SOCIÉTÉ - 27.03.2023

«Théorie du titre et de la finance» : quid en cas de modification des statuts ?

Les actions acquises par des époux mariés sous un régime de communauté peuvent être propres ou communes ou relever de la théorie du titre et de la finance, qui distingue les droits résultant de la qualité d’associé et la valeur patrimoniale des actions. Quid si des modifications légales ou statutaires interviennent ensuite et que les conditions de la théorie du titre et de la finance ne sont plus remplies ?

Bien propre ou commun. Si un époux a constitué la société avant le mariage ou pendant le mariage, mais exclusivement avec des fonds propres (des fonds dont il disposait déjà avant le mariage ou qu’il a acquis par succession ou donation), les actions constituent un bien propre de cet époux (art. 2.3.17 C. civ.) . Il en va de même si les actions ont été payées pour plus de la moitié avec des fonds propres ou avec le produit de l’aliénation de biens propres (art. 2.3.21, alinéa 3, C. civ.) . Si les actions ont aussi été acquises en partie avec des fonds communs, il y aura toutefois une obligation de récompense vis-à-vis du patrimoine commun. Si les deux époux ont constitué ensemble la société avec des fonds communs et que les actions ont été inscrites à leurs deux noms, ces dernières seront communes. Elles seront alors soumises aux règles de la gestion concurrente (art. 2.3.30 C. civ.) et de la gestion conjointe pour les actes autres que d’administration (art. 2.3.31 C. civ.) .

Titre et finance. Si un époux a constitué la société pendant le mariage avec des fonds communs, la théorie du titre et de la finance peut être d’application. Les droits résultant de la qualité d’associé (le titre), liés aux actions inscrites au nom d’un seul époux seront propres à celui-ci (art. 2.3.19, §1er, 5°, C. civ.) . L’époux qui possède le titre conservera aussi ces actions dans son lot lors de la répartition du patrimoine commun, moyennant partage de la valeur patrimoniale avec l’autre époux. La valeur patrimoniale des actions, la finance, est en effet commune aux deux époux (art. 2.3.22, §1er, 5°, C. civ.) .

Conditions. La théorie du titre et de la finance ne s’applique qu’aux actions qui ont donc été financées au moins à concurrence de la moitié avec des fonds provenant de la communauté (art. 2.3. 21, alinéa 3, C. civ., a contrario) . Pour la partie financée avec des fonds propres, la communauté sera redevable d’une récompense au patrimoine propre après la dissolution du régime matrimonial (art. 2.3.45 C. civ.) . Il faut en outre que les actions aient été inscrites au nom d’un seul époux. Lorsque chaque époux est actionnaire et que les actions ont été inscrites au nom de chacun d’eux distinctement, les époux exercent chacun les droits résultant de la qualité d’associé liés aux actions inscrites à leur nom (art. 2.3.19, §1er, 5°, C. civ.) .

Sociétés fermées. La théorie du titre et de la finance ne s’applique aussi qu’aux actions de sociétés ayant un caractère fermé, c.-à-d. soumises à des règles légales ou statutaires ou à des conventions entre actionnaires qui restreignent la cession des actions. Supposons que l’un des époux ait acquis pendant le mariage des actions d’une société non fermée avec des fonds communs. Ces actions sont communes tant en ce qui concerne les droits résultant de la qualité d’associé qu’en ce qui concerne la valeur patrimoniale. Une convention d’actionnaires est par la suite conclue en vertu de laquelle la société acquiert un caractère fermé. Les actions deviennent-elles alors propres concernant les droits résultant de la qualité d’associé ? Inversement, les actions deviennent-elles communes si la société initialement fermée se mue en société non fermée ? Répondre affirmativement à cette question signifierait que l’un des époux peut décider du statut des actions. En principe, le statut matrimonial d’un bien est déterminé au moment où celui-ci est acquis. Comme la loi ne précise pas les conséquences d’une modification du caractère fermé de la société, mieux vaut régler expressément ce point dans un contrat de mariage et prévoir des arrangements concernant le sort des actions lors de la dissolution du régime matrimonial.

Administrateur ou gérant. Il doit en outre s’agir de sociétés dans lesquelles seul l’époux actionnaire exerce son activité professionnelle en tant qu’administrateur ou gérant. Cela signifie-t-il que la qualité d’administrateur ou de gérant constitue en soi une activité professionnelle ? Répondre affirmativement à cette question signifierait que lorsqu’un seul époux est administrateur de la société patrimoniale (fermée), la théorie du titre et de la finance serait d’application. À nouveau, mieux vaut donc prévoir des arrangements dans le contrat de mariage. Selon la loi, l’autre époux peut aussi être actif professionnellement dans la société, p.ex. en tant que salarié, mais pas en tant qu’administrateur ou gérant. Si les deux époux exercent leur activité professionnelle en tant qu’administrateur ou gérant dans la société, les actions constituent un bien commun et la gestion concurrente est la règle. Se pose alors à nouveau la question de savoir quelles sont les conséquences d’une modification. Supposons que l’un des époux soit administrateur au moment de l’acquisition des actions, mais qu’il ne le soit plus par la suite, ou inversement. C’est aussi un point qu’il vaudrait mieux régler dans le contrat de mariage.

Effet temporel. La théorie du titre et de finance s’applique depuis le 1er  septembre 2018. Elle s’applique aussi aux époux qui étaient déjà mariés sous un régime de communauté à cette date, mais seulement concernant les actions acquises à partir du 1er  septembre 2018.

Lorsqu’un époux acquiert des actions d’une société ayant un caractère fermé avec des fonds communs et que ces actions sont inscrites à son nom seul, la distinction entre titre et finance s’applique à ces actions. La valeur patrimoniale est dans ce cas commune, alors que les droits résultant de la qualité d’associé liés aux actions sont propres à cet époux actionnaire. La loi ne règle pas expressément les conséquences d’une modification légale ou statutaire sur les conditions d’application de la théorie du titre de la finance. Mieux vaut dès lors prévoir des arrangements à ce propos dans votre contrat de mariage.

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