CORONAVIRUS - 09.06.2020

Les dettes ou pertes sociales prises en charge personnellement sont-elles déductibles ?

Une entreprise dont vous êtes le dirigeant a une perte reportée ou vous vous attendez à ce qu’elle soit en perte pour l’exercice 2020, à cause du coronavirus. Sous certaines conditions, la prise en charge de cette perte, sur le plan privé, peut être déduite en tant que frais professionnel. Quelles sont ces conditions ?

En va-t-il de même si vous remboursez, à titre privé, les dettes de votre entreprise, parce qu’elle n’est plus en mesure de le faire, et que vous vous êtes personnellement porté caution ?

Pertes remboursées en privé

De quoi s’agit-il ?

Si vous prenez personnellement en charge, en tout ou en partie, la perte comptable (reportée) d’une société dont vous êtes administrateur ou gérant, le montant remboursé sera, sous certaines conditions, déductible en tant que frais professionnel. Vous pourrez alors déduire son montant de votre rémunération de dirigeant, et donc faire des économies sur vos impôts et vos cotisations sociales.

Pour votre société, cette prise en charge est un produit imposable. Si sa perte fiscale reportée est supérieure à la perte comptable que vous prenez en charge, elle ne paiera pas d’impôt immédiatement, mais, sa perte fiscale reportée étant réduite, elle se retrouvera plus rapidement dans une situation imposable. À long terme, elle paiera donc 20 % (taux réduit) ou 25 % (taux ordinaire) d’impôt sur le montant concerné. Normalement, cela ne dépasse pas les économies réalisées, à titre privé, sur l’impôt des personnes physiques et les cotisations sociales.

Sous quelles conditions ?

Outre les conditions générales relatives à la déduction des frais professionnels (art. 49 CIR 92) , trois conditions particulières doivent être respectées pour avoir droit à la déduction d’une telle prise en charge de perte (art. 53, 15° CIR 92) . Tout d’abord, la perte doit être prise en charge afin de conserver les revenus professionnels que vous tirez périodiquement de votre entreprise. Il faut donc que cette dernière vous verse régulièrement, par exemple mensuellement ou annuellement (Cass., 16.01.2003 ; QP n° 928, 20.02.2002) , une rémunération de dirigeant, et ce tant avant qu’après l’opération. Ce salaire ne doit pas forcément être payé en argent, les avantages de toute nature étant également considérés comme relevant de la rémunération que vous souhaitez conserver (Anvers, 19.02.2002 ; Mons, 04.12.1998 ; Bruxelles, 30.10.2003) .

Deuxièmement, la prise en charge doit consister en un paiement irrévocable et inconditionnel d’une somme d’argent en faveur de votre société. Troisièmement, cette dernière doit utiliser efficacement votre argent pour apurer sa perte. Cela signifie qu’il faut comptabiliser, en cours d’exercice, la prise en charge en tant que produit exceptionnel, ainsi qu’à la clôture des comptes annuels, via l’affectation des résultats, plus précisément via le compte 794 «Intervention d’associés dans la perte».

Formalités

Il est préférable de joindre les éléments établissant la déductibilité de la prise en charge à votre déclaration d’impôt, sinon l’administration fiscale vous les demandera lorsqu’elle vérifiera votre déclaration. Joignez donc la preuve du dépôt ou du virement, idéalement avec la communication «prise en charge de la perte», un document daté et signé adressé à la société indiquant le montant du paiement, son caractère irrévocable et la destination à lui donner, et une copie de la décision de l’assemblée générale démontrant que les pertes ont été mises à la charge des dirigeants, ou que la prise en charge a été approuvée (Com. IR 53/232-235) .

À quoi faire attention ?

La condition du dépôt irrévocable et inconditionnel n’est pas remplie si vous faites inscrire votre paiement au crédit de votre compte courant (C/C). Car vous conservez alors une créance sur votre entreprise ; celle-ci devra donc vous rembourser cette somme à un moment donné, dans le futur. Une renonciation ultérieure à cette créance, en débitant votre C/C du même montant, ne sera normalement pas acceptée comme frais professionnels (Anvers, 15.10.2019) , sauf si vous pouvez prouver qu’il existe un lien clair entre le paiement d’une avance par le biais de votre C/C et la prise en charge ultérieure de la perte de l’entreprise (Com. IR 53/228) .

