IMMOBILIER - 04.04.2023

Sortir un immeuble de votre société ?

Vous souhaitez que, à plus ou moins long terme, l’un de vos enfants devienne propriétaire d’un bâtiment qui se trouve actuellement dans votre société. Dans un précédent numéro (Dirigeant chevronné, Année 14, n° 11, p. 2) , nous avons passé en revue les règles légales et fiscales qui s’appliquent si votre enfant achète le bâtiment. Nous allons maintenant étudier la possibilité que vous ou votre enfant l’acquériez par le biais d’une sortie de la société.

Sortie

Achat vs sortie

Si vous achetez le bâtiment, vous devez payer le prix de vente à votre société et êtes également redevable du droit de vente général de 12 % (Flandre) ou 12,5 % (Bruxelles et Wallonie) ou, le cas échéant, d’un taux réduit, p.ex. 3 % pour l’acquisition d’une habitation familiale en Flandre.

Si vous sortez l’immeuble, vous ne devez rien à votre société mais obtenez l’immeuble sous la forme d’une distribution en nature du capital, ou des capitaux propres apportés s’il s’agit d’une SRL ou de toute autre société sans capital. Cette distribution peut avoir lieu pendant la vie de la société (réduction de capital ou remboursement des apports) ou lorsque cette dernière est liquidée. La décision est prise par une assemblée générale extraordinaire, qui doit statuer à la majorité des trois quarts et, dans le cas d’une SA ou d’une SRL, se tenir devant le notaire. Ce n’est donc pas l’organe d’administration qui décide de la sortie, et il n’est pas question de procédure en conflit d’intérêts des administrateurs. L’assemblée générale doit bien entendu tenir compte de la limite du montant distribuable sur la base du test de l’actif net ou test de bilan.

Points d’attention et conseils

Vu que la sortie est une distribution en nature de capitaux propres, seuls les actionnaires peuvent acquérir l’immeuble de votre société de cette manière. Votre enfant ne pourra donc pas obtenir l’immeuble par le biais d’une sortie s’il ne possède pas d’actions de votre société.

Toutefois, il n’est pas exigé que la sortie se fasse par le(s) actionnaire(s) qui a (ont) apporté le bien. Votre enfant peut dès lors devenir actionnaire alors que l’immeuble se trouve déjà dans votre société. Il n’est pas non plus requis que l’immeuble qui fait l’objet de la sortie ait préalablement été apporté : sortir un immeuble que votre société a acheté est tout à fait possible. Enfin, la sortie de la nue-propriété uniquement, au lieu de la pleine propriété, est aussi envisageable, tout comme il est possible de n’acheter que la nue-propriété. Vous pouvez recourir à cette solution si votre enfant ou vous ne devez pas devenir immédiatement plein propriétaire de l’immeuble. En effet, dans ce cas, tant la plus-value imposable que la partie de la distribution qui peut être considérée comme un dividende (voir ci-dessous) seront beaucoup plus faibles, et votre enfant ou vous deviendrez quand même plein propriétaire de l’immeuble à la fin de la période d’usufruit.

Impôts sur les revenus

Principe

En ce qui concerne l’impôt des sociétés, la sortie comporte deux aspects. Tout d’abord, la différence entre la valeur comptable de l’immeuble et sa valeur vénale au moment de la sortie constitue une plus-value imposable. On est donc dans la même situation qu’une vente par votre société, à l’exception du fait que, dans ce cas, c’est le prix de vente qui est pris en compte, et non la valeur vénale. En second lieu, étant donné que la sortie est une distribution de capital, ou du solde de liquidation en cas de liquidation, les règles fiscales applicables dans le cas d’une réduction de capital ou d’une liquidation doivent être suivies.

Dividende partiel ?

Dans le cas d’une réduction de capital, la distribution de capital est en principe partiellement imputée sur les réserves et, dans cette mesure, considérée à des fins fiscales comme un dividende (art. 18, al. 2-7 CIR 92) . Pour autant qu’il s’agisse de réserves taxées, cela n’entraîne toutefois pas d’impôt des sociétés supplémentaire, vu que ces réserves ont déjà été imposées. En outre, il est intéressant de noter que l’imputation partielle sur les réserves ne s’applique pas à la partie du capital provenant des réserves réincorporées au capital. Il s’agit des réserves que les sociétés pouvaient incorporer dans le capital en 2013 ou 2014 moyennant le paiement d’un précompte mobilier de 10 % (art. 537 CIR 92) . Une réduction de capital est d’abord imputée sur ces réserves réincorporées, et cette partie n’est donc pas considérée comme un dividende.

