Que vaut un enregistrement «secret» ?
Il peut servir de preuve…
Dans d’autres pays (aux Pays-Bas p.ex.), le fait que des patients annoncent à leur médecin qu’ils vont enregistrer l’entretien à suivre est déjà bien entré dans les mœurs. En Belgique, c’est encore plutôt exceptionnel, mais ceci dit, rien n’empêche un patient d’enregistrer un entretien après en avoir demandé l’autorisation à son médecin. S’il y a un accord préalable à l’enregistrement, il n’étonnera personne qu’il puisse ensuite servir aussi de preuve en justice.
… y compris si vous n’en avez rien su ?
Un abonné avait été confronté à une patiente mécontente après une intervention. Un nerf avait été atteint dans son dos et elle ne disposait de ce fait plus de toutes ses capacités sportives. Elle reprochait à cet abonné de ne pas avoir respecté son obligation d’information. «Cette patiente aurait enregistré, semble-t-il, la consultation qui a précédé l’intervention et en déduirait que je ne lui en ai pas communiqué tous les risques. Même si ce n’est pas exact, pourrait-elle néanmoins, avec cet enregistrement, me mener la vie dure sur le plan juridique ?», nous a demandé cet abonné.
Parfois accepté, bien que secret
Un participant à un entretien peut l’enregistrer… C’est ainsi : un entretien privé peut être enregistré à l’insu des interlocuteurs à la condition que celui qui enregistre y participe lui-même. Traduit dans le cadre de la relation médecin-patient : un patient peut juridiquement enregistrer un entretien qu’il a avec vous, même sans vous en informer.
Attention ! L’inverse n’est pas vrai. De votre point de vue, l’entretien est professionnel et non privé. De ce fait, le RGPD notamment s’y applique et vous ne pouvez pas faire d’enregistrement sans respecter des règles et des conditions strictes.
… et donc aussi s’en servir comme preuve. Du fait que le patient peut effectuer un enregistrement, celui-ci risque fort de se voir accepté comme preuve, même en matière civile. Les critères d’appréciation seront alors les suivants : le contenu n’a-t-il pas été provoqué par celui qui enregistre l’entretien ? L’enregistrement est-il fiable ? (ce peut ne pas être le cas si certaines parties ont été omises ou que la voix n’est pas bien reconnaissable), le litige entre les parties était-il préexistant ?, etc.
Ce que cela implique
Un enregistrement est une présomption de fait… Si l’enregistrement avait été admis comme preuve en justice dans ce cas-ci, et qu’il en résultait que cet abonné n’a pas communiqué un risque déterminé et bien tous les autres, cet enregistrement constituerait une «présomption de fait» d’une violation de l’obligation d’information.
… d’où une inversion de la charge de la preuve. Alors que c’est normalement au patient de prouver une violation de l’obligation d’information (et du préjudice qu’il en a subi), ce sera alors l’inverse : à l’abonné de prouver le contraire. Peut-être pourra-t-il, à partir de son dossier, prouver qu’il a bel et bien pointé le risque litigieux durant un autre entretien. Ce n’est donc pas nécessairement «la fin de l’histoire»…