PLANIFICATION SUCCESSORALE - 03.02.2023

Qui décide de donner des actions de votre société ?

Les actions acquises par des époux mariés sous un régime de communauté, comme le régime légal, peuvent être propres ou communes, ou être soumises à la théorie du «titre et de la finance», en vertu de laquelle les droits résultant de la qualité d’associé et la valeur patrimoniale des actions sont scindés. Quand cette théorie est-elle d’application ? Qui peut alors décider de la donation des actions ?

Bien propre. Si un époux a constitué la société avant le mariage, ou pendant le mariage mais exclusivement avec des fonds propres (c.-à-d. des fonds dont il disposait avant le mariage ou qu’il a acquis par succession ou donation), les actions constituent un bien propre de cet époux (art. 2.3.17 C. civ.) . Il en va de même si le bien a été payé à concurrence de plus de la moitié avec des fonds propres ou avec le produit de l’aliénation de biens propres (art. 2.3.21, alinéa 3, C. civ.) . Si les actions ont aussi été acquises en partie avec des fonds communs, il y aura toutefois une obligation de récompense vis-à-vis du patrimoine commun.

Bien commun. Si les époux constituent ensemble la société avec des fonds communs et que les actions sont inscrites à leurs deux noms, ces actions sont communes et les règles de la gestion concurrente s’appliquent (art. 2.3.30 C. civ.) .

Titre et finance. Si un époux a constitué la société pendant le mariage avec des fonds communs, la théorie du titre et de la finance sera d’application sous certaines conditions. Les droits résultant de la qualité d’associé (p.ex. le droit de vote) liés à des actions qui ont été acquises avec des fonds communs et qui ont été inscrites au nom d’un seul époux seront propres à celui-ci (art. 2.3.19, §1er, 5°, C. civ.) , pour autant que la condition relative au caractère fermé de la société ou celle relative à l’exercice de la profession par un seul époux au sein de la société soit remplie. La valeur patrimoniale des actions est en revanche commune aux époux (art. 2.3.22, §1er, 5°, C. civ.) .

Conditions. Cette théorie ne s’applique qu’aux actions qui sont communes et qui ont donc été financées au moins à concurrence de la moitié avec des fonds provenant de la communauté (art. 2.3. 21, alinéa 3, C. civ., a contrario) . Pour la partie financée avec des fonds propres, la communauté sera redevable d’une récompense au patrimoine propre après la dissolution du régime matrimonial (art. 2.3.45 C. civ.) . Il faut en outre que les actions aient été inscrites au nom d’un seul époux. Lorsque chaque époux est actionnaire et que les actions ont été inscrites au nom de chacun d’eux distinctement, les époux exercent chacun les droits résultant de la qualité d’associé liés aux actions inscrites à leur nom (art. 2.3.19, §1er, 5°, C. civ.) . Il doit ensuite s’agir de sociétés dans lesquelles seul l’époux actionnaire exerce son activité professionnelle en tant qu’administrateur ou gérant. La théorie du titre et de la finance s’applique aussi uniquement aux actions de sociétés ayant un caractère fermé, c.-à-d. qu’elles doivent être soumises à des règles légales ou statutaires ou à des conventions entre actionnaires qui restreignent la cession des actions.

Donation. L’époux actionnaire peut bien sûr donner seul ses actions propres. Si les actions sont communes, les deux époux doivent les donner. Un époux ne peut en effet pas disposer de biens faisant partie du patrimoine commun sans le consentement de l’autre (art. 2.3.33 C. civ.) . Si les actions ont été acquises avec des fonds communs et inscrites au nom d’un seul époux, le droit d’agir en tant que propriétaire revient à l’époux au nom duquel les actions ont été inscrites (art. 2.3.19, §1er, 5°, C. civ.) . Non seulement les droits résultant de la qualité d’associé liés aux actions en question sont propres, mais l’époux actionnaire a aussi le droit d’agir en tant qu’unique propriétaire de ces actions. L’article 2.3.19, §1er , 5°, du C. civ. contient donc une règle de propriété. Il en résulte que l’époux actionnaire peut disposer des actions, aussi via une donation. Comme la valeur patrimoniale des actions est commune, se pose toutefois la question de savoir si un époux possède bien le droit exclusif de disposer des actions. La donation ne doit-elle pas émaner des deux époux ? La réponse est non : les actions appartiennent au patrimoine propre de cet époux et celui-ci peut agir en tant que propriétaire des actions. Seule la valeur des actions est commune, et non les actions elles-mêmes.

Conséquences. La donation devra être prise en compte lors de la liquidation-partage de la succession du donateur. Comme la donation ne comporte aucune contrepartie, la doctrine estime qu’une récompense sera due au patrimoine commun, à concurrence de la valeur patrimoniale des actions au moment de la donation. Elle sera due lors de la dissolution du mariage, donc en cas de divorce ou de décès.

Champ d’application temporel. La théorie du titre et de la finance s’applique depuis le 1er  septembre 2018, date de l’entrée en vigueur de la loi relative au droit des régimes matrimoniaux. Elle s’applique aussi aux époux qui étaient déjà mariés sous un régime de communauté à cette date, mais seulement en ce qui concerne les actions de société acquises à partir du 1er  septembre 2018.

Lorsqu’un époux acquiert des actions d’une société à caractère fermé avec des fonds communs et que ces actions sont inscrites à son seul nom, la distinction entre titre et finance s’applique à ces actions. La valeur patrimoniale est dans ce cas commune, alors que les droits résultant de la qualité d’associé liés aux actions sont propres à l’époux actionnaire. Celui-ci peut agir en tant qu’unique propriétaire et donc disposer des actions, en ce compris via une donation. Comme la valeur patrimoniale des actions est commune, la donation par un époux engendre toutefois une récompense de son patrimoine propre envers le patrimoine commun, qui sera due en cas de divorce ou de décès.

Contact

Larcier-Intersentia | Tiensesteenweg 306 | 3000 Louvain

Tél. : 0800 39 067 | Fax : 0800 39 068

contact@larcier-intersentia.com | www.larcier-intersentia.com

 

Siège social

Lefebvre Sarrut Belgium SA | Rue Haute, 139 - Boîte 6 | 1000 Bruxelles

RPM Bruxelles | TVA BE 0436.181.878