L’imputation partielle sur les réserves ne s’applique pas à la distribution de capital en cas de liquidation.

Précompte mobilier

Dans la mesure où la réduction de capital est considérée comme un dividende, votre société doit retenir un précompte mobilier (Pr M) de 30 %, ou, le cas échéant, totalement ou en partie, les taux VVPR réduits (de 20 % ou 15 %). La distribution est exonérée de Pr M, pour autant que la réduction de capital soit imputée sur les réserves réincorporées.

Droits d’enregistrement

Règle générale

Toute méthode d’acquisition d’un bâtiment de votre société est considérée comme une vente aux fins des droits d’enregistrement (art. 2.9.1.0.4, al. 1er CFF/art. 129, al. 1er et art. 130 C. enreg.)  : c’est la règle générale. En principe, vous payez autant de droits d’enregistrement lors de la sortie d’un bâtiment que lors d’un achat, donc 12 ou 12,5 %. Le taux réduit de 3 % en Flandre pour l’acquisition d’une habitation familiale ne vaut qu’en cas d’achat «pur» (art. 2.9.4.2.11 CFF) , et les droits réduits de 6 % en Wallonie peuvent éventuellement s’appliquer.

Régime de faveur

L’assimilation à une vente ne s’applique pas si votre société n’est pas une SA et si celui qui reçoit l’immeuble est un associé historique, ce qui signifie soit qu’il a apporté lui-même le bâtiment, soit qu’il était actionnaire de la société au moment où celle-ci a acheté le bâtiment avec paiement du droit de vente général (art. 2.9.1.0.4, al. 2 CFF/art. 129, al. 3 C. enreg.) . Dans ce cas, l’acquéreur ne doit payer que le droit d’enregistrement fixe de 50 €.

Notez que le fisc accepte également l’application du régime de faveur dans deux situations où c’est la TVA qui a été payée sur le bâtiment, et non les droits d’enregistrement. C’est tout d’abord le cas si votre société a érigé un bâtiment sur un terrain acheté avec paiement de droits d’enregistrement (décision n° E.E./89767, 10.12.1985) . Il en va de même si ce ne sont pas les droits d’enregistrement qui ont été payés sur le terrain, mais la TVA, car il s’agit de l’acquisition d’un nouvel immeuble et du terrain d’une seule et même personne (QP n° 621, Schiltz, 21.10.2013) .

Aussi pour votre enfant ?

Votre enfant peut évidemment bénéficier du régime de faveur en matière de droits d’enregistrement s’il est lui-même «associé historique», mais aussi dans une autre situation : s’il effectue la sortie après votre décès, à condition d’avoir hérité de vous au moins une action de la société. Donc, vous pouvez déjà avoir fait don à votre enfant ou lui avoir vendu des actions, mais pas toutes. Un enfant qui, lors de la sortie, ne possède que des actions dont il n’a pas hérité n’a pas droit au régime de faveur ; autrement dit, il devra payer 12 ou 12,5 % de droits d’enregistrement pour sortir le bâtiment de la société.

CONSEILS

  • Pour pouvoir recevoir un bâtiment de votre société par le biais d’une sortie, vous devez être actionnaire et la décision doit être prise par une assemblée générale extraordinaire.
  • Pour votre société, la différence entre la valeur comptable et la valeur vénale de l’immeuble constitue une plus-value imposable. Si la sortie a lieu durant la vie de la société, la distribution est en principe considérée en partie comme un dividende, sauf dans la mesure où le capital est constitué de réserves réincorporées.
  • Votre société doit retenir un Pr M sur la partie éventuelle de la distribution considérée comme un dividende. Si la valeur de l’immeuble n’est pas supérieure au montant des réserves réincorporées, il n’y a donc pas de Pr M dû.
  • En principe, votre enfant ou vous-même payez le droit de vente général de 12 ou 12,5 % sur la valeur vénale de l’immeuble sorti, mais si votre société n’est pas une SA, et si votre enfant ou vous-même êtes «associé historique», seul le droit fixe de 50 € est dû. Si votre enfant n’est pas associé(e) historique, mais a hérité de vous au moins une action, il ou elle peut également bénéficier de cette mesure de faveur après votre décès.

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