TÉLÉTRAVAIL - 11.05.2023

Contrôle du télétravail : que peut-on autoriser ?

Depuis la crise du coronavirus, le travail à domicile est devenu la nouvelle norme. Par conséquent, certains employeurs ont l’impression d’avoir perdu le contrôle de leurs employés et cherchent des moyens de vérifier si ceux-ci sont effectivement en train de travailler et non occupés à des tâches d’ordre privé pendant les heures de travail. Il existe des logiciels prévus à cet effet, mais pouvez-vous y recourir ? N’y a-t-il pas de meilleurs moyens de contrôler l’efficacité des employés qui travaillent à domicile ?

Règles en matière de télétravail

Les entreprises qui ont introduit le télétravail structurel doivent enregistrer un certain nombre d’accords dans un avenant au contrat de travail. Ceux-ci concernent p.ex. le(s) lieu(x) où peut s’exercer le télétravail, sa fréquence, les périodes pendant lesquelles le travailleur doit être joignable, l’indemnité éventuelle, etc. En outre, il est fortement recommandé d’établir une policy reprenant les règles et accords spécifiques en matière de télétravail ainsi que la politique générale de télétravail. Il est également possible de prévoir p.ex. un enregistrement électronique du temps de travail, auquel le travailleur se connecte grâce à une pointeuse numérique. Vous pouvez aussi convenir que le travailleur active sa caméra pendant les réunions. En revanche, vous ne pouvez pas exiger que la caméra reste allumée toute la journée.

Logiciel de surveillance ?

Certains logiciels permettent de contrôler la productivité des travailleurs à l’aide de la géolocalisation, de la surveillance par caméra, mais aussi de la surveillance électronique de l’usage d’Internet et des e-mails. Il existe même des logiciels d’observation capables d’enregistrer les moments où l’employé se connecte et les touches qu’il utilise et de faire des captures d’écran à des moments déterminés.

Cependant, tout cela ne va-t-il pas à l’encontre du droit à la vie privée ? Bien entendu, le contrôle et la surveillance des travailleurs, notamment par le biais des ressources mises à la disposition par l’employeur, font partie des prérogatives de ce dernier. Vous pouvez également inclure dans une policy ou dans le règlement de travail les règles concernant l’utilisation privée de l’ordinateur portable. Il est même possible d’interdire toute utilisation privée.

CCT n° 81

Il existe toutefois des règles précises sur ce que l’employeur peut ou non contrôler, et sur la manière de le faire. Le contrôle sur Internet et sur l’usage des e-mails ne peut avoir lieu qu’à des conditions très strictes (CCT n° 81) , et pour un certain nombre de finalités spécifiques énumérées de manière exhaustive : la prévention de faits illicites ou diffamatoires, la protection des intérêts économiques, commerciaux et financiers de l’entreprise auxquels est attaché un caractère de confidentialité, la sécurité et/ou le bon fonctionnement technique des systèmes informatiques en réseau de l’entreprise, le respect de bonne foi des principes et règles d’utilisation des technologies en réseau fixés dans l’entreprise (principe de finalité). En outre, l’ingérence dans la vie privée du travailleur doit être réduite à un minimum (principe de proportionnalité), et la manière dont le contrôle sera exécuté doit être claire pour le travailleur (principe de transparence).

Si, en tant qu’employeur, vous constatez une anomalie lors d’un contrôle, vous pouvez, sous certaines conditions, individualiser les données collectées de manière à pouvoir identifier l’auteur de l’anomalie. En revanche, la surveillance ciblée d’une personne en ligne et à son insu n’est pas autorisée. En effet, il ne faut pas confondre surveillance et espionnage !

Toutefois, vous pouvez effectuer des contrôles, si vous le communiquez clairement dans une policy ou dans le règlement de travail et si vous informez les travailleurs des contrôles standards mis en place ayant une finalité compatible avec celles mentionnées ci-dessus. Si vous constatez alors qu’un travailleur n’était pas au travail aux heures où il aurait dû être disponible, sans en avertir son supérieur, et qu’il n’a pas non plus accompli le travail attendu, vous pouvez effectivement lui donner un avertissement, et même, en cas de persistance d’un tel comportement, procéder le cas échéant à un licenciement pour motif grave.

Comment mieux contrôler ?

Les employeurs ont tout intérêt à apprendre à contrôler le travail effectué et les résultats que le travailleur obtient pendant le télétravail, plutôt que vouloir simplement surveiller si l’employé est bien au travail à des moments spécifiques. Quelles sont les tâches qu’il doit avoir accomplies à la fin de la journée/semaine ou pour une date donnée ? Avez-vous communiqué vos attentes de façon suffisamment précise ? Sont-elles claires pour votre employé ?

