RUPTURE - 22.02.2023

Payer votre ex-conjoint pour votre société professionnelle ?

En cas de divorce, devez-vous payer quelque chose à votre conjoint pour les actions de la société avec laquelle vous exercez votre activité professionnelle ? Quelle est l’importance de votre régime matrimonial à cet égard ? Comment cette somme est-elle déterminée ? Y a-t-il une différence selon que vous divorcez par consentement mutuel ou par procédure devant le tribunal ? Risquez-vous parfois de devoir aussi payer pour les actions qui vous appartiennent en propre ?

Séparation des biens. Si vous avez opté pour un régime de pure séparation des biens et si toutes les actions sont à votre nom, vous ne devez en principe rien payer à votre ex-conjoint pour vos actions, sauf dans des cas exceptionnels, p.ex. lorsqu’il a travaillé avec vous à titre gratuit, et a ainsi apporté une plus-value aux actions. Dans ce cas, votre ex-conjoint pourrait réclamer une «récompense» sur la base des règles de l’enrichissement sans cause (appelé depuis peu «enrichissement injustifié»). Si les actions sont en partie à votre nom et en partie au nom de votre ex-conjoint, vous devrez en revanche racheter ses actions si vous voulez que toutes les actions vous reviennent désormais.

Régime légal. Si vous êtes marié sous le régime légal (séparation des biens et communauté des acquêts) et si la société a été constituée ou acquise pendant le mariage, les actions seront généralement considérées comme communes en ce qui concerne leur valeur patrimoniale, et ce, même si elles sont toutes à votre nom. En cas de divorce, vous devrez dès lors payer une récompense à votre ex-conjoint. En revanche, si les actions relèvent de votre patrimoine propre, p.ex. parce que vous avez constitué la société avant le mariage et que les actions sont à votre nom seul, ou parce que vous avez constitué la société pendant le mariage avec des fonds propres (provenant p.ex. d’un héritage), vous ne devrez en principe pas payer de récompense. Cela ne signifie pas pour autant que vous êtes assuré de ne rien devoir payer, si la société a constitué des réserves considérables (voir infra) .

Consentement mutuel. Si vous divorcez par consentement mutuel, vous fixez en concertation la récompense à laquelle votre ex-conjoint peut prétendre pour les actions. Il n’y a pas de règles spécifiques concernant la manière dont cet accord doit être atteint, pas plus que de règles d’évaluation précises. Vous pouvez p.ex. demander à votre expert-comptable de déterminer la valeur des actions. Demandez-lui de minimiser cette valeur et de déterminer p.ex. la valeur de liquidation. Il se peut que votre ex-conjoint fasse également appel à un expert financier. La négociation devrait alors permettre d’arriver à un montant acceptable.

Tribunal. Si vous divorcez dans le cadre d’une procédure de justice, le juge désignera un notaire pour procéder à la liquidation-partage. Ce notaire devra alors attribuer une valeur aux actions, presque toujours en recourant aux services d’un expert. Après avoir reçu le rapport de ce dernier, il adoptera une position sur la valeur finale, étant entendu qu’il suivra souvent le rapport de l’expert. Si vous n’êtes pas d’accord, vous pouvez formuler des objections. Le notaire donnera alors son avis sur vos remarques et déposera le dossier au tribunal, qui devra ensuite se prononcer. Si vous n’êtes pas d’accord avec le jugement, vous avez encore la possibilité de faire appel de celui-ci.

Points importants. Il est essentiel d’entreprendre vous-même les démarches nécessaires pour que l’expert exécute sa mission de la manière la plus avantageuse pour vous. À cet effet, faites appel à un avocat qui a non seulement des connaissances en droit de la famille, mais également en droit des sociétés. Désignez aussi vous-même un expert financier pour qu’il fasse valoir auprès de l’expert des arguments qui permettront de minimiser la valeur des actions. Insistez pour que seule la valeur de liquidation soit fixée. Veillez par ailleurs à ce que la mission de l’expert soit bien définie. Demandez qu’il se voie attribuer une mission d’expertise classique et qu’il ne puisse pas prendre de tierce décision contraignante. Cela vous permettra d’encore faire valoir des arguments pour remettre en question la valeur fixée par l’expert, si vous n’êtes pas d’accord avec celle-ci.

Récompense pour les actions propres. Si vous êtes marié sous le régime légal et si les actions vous sont propres, vous risquez parfois quand même de devoir payer une récompense à votre ex-conjoint. La loi dit en effet que l’époux qui exerce sa profession au sein d’une société dont les actions lui sont propres doit une récompense au patrimoine commun pour les revenus professionnels nets que le patrimoine commun n’a pas reçus et aurait raisonnablement pu recevoir si la profession n’avait pas été exercée au sein de cette société (art. 2.3.44 C. civ.) . Si vous avez une société qui existait déjà avant 2018, il existe une jurisprudence qui acceptait également ce principe, même s’il n’était pas encore inscrit dans la loi à cette époque. En pratique, le notaire désignera aussi souvent un expert pour fixer cette récompense. Faites-vous dès lors accompagner et faites valoir que la constitution des réserves se trouvant dans votre société était nécessaire au bon fonctionnement de celle-ci.

Si vous êtes marié sous le régime légal et avez constitué une société pendant votre mariage, la valeur patrimoniale des actions est en règle générale commune, même si les actions sont à votre nom seul. En cas de divorce, vous devrez dès lors payer une récompense à votre ex-conjoint pour ces actions. Si vous ne parvenez pas à fixer le montant de cette récompense de commun accord, un expert sera souvent désigné pour déterminer la valeur des actions. Si celles-ci vous sont propres, vous risquez aussi, sous le régime légal, de devoir payer une récompense pour les revenus que la communauté aurait raisonnablement pu recevoir si l’activité n’avait pas été exercée au sein d’une société.

Contact

Larcier-Intersentia | Tiensesteenweg 306 | 3000 Louvain

Tél. : 0800 39 067 | Fax : 0800 39 068

contact@larcier-intersentia.com | www.larcier-intersentia.com

 

Siège social

Lefebvre Sarrut Belgium SA | Rue Haute, 139 - Boîte 6 | 1000 Bruxelles

RPM Bruxelles | TVA BE 0436.181.878