EXAMEN APPROFONDI - ATTESTATIONS - 26.10.2022

Punissable pour avoir remis une attestation falsifiée ?

Un médecin antidate une attestation destinée au remboursement de soins infirmiers à domicile, mais c’est l’un de ses collègues qui la remet à l’infirmier qui a fait les soins. Ce collègue peut-il se voir condamner pénalement pour n’avoir que transmis cette attestation falsifiée ? Réponse de la Cour de cassation…

Resituons le contexte

Mentionner (à dessein) une date erronée sur une attestation pour permettre à soi-même ou à un tiers d’en tirer avantage est constitutif du délit de «faux en écritures» (art. 196 C. pén.) , passible d’un emprisonnement de cinq à dix ans.

Est punissable non seulement celui qui falsifie les documents, mais aussi celui qui s’en sert. L’article 197 du C. pén. punit l’utilisateur «comme s’il était l’auteur du faux» ; lui aussi encoure donc une peine d’emprisonnement de cinq à dix ans. Et il y a de quoi être surpris, à voir une récente affaire, quand on constate qui peut être considéré comme utilisateur d’un document médical falsifié…

Que s’était-il passé ?

L’Ordre avait suspendu un médecin pour six mois, mais il avait continué à exercer la médecine (en faisant des visites à domicile), ce qui lui a valu une condamnation pénale. Durant la même période, il avait aussi délivré des attestations pour des soins infirmiers à domicile. Pour tout masquer, il les avait datées d’avant l’entrée en vigueur de sa suspension. Voilà qui a été considéré comme un «faux en écritures».

Jusqu’ici, rien de neuf, mais voilà que ce médecin a aussi été condamné pour «usage de faux documents». En remettant les attestations à l’infirmier à domicile, ce dernier avait en effet perçu des honoraires en tiers payant. La Cour d’appel a considéré que cette simple remise des attestations était aussi punissable. Le médecin condamné a toutefois introduit un recours en cassation, estimant que l’utilisateur était (seulement) l’infirmier, et pas lui (également).

Qu’a décidé la Cour de cassation ?

Le terme «usage» (de faux documents) est à comprendre dans son acception courante, juge la Cour de cassation, à savoir le comportement matériel de se servir du document pour atteindre un but déterminé. Cette utilisation doit être de nature à pouvoir être un moyen de donner effet au faux. Dans la cadre de cette affaire, la Cour suprême a jugé que le médecin en cause s’était bien rendu (aussi) coupable de l’usage de faux documents (Cass., 23.03.2021) . Leur remise s’était en effet faite pour permettre à l’infirmier de percevoir des honoraires par le biais du tiers payant, et la prescription avait été antidatée pour donner l’impression que le prescripteur l’avait signée avant sa suspension.

Qu’en retenir ?

Il ressort de cet arrêt qu’est pénalement punissable non seulement celui qui falsifie une attestation, mais aussi celui qui remet celle-ci à un autre prestataire de soins. Si cette remise se fait pour atteindre un but précis et ainsi donner effet au faux document, celui qui remet le faux en est l’utilisateur et est, à ce titre, punissable. En l’espèce, le médecin condamné a été tant rédacteur qu’utilisateur du faux document, mais ces délits peuvent aussi avoir été commis par des personnes différentes. Supposez p.ex. que, en l’absence d’un médecin, une tierce personne (p.ex. un associé, un MSF, etc.) remette la fausse attestation à un autre prestataire de soins, tant le rédacteur de l’attestation que ce tiers qui la remet risquent d’être condamnés pénalement. À une condition toutefois : que l’utilisation se fasse en toute connaissance de cause, et donc que l’utilisateur ait su/pu savoir que le document était faux.

Si la remise d’une fausse attestation se fait pour atteindre un but précis et ainsi donner effet au faux, la Cour suprême a jugé que celui qui remet le faux document en est un «utilisateur», punissable dès lors à ce titre. Il ne peut s’innocenter qu’en démontrant qu’il ne savait pas/ne pouvait pas savoir que le document était falsifié.

Contact

Larcier-Intersentia | Tiensesteenweg 306 | 3000 Louvain

Tél. : 0800 39 067 | Fax : 0800 39 068

contact@larcier-intersentia.com | www.larcier-intersentia.com

 

Siège social

Lefebvre Sarrut Belgium SA | Rue Haute, 139 - Boîte 6 | 1000 Bruxelles

RPM Bruxelles | TVA BE 0436.181.878