JURISPRUDENCE RÉCENTE - 12.09.2022

Force majeure médicale si réintégration impossible ?

Imaginons qu’un trajet de réintégration soit entamé pour un travailleur malade de longue durée, qu’il apparaisse à cette occasion qu’il est définitivement inapte au travail et qu’aucun travail adapté ne soit envisageable. Pouvez-vous dans ce cas invoquer une force majeure médicale ? Réponse d’un jugement récent…

La résiliation du contrat de travail pour cause de force majeure médicale (sans délai ni indemnité de préavis) n’est possible qu’après un trajet de réintégration. Lors de ce trajet, le médecin du travail peut prendre une décision C et donc déclarer l’intéressé définitivement inapte pour le travail convenu, mais pas pour un travail adapté ou un autre travail. Le travailleur peut aller en appel contre cette décision. Si celle-ci est confirmée ou si le travailleur ne va pas en appel, l’employeur est chargé d’établir un plan. Il se concertera avec différentes parties afin de déterminer si un travail adapté ou un autre travail est envisageable. S’il apparaît qu’aucun plan de réintégration n’est possible, l’employeur peut licencier le travailleur pour cause de force majeure médicale.

Que s’est-il passé ?

L’incapacité de travail d’un travailleur se prolongeant, un employeur (une commune) avait entamé un trajet de réintégration. Le conseiller en prévention-médecin du travail avait pris une décision C. Le travailleur était allé en appel. L’employeur a ensuite unilatéralement décidé qu’aucun plan de réintégration n’était possible et avait dès lors invoqué la force majeure médicale.

Qu’a dit le juge ?

Le juge a considéré que le trajet de réintégration ne s’était pas déroulé correctement. Le conseiller en prévention-médecin du travail avait ainsi tenu compte, lors de son évaluation, de l’«ancienne» fonction du travailleur alors que celui-ci avait changé de fonction dans l’intervalle. L’employeur avait en outre conclu, sans la moindre concertation préalable avec le travailleur ou le médecin du travail, qu’aucun plan de réintégration ne pouvait être établi. Pour le juge, l’employeur ne pouvait dès lors pas invoquer la force majeure médicale et il devait payer une indemnité de préavis.

Que pouvez-vous en retenir ?

Procédure stricte. Vous ne pouvez conclure qu’aucun plan de réintégration n’est possible que si vous pouvez démontrer qu’il n’est objectivement pas possible de proposer un travail adapté ou un autre travail au travailleur, ou que l’offre d’un tel travail ne peut être exigée de vous pour de bonnes raisons. La loi impose en outre de vous concerter avec le travailleur, le conseiller en prévention-médecin du travail et d’autres personnes éventuelles pouvant contribuer à la réussite de la réintégration.

Attention ! Même si le conseiller en prévention-médecin du travail commet une faute, celle-ci peut être imputée à l’employeur. Il existe toutefois aussi de la jurisprudence en sens inverse, à savoir des juges qui estiment que la réussite d’un trajet ne saurait être hypothéquée par un non-respect de la procédure par le médecin du travail.

L’accord du travailleur nécessaire ? D’un point de vue strict, il n’est pas nécessaire que le travailleur estime aussi qu’il s’agit d’une force majeure médicale, mais si c’est le cas, le risque de voir rejeter cette force majeure ou infliger une autre sanction (p.ex. une indemnité pour licenciement manifestement déraisonnable) sera nettement moindre.

Tribunal du travail de Bruxelles, 2e  chambre francophone - jugement du 02.11.2021 - n° de rôle 20/2079/A. Décision favorable au travailleur.

En principe, à l’issue d’un trajet de réintégration, vous pouvez invoquer la force majeure médicale après une «décision C». La jurisprudence se montre néanmoins très stricte quant au bon déroulement du trajet de réintégration, comme en témoigne une décision récente. Pour prévenir toute sanction ultérieure, le plus sûr reste que le travailleur estime aussi qu’il s’agit d’une force majeure médicale.

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