Refuser de transmettre des informations = motif grave ?
Que s’est-il passé ?
Personne ne connaît le mot de passe du site Web. Un travailleur du département informatique d’une ASBL avait notamment été chargé de créer un nouveau site Web. Durant une période d’absence, on lui avait demandé de transmettre certaines informations (notamment le mot de passe). Lui seul en effet détenait ces informations.
Refus du travailleur. Il avait toutefois refusé de communiquer ces informations. L’employeur avait plusieurs fois réitéré sa demande par e-mail. Le travailleur avait certes répondu à chacun d’entre eux, mais sans jamais transmettre les informations demandées. La coupe était pleine pour l’employeur. Après une ultime mise en demeure l’avertissant qu’il serait licencié pour motif grave s’il ne communiquait pas les informations sans délai, l’employeur mis sa menace à exécution. Le travailleur contesta alors son licenciement.
Qu’a dit le juge ?
La Cour du travail a accepté le motif grave. La Cour du travail a estimé qu’il ressortait des éléments du dossier que le travailleur s’était rendu coupable de rétention d’informations nécessaires à l’employeur et d’insubordination en refusant de donner suite aux demandes légitimes de son responsable. L’excuse avancée par le travailleur à l’audience, à savoir que son adresse e-mail privée était reliée au site Web, n’a pas convaincu le juge. Il aurait dû à tout le moins en informer d’emblée son employeur afin que d’autres solutions puissent être trouvées. Il avait en outre aggravé son cas en refusant de transmettre les informations demandées par e-mail, en ne fournissant que des informations parcellaires et en feignant de ne pas comprendre ce qui lui était demandé. La Cour du travail a donc conclu à une faute grave dans le chef du travailleur, même s’il s’agissait d’un cas isolé.
Même en période d’incapacité de travail ! Ce qui frappe, c’est que le juge estime aussi que le travailleur doit transmettre ces informations pendant son incapacité de travail. Le fait que le travailleur lisait et répondait à ses e-mails pendant son absence a joué en sa défaveur. Il n’était donc pas totalement «hors de combat»…
Que pouvez-vous en retenir ?
L’«insubordination» est une notion large . Un travailleur est aussi obligé de donner suite à des demandes légitimes de partage d’informations, même parfois en période d’incapacité de travail.
Tout dépend des circonstances concrètes. C’est évidemment toujours une question de fait. Il doit vraiment s’agir d’informations importantes que le travailleur doit raisonnablement transmettre après en avoir reçu la demande explicite de son employeur.
Mise en demeure préalable. Il est recommandé, comme l’employeur l’a fait en l’espèce, de mettre le travailleur en demeure au préalable au moins une fois. Envoyez-lui dès lors une lettre recommandée pour l’informer qu’il dépasse les bornes et qu’il sera licencié pour motif grave s’il ne change pas d’attitude.
Cour d’appel de Bruxelles, 05.01.2022, RG 2018/AB/978.