, et ce même si la société a des biens immobiliers dans son bilan. La donation d’actions d’une société est donc une donation mobilière, soumise au taux fixe qui leur est applicable.

Avantages et inconvénients

L’apport de biens à une société, en vue d’une donation ultérieure, présente un inconvénient important pour les biens destinés principalement à un usage résidentiel, car cet apport est assorti d’un droit d’enregistrement de 12,5 % en Wallonie et à Bruxelles et de 10 % en Flandre.

En outre, les revenus de l’immeuble reviennent alors à la société, et ils ne sont donc pas directement disponibles pour un usage privé. Ces revenus sont en outre soumis à un régime d’imposition plus lourd dans la société que sur le plan privé, car tous les revenus sont soumis à l’impôt des sociétés. Les plus-values sont imposables dans le chef de la société. Le bien devient également la propriété de la société, et il sera très coûteux de le transférer vers un patrimoine privé. La constitution et le maintien de la société ont un prix. Le bien est également soumis au risque de la société. S’il s’agit du logement familial, vous ne bénéficierez plus de l’exonération des droits de succession pour le logement familial (entre partenaires).

Toutefois, la constitution d’une société patrimoniale n’a pas que des désavantages. En principe, tous les frais relatifs à l’immeuble sont déductibles pour la société. Le taux de l’impôt des sociétés est également inférieur à celui de l’IPP, et les biens immobiliers de la société peuvent être amortis.

Société simple

Différentes formes de société peuvent être utilisées pour une société patrimoniale, mais une société sans personnalité morale, comme la société simple, présente un inconvénient majeur. En raison de son absence de personnalité juridique, les actionnaires sont les propriétaires directs des actifs sous-jacents. La donation de parts d’une société simple contenant des biens immobiliers est donc (partiellement) considérée comme une donation immobilière.

Abus fiscal ?

Disposition anti-abus

Depuis 2012, il existe une disposition légale spécifique visant à limiter les abus fiscaux en matière de droits de succession et d’enregistrement. Cette disposition vise les opérations ou les combinaisons d’opérations qui ont pour objectif de contrecarrer une disposition légale (fiscale), alors qu’il n’existe pas d’arguments non fiscaux suffisants justifiant ces opérations en tant que telles.

Afin de donner aux citoyens une certaine sécurité juridique, les différentes administrations fiscales (fédérale et flamande) ont fourni des explications supplémentaires concernant ces dispositions «anti-abus» en matière de droits de succession et d’enregistrement, avec des exemples concrets (les listes «blanche» et «noire»).

Motifs non fiscaux

Au fil des ans, les conseillers ont testé toutes sortes de techniques et de combinaisons de planification successorale à l’aune de ces dispositions anti-abus, par le biais de décisions anticipées. Ce faisant, il est important de mettre en avant des motifs convaincants, autres que le simple gain fiscal.

À première vue, cela semble assez simple : l’apport de biens immobiliers à une société n’est pas quelque chose qui se fait à la légère et les diverses conséquences de cet apport peuvent immédiatement servir de motifs non fiscaux, notamment la gestion efficace des biens apportés, grâce à la structure de la société et à ses organes.

Position des autorités fiscales

Dans le passé, l’administration fiscale flamande s’est prononcée à plusieurs reprises en faveur d’un apport de biens immobiliers dans une société suivi de la donation des actions (p.ex. déc. ant. n° 17018, 21.06.217 ; déc. ant. n° 19051, 04.11.2019) , parce que des motifs non fiscaux suffisants étaient présents. Dans une autre décision (déc. ant. n° 18024, 06.08.2018) , l’administration fiscale flamande adopte une position beaucoup plus critique et parle d’abus fiscal. Il s’agit bien entendu d’une décision anticipée concernant un cas concret, dont on ne peut tirer aucune règle générale.

Cour d’appel

Dans une autre affaire, les requérants ont également reçu une décision négative concernant leurs opérations envisagées, qu’ils ont contestée devant le tribunal. Et la Cour d’appel de Gand leur a donné raison, estimant que les motifs non fiscaux étaient suffisants pour qu’il ne soit pas question d’abus fiscal (Gand 17.12.2019) . La Cour s’est notamment référée à la volonté d’ancrer le patrimoine immobilier dans la famille, à l’intention de gérer les biens immobiliers de manière structurée et professionnelle et de faire une distinction entre les biens immobiliers privés et les biens immobiliers professionnels qui sont mis en location.

Suite à cet arrêt de la Cour d’appel, l’administration fiscale flamande a de nouveau émis un avis positif sur une situation concrète de combinaison apport - donation (déc. ant. n° 19060, 20.01.2020) , apportant plus de clarté quant aux arguments non fiscaux qui peuvent la convaincre : la préservation et l’ancrage du caractère familial des biens ; l’absence d’aliénation à long terme des actions ou des biens immobiliers apportés ; l’association d’une interdiction (temporaire) d’aliénation à la donation, afin d’assurer le maintien au sein de la famille ; la professionnalisation de la gestion des biens et la limitation des risques/de la responsabilité ; l’utilisation des biens immobiliers au sein de la société ou pour des opérations commerciales.

L’apport de biens immobiliers à une société peut être avantageux dans certaines circonstances, mais il faut tenir compte de tous les frais et inconvénients. La donation d’actions est une donation mobilière, ce qui est avantageux d’un point de vue fiscal, mais l’administration peut invoquer un abus fiscal en cas de combinaison d’un apport et d’une donation. Il est donc important de pouvoir démontrer que les opérations sont également motivées par des motifs non fiscaux convaincants. Vous pouvez vous appuyer sur les décisions positives de Vlabel à cet égard. La demande d’une décision anticipée semble recommandée, afin d’exclure le risque d’une requalification.

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