SOCIÉTÉ - CESSION - 29.04.2022

Jusqu’à quel point une fusion peut-elle avoir un motif fiscal ?

Une société en reprend une autre du même groupe par le biais d’une fusion. Le fisc refuse à la société repreneuse de déduire les intérêts notionnels et pertes reportés de la société reprise, au motif que la fusion serait inspirée par des motifs de nature principalement fiscale. A-t-il obtenu gain de cause en justice ?

X et Y sont des sociétés filiales de la société Z. Fin 2014, X reprend Y et, pour cela, fusionne avec elle. Ensuite, X déduit les intérêts notionnels et pertes reportées de Y dans ses déclarations d’impôt.

Position de l’Administration

Le fisc refuse à X cette déduction d’intérêts notionnels et de pertes. Pour lui, la condition mise à la neutralité fiscale, à savoir que la fusion soit fondée sur des considérations économiques, n’est pas remplie. Y est en effet une société dormante depuis des années déjà : elle n’avait plus d’activité économique significative au sein du groupe Z, ni d’ailleurs l’infrastructure nécessaire pour cela. Elle n’avait pas de chiffre d’affaires et ses frais étaient minimaux, de sorte que l’économie de coûts avancée comme motif économique à la fusion était négligeable, surtout comparé à l’avantage fiscal de l’opération.

Position de la justice

La Cour d’appel de Gand donne raison au fisc. Une fusion qui est aussi sous-tendue par des considérations fiscales peut se faire en toute neutralité fiscale, mais seulement si ces considérations fiscales ne sont pas prépondérantes. Le fisc a dûment démontré que la fusion ne reposait pas sur des considérations économiques et que son objectif prépondérant était l’évitement de l’impôt, plus précisément la récupération des déductions fiscales encore inutilisées de Y.

Vous trouverez l’arrêt de la Cour d’appel de Gand du 11.01.2022 (décision originale en néerlandais) sur https://www.astucesetconseils.be , Annexes, 28e  année, n° 13.

Commentaire

Fusion = liquidation. Si une société en reprend une autre par le biais d’une fusion, la société reprise est en principe censée, sur le plan fiscal, être liquidée (art. 210, §1, 1° CIR 92) . Les plus-values réalisées et constatées à l’occasion de la liquidation, et les réserves immunisées jusque-là, sont imposables. Les pertes reportées et déductions fiscales de la société liquidée sont perdues.

Quasiment toujours en «neutralité fiscale». En pratique, les fusions sont quasiment toujours neutres sur le plan fiscal, ce qui signifie que les plus-values et réserves précitées ne sont malgré tout pas imposées (art. 211, §1, al. 1, 1° CIR 92) et que la société qui subsiste à l’issue de la fusion peut continuer à appliquer les déductions fiscales de la société reprise (art. 212, al. 1 CIR 92) .

Quand n’est-ce pas le cas ? Pourque cette neutralité soit accordée, il faut que le but principal (ou l’un des buts principaux) de la fusion ne soit pas de frauder ou d’éviter l’impôt. Ce qui est présumé, jusqu’à la preuve du contraire, si la fusion ne se fait pas pour des motifs économiques (art. 183bis CIR 92) . Certes, il peut aussi y avoir des considérations d’ordre fiscal, mais pas prépondérantes (CJUE, 10.11.2011, C-126/10) . Cela doit être apprécié d’après les circonstances concrètes du cas d’espèce.

Attention ! Il en va de même concernant la disposition générale anti-abus (art. 344 CIR 92) . Vous pouvez écarter son application en invoquant des motifs non fiscaux qui justifient l’opération que le fisc a dans son collimateur, mais ces motifs ne peuvent être négligeables au point que cette opération semble impossible si l’on ne tient pas compte de ses motifs fiscaux (circ. Ci.RH. 81/616.207, 04.05.2012, C 1.2.3.) .

Une fusion n’est fiscalement neutre que si elle a lieu pour des considérations économiques, autres que fiscales, non négligeables. D’éventuels motifs fiscaux ne peuvent être prépondérants. Les motifs non fiscaux que vous pouvez invoquer pour écarter l’application de la disposition générale anti-abus doivent être suffisamment pertinents.


Pour aller plus loin


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