Mettez-vous d’accord avec vos employés. Indiquez-leur quand vous attendez d’eux qu’ils se connectent, fixez des moments de dialogue (une courte réunion chaque matin p.ex., afin de discuter du programme de la journée), convenez d’échéances claires et précisez le délai attendu de réponse aux e-mails et aux appels téléphoniques.

Si le travailleur fournit un travail de qualité dans les délais impartis, peu importe finalement de savoir s’il a oui ou non passé toute la journée de travail derrière son ordinateur ou si, entre-temps, il est allé chercher les enfants à l’école et a fait un saut au supermarché, ou est allé pendre son linge dehors.

En mettant en place ce type de contrôle et en le communiquant de manière claire et transparente, vous pourrez construire une relation de confiance avec vos employés.

Tout n’est pas rose

Bien que le télétravail présente de nombreux avantages, comme un gain de temps en raison de l’absence de déplacements entre le domicile et le lieu de travail, moins de risques de bouchons ou d’accidents lors de ces déplacements, ou encore un environnement plus calme permettant de mieux se concentrer sur certaines tâches, il comporte aussi des inconvénients. Il arrive p.ex. que la séparation entre vie professionnelle et vie privée s’estompe ou disparaisse complètement. Cela peut engendrer une pression beaucoup plus forte sur les employés qui, voulant prouver leur valeur, en viennent même à manger devant leur ordinateur et commencent finalement à accumuler les heures. C’est pourquoi il est essentiel de poser des limites et de conclure des accords clairs avec les travailleurs en ce qui concerne l’introduction de pauses pendant les jours de télétravail.

En outre, les employés ne disposent pas tous d’une bonne infrastructure de télétravail. Tout le monde n’a pas le luxe de pouvoir aménager une pièce distincte en bureau, ce qui rendra encore plus floue la frontière entre le travail et la vie privée. Les travailleurs ne possèdent pas tous une chaise ergonomique, une bonne connexion Internet, etc. Bien entendu, l’indemnité de télétravail ou la mise à disposition par l’employeur de matériel ergonomique peut contribuer à résoudre ces problèmes.

Les travailleurs ne sont pas tous à l’aise avec le télétravail. Certains employés se sentent isolés lorsqu’ils travaillent à domicile. Discutez-en également avec eux et accompagnez-les dans cette démarche, dans laquelle certains pourront peut-être même demander à être plus présents au bureau. Tenez compte de l’individualité de chaque travailleur et ne mettez pas tout le monde dans le même panier.

Droit à la déconnexion

Le télétravail peut pousser les employés à consacrer quotidiennement beaucoup plus d’heures que prévu au travail ; dès lors, la frontière entre vie privée et vie professionnelle devient floue. C’est précisément pour cette raison qu’il est important de respecter le droit à la déconnexion des travailleurs. À cette fin, il est recommandé de prévoir des accords clairs dans la politique de télétravail. Vous pouvez ainsi convenir de plages horaires pendant lesquelles les employés doivent être disponibles, et il ne doit certainement pas s’agir de huit heures par jour, mais plutôt de quatre à cinq heures.

Le deal pour l’emploi prévoit un droit à la déconnexion. Pour le 31 mars 2023, les employeurs qui occupent au moins 20 travailleurs devaient conclure des accords sur le droit des travailleurs à la déconnexion en dehors des heures de travail. Ces accords doivent être repris soit dans une CCT-entreprise, soit dans le règlement de travail. Ils doivent prévoir au minimum les modalités pratiques d’application de ce droit de ne pas être joignable en dehors de l’horaire de travail, des consignes quant à l’utilisation des outils numériques afin de garantir les périodes de repos, les congés et la vie privée et familiale, et des formations et actions de sensibilisation pour les travailleurs et pour les personnels de direction quant à l’utilisation raisonnée des outils numériques et aux risques liés à une connexion excessive.

CONSEILS

  • Il n’est pas forcément illégal de contrôler le travailleur pendant le télétravail à l’aide d’un logiciel de surveillance. Toutefois, le mode d’utilisation d’un tel logiciel doit respecter les règles de la CCT n° 81 (principe de finalité, principe de proportionnalité et principe de transparence).
  • Si vous établissez des accords clairs avec vos travailleurs sur la manière de travailler, les attentes et les délais pendant le télétravail, la mise en œuvre de contrôles spécifiques pour vérifier si le travailleur est bien en ligne et travaille effectivement pourrait s’avérer superflue.
  • Pour le 31 mars 2023, les entreprises occupant au moins 20 travailleurs devaient conclure des accords sur le droit à la déconnexion. Bien que de tels accords soient bénéfiques pour les deux parties, beaucoup d’entreprises ne les ont pas encore pris.

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