INTERNATIONAL - 04.04.2022

La nouvelle CPDI va-t-elle mettre fin à la saga des SCI ?

De nombreux belges ayant une résidence secondaire en France acquièrent leur bien immobilier par le biais d’une SCI. Au regard de la fiscalité française, en tant qu’actionnaire d’une SCI, vous percevez des revenus immobiliers. Toutefois, en 2016 et 2017, la Cour de cassation belge a jugé qu’une SCI constituait un investissement en actions. Dans quelle mesure la nouvelle convention préventive de double imposition (CPDI) apporte-t-elle désormais plus de clarté ?

La saga des SCI…

Qu’est-ce qu’une SCI ?

En France, il est courant, pour les personnes physiques, d’acheter un bien immobilier par le biais d’une société civile immobilière (SCI). Or, d’après le droit des sociétés français, la SCI a la personnalité juridique. Sur le plan de la fiscalité française, elle peut donc être considérée, en simplifiant un peu, comme «transparente» (ou, pour être exact, comme «translucide»), sauf si elle opte pour l’imposition en tant que société. Par conséquent, ses revenus sont considérés comme revenant directement à ses actionnaires personnes physiques (français ou étrangers). Ces actionnaires perçoivent dès lors des revenus immobiliers. Les versements de dividendes ultérieurs, par la SCI à ses actionnaires, ne sont ensuite plus imposés en France.

Quelle imposition en Belgique ?

En vertu du droit des sociétés français, la SCI a la personnalité juridique. Pour déterminer si une entité étrangère est transparente ou non sur le plan de la fiscalité belge, la doctrine de la «lex societatis» veut que l’on commence par examiner ce que prescrit le droit des sociétés étranger. Si l’entité a manifestement la personnalité juridique en vertu de ce droit des sociétés étranger, il s’agit d’une société (non transparente) pour la fiscalité belge.

Sur la base de la doctrine belge «lex societatis», l’actionnaire d’une SCI est donc propriétaire d’actions, et pas de biens immobiliers français. Mais l’administration française considère que l’investisseur (belge) détient directement le bien immobilier (français). Or, dans ce cas, en vertu de la CPDI, la France peut imposer ces revenus immobiliers, alors que la Belgique, en tant que pays de résidence, doit les exonérer. Comme elle le fait sous réserve de progressivité, vous devez déclarer vos revenus immobiliers français en Belgique, ce qui a pour conséquence d’en principe «pousser» vos autres revenus vers une tranche d’imposition supérieure.

Cour de cassation

Déjà en 2004 (Cass., 02.12.2004) , la Cour de cassation a décidé que les revenus qu’un résident fiscal belge tire d’un bien situé en France et détenu via une SCI sont des revenus immobiliers imposables en France. Le ministre n’était pas d’accord et s’est entêté à maintenir la qualification de dividende, en vertu de quoi la Belgique peut imposer ce revenu à l’IPP à hauteur de 30 % (actuellement).

Toutefois, la Cour de cassation semblait avoir changé d’avis récemment (Cass., 29.09.2016 et 21.09.2017) . Si l’immobilier français est détenu via une SCI, il s’agissait bien d’un investissement en actions.

CPDI

Vive ma translucidité !

L’article 1 définit à quelles «personnes» la CPDI s’applique. En partie pour surmonter la vieille discussion entre la Belgique et la France, une attention particulière est alors accordée à la possibilité d’une protection conventionnelle pour les «entités transparentes», telles que la SCI.

Compte tenu du traitement fiscal hybride d’une SCI en Belgique et en France, les revenus obtenus par l’intermédiaire de ou par une «société de personnes», une «association de personnes avec ou sans personnalité juridique» ou «toute autre entité similaire avec personnalité juridique» qui est «considérée comme totalement ou partiellement transparente fiscalement» sur la base de la législation fiscale de l’un des États contractants, sont assimilés, par la convention, aux revenus d’un «résident» belge ou français, dans la mesure où le revenu est, sur le plan fiscal, traité comme tel par l’État concerné. Les SCI françaises bénéficient donc désormais de la protection conventionnelle pour les revenus d’origine belge lorsque la SCI est «translucide» en France et a des résidents français comme actionnaires.

Traitement fiscal des SCI

L’article 4 considère la SCI comme «résidente» : toute entité française qui est effectivement gérée en France, qui y est soumise à l’impôt et dont les actionnaires ou membres sont personnellement soumis à l’impôt sur leur part proportionnelle des bénéfices de l’entité conformément à la législation fiscale française, est considérée comme résidente en vertu de la convention.

L’article 13 prévoit qu’une plus-value réalisée sur les actions d’une société immobilière française non cotée peut être imposée en France si plus de 50 % de la valeur de l’actif de cette société est constituée de biens immobiliers situés en France et qui n’y sont pas utilisés à des fins professionnelles, du moins à condition que l’administration fiscale française impose ces plus-values comme des «plus-values immobilières réalisées». Cela donne l’impression que la France a maintenant le pouvoir d’imposition sur les «plus-values sur des parts de SCI» réalisées par un actionnaire belge, si cette SCI a des biens immobiliers «privés» dans son bilan.

Mais la Belgique a vendu chèrement sa peau, car le numéro 12 du protocole de la convention précise que, pour l’application de l’article 22, la nature des sommes versées ou octroyées à l’actionnaire d’une SCI est déterminée par le droit belge. Cela signifie concrètement que la Belgique peut qualifier les paiements effectués par une SCI aux actionnaires belges en vertu du droit belge. Et comme la SCI est dotée de la personnalité juridique, il est probable que la Belgique opte pour le dividende.

Enfin, l’article 22, 2°, c) de la nouvelle convention offre également une solution pour les sociétés belges ayant une participation dans une SCI française fiscalement translucide en France. Le problème est qu’une telle SCI ne paie pas elle-même d’impôt des sociétés en France, et que la société belge ne bénéficie donc pas d’une déduction RDT sur les dividendes reçus. Or, la convention prévoit explicitement que, dans la mesure où la société belge est elle-même imposée en France sur sa quote-part des bénéfices de la SCI, la SCI ne doit pas réussir le «test de taxation» pour bénéficier de la déduction RDT en Belgique. En outre, si la société belge ne pouvait pas prétendre à la déduction RDT (p.ex. en raison d’une participation dans la SCI inférieure à 10 % ou à 2 500 000 €), l’impôt français serait imputable sur l’impôt des sociétés belge dû sur les revenus de la SCI.

La discussion sur les SCI ne semble donc pas encore totalement terminée…

La nouvelle CPDI doit encore être ratifiée par les parlements des deux pays et ne devrait donc pas entrer en vigueur avant le 1er  janvier 2023. D’après cette nouvelle convention, la France continuera d’imposer les revenus d’une SCI «transparente» en tant que revenus immobiliers, alors que la Belgique devra les exonérer (sous réserve de progressivité). La position de la Cour de cassation, selon laquelle la Belgique peut imposer les dividendes versés par la SCI (à l’IPP, au taux de 30 %) trouve appui dans le protocole de la convention. Nouveauté importante : la convention prévoit que la plus-value réalisée lors de la vente d’actions d’une société composée à plus de 50 % de biens immobiliers français peut être imposée en France (impôt sur les plus-values de 19 %, à majorer des cotisations sociales de 7,5 %).

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