La condition selon laquelle la prise en charge doit avoir lieu pour conserver les revenus issus de l’entreprise implique que les pertes qui sont prises en charge après la dissolution ou la déclaration de faillite de l’entreprise ne sont pas déductibles, car vous n’êtes alors plus susceptible d’être encore, à l’avenir, rémunéré par l’entreprise.

L’administration fiscale ne peut pas refuser la déduction au motif que la perte que vous prenez en charge est supérieure à votre salaire (Ci.RH. 243/486 044, 13.07.1998 ; Anvers, 19.02.2002 ; Bruxelles, 30.10.2003) , mais seulement si l’inadéquation entre le salaire et la perte prise en charge, ainsi que d’autres éléments, indiquent que la déduction n’avait pas pour but de maintenir le revenu professionnel, mais plutôt de transférer la perte la plus importante possible à l’impôt des personnes physiques (Cass., 08.06.2006 et 18.10.2007 ; Anvers, 13.10.2015 et 20.06.2017 ; Bruxelles, 04.06.2003 ; Gand, 20.12.2016) .

Dettes remboursées en privé

De quoi s’agit-il ?

Votre société a un crédit auprès de la banque, ou souhaite obtenir un tel crédit, mais la banque vous demande de garantir personnellement le remboursement de ce crédit. La garantie elle-même n’a donc aucune conséquence financière ou fiscale sur le plan privé, mais si la banque finit par se retourner vers vous, vous devrez rembourser la dette avec votre patrimoine personnel, à la place de votre entreprise. Sous certaines conditions, vous pourrez cependant déduire ce paiement au titre de frais professionnels.

En ce qui concerne votre entreprise, suite à votre paiement, la dette envers la banque sera remplacée par une dette envers vous, en tant que personne privée. En tant que tel, cela ne constitue donc pas un produit imposable pour elle. Par contre, ce sera le cas lorsque vous annulerez la dette. En général, il n’y aura toutefois pas de renonciation, car si la situation financière de votre entreprise est telle que vous devez vous porter garant, il y a de fortes chances qu’elle soit déclarée en faillite, voire qu’elle l’ait déjà été, et que vous ayez donc de toute façon perdu votre créance.

Sous quelles conditions ?

En dehors de la prise en charge des pertes en tant que telle, il n’y a pas de conditions légales particulières liées à la déduction en tant que frais professionnels du paiement que vous avez effectué en tant que caution pour votre entreprise. La déduction ne dépend donc que des conditions générales de déduction des frais professionnels.

Le respect de ces conditions ne doit pas être évalué au moment où l’on se retourne vers vous en tant que garant, mais au moment où vous vous portez garant. Les paiements effectués en tant que caution après la faillite de la société peuvent donc également être acceptés parmi les frais professionnels (Anvers, 10.04.2007 ; Bruxelles, 20.11.1997 ; Gand, 19.06.2001 et 29.01.2013 ; déc. ant. n° 2014.037, 25.03.2014) , du moins si vous avez retiré une rémunération de votre société au moment où vous vous êtes porté caution. Si, à ce moment-là, vous n’étiez qu’un actionnaire et non un dirigeant, le paiement en tant que caution ne sera pas déductible en tant que frais professionnels, puisque vous ne tiriez alors aucun revenu professionnel de votre entreprise.

À quoi faire attention ?

Seul le paiement de la dette est déductible en tant que frais professionnels. Les honoraires d’avocat payés par un chef d’entreprise pour contester la décision de la banque doivent être considérés comme des frais engagés pour sauvegarder son patrimoine personnel, et non pour obtenir ou maintenir des revenus professionnels imposables (Gand, 02.05.2017) .

CONSEILS

  • Les pertes subies par votre entreprise sont déductibles en tant que frais professionnels à condition qu’avant et après leur prise en charge, votre entreprise vous verse une rémunération de dirigeant, que vous effectuiez un paiement irrévocable et inconditionnel en faveur de votre entreprise et que ce paiement soit comptabilisé par votre entreprise pour compenser sa perte. Les pertes que vous supportez après la dissolution ou la déclaration de faillite ne sont pas déductibles.
  • Les dettes de votre entreprise que vous payez en tant que caution sont déductibles en tant que frais professionnels à condition que votre entreprise vous ait versé une rémunération de dirigeant au moment de la constitution de la garantie. Le fait que le paiement n’ait lieu qu’après la faillite de l’entreprise, lorsque vous n’êtes donc plus un dirigeant rémunéré, ne pose pas de problème.

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