LICENCIEMENT POUR MOTIF GRAVE - 22.11.2022

Êtes-vous obligé d’entendre au préalable le travailleur ?

Vous envisagez de licencier un travailleur pour motif grave. Devez-vous alors d’abord le laisser vous faire part de sa version des faits ou cela n’est-il pas obligatoire? Qu’en en pensé récemment la Cour constitutionnelle ?

Imaginons que vous ayez de bonnes raisons de vouloir licencier un de vos travailleurs pour motif grave. Vous le soupçonnez p.ex. de s’être rendu coupable de fraude. Pouvez-vous alors le licencier directement pour motif grave ou êtes-vous obligé de l’entendre au préalable afin qu’il puisse vous donner sa version des faits ?

Que s’est-il passé ?

Les fonctionnaires du secteur public ont le droit d’être entendus avant d’être licenciés. Le Tribunal du travail de Bruxelles a donc demandé à la Cour constitutionnelle si l’absence d’une telle audition préalable obligatoire pour les salariés est contraire aux principes d’égalité et de non-discrimination, auquel cas tout travailleur qui n’aurait pas été entendu pourrait contester son licenciement.

Position de la Cour constitutionnelle

Pas de discrimination. La différence de traitement entre les fonctionnaires du secteur public et les  salariés du secteur privé est d’après la Cour raisonnablement justifiée et n’est donc pas discriminatoire. Les autorités publiques sont en effet tenues d’organiser une telle audition en raison de leur nature particulière et de leurs obligations de s’informer complètement au préalable et de protéger les intéressés contre le risque d’arbitraire.

Audition pas toujours obligatoire. Cela ne signifie pas que les employeurs du secteur privé ne seraient jamais tenus d’entendre au préalable un travailleur qu’ils envisagent de licencier, mais bien que l’absence d’audition préalable n’entraîne pas automatiquement la nullité du licenciement.

Que retenir de ce qui précède ?

Pas légalement obligatoire. Vous n’êtes donc en principe pas tenu d’entendre un travailleur avant de le licencier pour motif grave. Ni la loi ni la jurisprudence n’en font une condition essentielle de la validité de la procédure.

Attention ! Le règlement de travail ou une CCT peut parfois prévoir une telle obligation. Dans ce cas, un licenciement notifié sans audition préalable pourrait être irrégulier.

Vous serez plus fort si vous le faites ! Une audition préalable vous permettra souvent de présenter un dossier plus solide au juge. Les propos du travailleur (ou son refus de s’exprimer) peuvent en effet vous aider à mieux motiver son licenciement.

Sachez prouver le contenu de l’audition. C’est p.ex. possible via une déclaration signée ou des témoins. Mieux vaut à cet égard faire mener cette audition par (au moins) deux personnes (qui pourront aussi si nécessaire faire une déclaration par la suite). Réfléchissez bien aux questions que vous poserez et à leur ordre. Cela peut en effet vous aider à «coincer» le travailleur dans ses mensonges ou à démontrer l’incohérence de son récit.

Conseil. Une audition préalable peut aussi présenter un avantage procédural, au niveau de la règle des trois jours. La plupart des juges acceptent en effet que ce délai pour licencier quelqu’un pour motif grave ne commence à courir qu’à partir de l’audition du travailleur, à moins que celle-ci ne soit uniquement organisée pour prolonger le délai.

Cour constitutionnelle 27.10.2022 n° 137/2022

Le fait qu’une audition préalable ne soit pas légalement obligatoire pour les salariés, mais bien pour les fonctionnaires n’est pas discriminatoire pour la Cour constitutionnelle. Même sans audition préalable, le licenciement d’un salarié peut donc être valable, à moins qu’une CCT ou le règlement de travail ne prévoient une telle audition. Si c’est possible, mieux vaut toutefois organiser une audition en vue de disposer d’un dossier plus solide. Veillez alors aussi à pouvoir en prouver le contenu.

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