Répartition des frais de la propriété scindée d’un immeuble : volet fiscal
Propriété scindée. Une propriété scindée (usufruit - nue-propriété) naît souvent à la suite du décès d’un parent. Le droit successoral légal prévoit alors que le conjoint survivant hérite de l’usufruit et les enfants de la nue-propriété. Elle peut toutefois aussi résulter d’autres actes juridiques, comme une donation avec réserve d’usufruit ou un achat scindé. Dans le cadre d’un achat scindé, les parents achètent l’usufruit d’un immeuble et les enfants la nue-propriété. Si tout s’est déroulé selon les règles, à leur décès, l’usufruit des parents vient accroître la nue-propriété des enfants, en exonération d’impôt.
Conséquences. La donation et l’achat scindé s’inscrivant généralement dans le cadre d’une planification patrimoniale entre parents et enfants, il y aura alors moins souvent des problèmes entre l’usufruitier et le nu-propriétaire, bien que ce ne soit pas totalement exclu en cas de dégradation des relations. Dans le contexte d’un usufruit en vertu du droit successoral, on constate en revanche beaucoup plus de problèmes, surtout lorsque l’usufruitier est le beau-parent des enfants nus-propriétaires. Lorsque les enfants acquièrent la nue-propriété d’un logement, ils doivent en effet payer des droits de succession, mais ils n’héritent pas toujours de liquidités suffisantes pour ce faire. Ils ne peuvent pas non plus réaliser leur part dans le logement familial, vu que le conjoint survivant dispose d’un droit de veto contre la conversion ou la vente du logement. Si le conjoint survivant n’est en outre pas beaucoup plus âgé que les beaux-enfants, il n’est pas certain que ces derniers puissent bénéficier de leur vivant de la part dont ils ont hérité de leur parent décédé. Enfin, ils craindront peut-être que le conjoint survivant puisse les contraindre à prendre en charge les frais de grosses réparations.
Répartition des frais. L’usufruitier assure l’entretien du logement et doit effectuer les réparations d’entretien. Pour cela, il ne peut pas demander de contribution au nu-propriétaire. Il s’agit notamment des travaux de peinture, du ramonage de la cheminée, du ponçage du parquet, etc. Les grosses réparations doivent en revanche être prises en charge par le nu-propriétaire, mais pour les usufruits constitués depuis le 1er septembre 2021, celui-ci peut demander à l’usufruitier de contribuer proportionnellement aux frais. Les grosses réparations sont notamment les travaux d’électricité, le remplacement des châssis et les travaux de toiture. L’usufruitier peut aussi contraindre le nu-propriétaire à effectuer les réparations nécessaires et à contribuer aux frais de la rénovation (art. 3.155 du C. civ.) . En l’absence d’accord amiable, l’usufruitier peut s’adresser au tribunal, qui peut condamner le nu-propriétaire à effectuer les travaux nécessaires, éventuellement sous peine d’astreinte. Le juge peut aussi autoriser l’usufruitier à effectuer les travaux nécessaires et à réclamer les frais au nu-propriétaire.
Contribution de l’usufruitier. Pour les usufruits constitués depuis le 1er septembre 2021, les nus-propriétaires peuvent demander à l’usufruitier de contribuer aux frais, proportionnellement à la valeur de l’usufruit, déterminée selon les tables de conversion légales (art. 4.64 du C. civ.) .
Fiscalité. Le fait que le nu-propriétaire paie volontairement toutes les grosses réparations ne constitue pas un problème en soi, étant donné qu’il peut demander à l’usufruitier de contribuer aux frais, sans y être obligé. Il n’y a pas non plus de problème sur le plan fiscal, étant donné qu’il n’y a pas de gratification du nu-propriétaire par l’usufruitier. Si l’usufruitier prend en charge tous les frais des grosses réparations, rénovations ou transformations, un problème se pose toutefois sur le plan fiscal. La loi met en effet ces réparations (du moins en partie) à charge du nu-propriétaire, de sorte que l’administration fiscale pourrait considérer ces opérations comme une donation (indirecte). En particulier si l’usufruitier décède dans les trois ans (cinq ans en Région wallonne) suivant la réalisation des travaux, les parties courent un risque, étant donné que l’administration fiscale peut invoquer l’article 7 du C. Succ. et soumettre la partie que l’usufruitier a payée (en trop) aux droits de succession. À l’issue du délai de trois ans (cinq ans), l’administration fiscale ne pourra plus invoquer l’article 7 du C. Succ., mais pourrait considérer que l’usufruitier a avancé les frais des réparations et que le nu-propriétaire a donc encore une dette envers lui à concurrence de sa part des frais. Cette créance constitue alors un actif de la succession de l’usufruitier, soumis aux droits de succession.