DROITS DE SUCCESSION - PLANIFICATION SUCCESSORALE - 03.07.2018

Valorisation de l’usufruit : des conséquences non désirées pour le conjoint survivant ?

Nous sommes souvent confrontés à l’usufruit dans un contexte familial. Ainsi, le conjoint survivant en hérite souvent, alors que les enfants obtiennent la nue-propriété. Quand un usufruit peut-il être converti ? Pouvez-vous ôter à vos enfants le droit de demander cette conversion ?

Quelles sont les conséquences négatives que peut avoir, pour le conjoint survivant, la différence de valorisation de l’usufruit entre le droit fiscal et le droit civil, surtout dans le cadre de familles recomposées ? Comment éviter le problème ?

Conversion de l’usufruit

Droits de succession

La valeur de l’usufruit attribué au conjoint survivant est fixée forfaitairement, pour le calcul des droits de succession dus, à 4 % de la valeur de la pleine propriété, multipliés par un coefficient qui dépend de l’âge de l’usufruitier (art. 21 C. succ. [Wa. et Bru.] ; art. 2.7.3.3.2. CFF [Fl.]) . Cette valorisation ne concerne que la fiscalité et sert à déterminer la valeur de l’héritage du conjoint survivant et celle des droits de succession qui s’y appliquent.

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Conversion

La division de la pleine propriété entre usufruit et nue-propriété ne donne pas toujours lieu à une situation confortable. C’est pourquoi le législateur a décidé de proposer une solution plus pratique : la conversion de l’usufruit. L’usufruit du conjoint survivant est légalement convertible. Le droit à la conversion peut être décrit comme le droit du conjoint survivant ou des descendants du défunt de demander la conversion de l’usufruit en pleine propriété ou en rente viagère (art. 745quater, §1 C. civ.) . En cas de conversion en pleine propriété, le survivant et les enfants sont «payés» avec une fraction du bien en pleine propriété chacun, en fonction de leurs parts.

Valorisation

Les nus-propriétaires et le survivant doivent se mettre d’accord sur la valorisation de l’usufruit. S’ils n’y parviennent pas, c’est le juge qui l’établira, sur la base de tables de conversion publiées chaque année par le ministre de la Justice (art. 745quater, §1 C. civ.) . Le juge ne peut exclure ces tables et baser son calcul sur une autre méthode de valorisation que si l’espérance de vie de l’usufruitier est manifestement inférieure à celle prévue par les tables. La valeur de l’usufruit utilisée pour le calcul des droits de succession peut être différente de celle qu’obtient l’usufruitier en cas de conversion de son usufruit.

Exemple

Si, au moment du décès de son mari, une femme a 78 ans, la valeur de l’usufruit utilisée pour calculer le montant des droits de succession correspondra à 16 % de la valeur de la pleine propriété. Mais si son usufruit est converti sur la base des tables de conversion, elle ne touchera que l’équivalent de 10,63 % de cette valeur.

Nouvelle relation

À partir du 1er  septembre 2018, les conjoints survivants et les enfants non communs pourront demander la conversion extrajudiciaire de l’usufruit. Pour effectuer cette demande, il suffit que l’enfant ou le survivant concerné exprime sa volonté d’obtenir la conversion. En cas de contestation, le juge ne peut pas la refuser. L’objectif est en effet d’éviter les situations de conflit dans les familles recomposées. Les nus-propriétaires et le conjoint survivant doivent en principe convenir de la manière dont la conversion sera effectuée. En l’absence d’accord, l’usufruit sera converti en parts indivises de la succession en pleine propriété (art. 745quater, §1/1, al. 3 C. civ.) .

Nouvelle relation et valorisation

La valorisation est réalisée sur la base des mêmes tables de conversion, mais il y a tout de même une nuance. Lorsque le conjoint survivant est appelé à la succession avec des descendants du défunt nés d’une relation précédente, pour la valorisation de l’usufruit, ce conjoint survivant est toujours supposé être au moins 20 ans plus âgé que le plus vieil enfant de la relation précédente (art. 745quinquies, §3 C. civ.) .

Exemple

Imaginons qu’une femme soit âgée de 60 ans au moment du décès de son mari. Celui-ci avait deux enfants issus d’une relation précédente, âgés respectivement de 47 et 45 ans. En ce qui concerne la base de perception des droits de succession, l’usufruit de la femme aura une valeur correspondant à 38 % de la valeur de la pleine propriété. Mais, lors de la conversion de son usufruit, elle sera supposée avoir 20 ans de plus que l’enfant le plus âgé, donc 67 ans. De ce fait, sur la base des tables de conversion, son usufruit ne se verra attribuer qu’une valeur de 18,66 %.

Exclure les conversions ?

Vous ne pouvez pas ôter à votre enfant issu d’une relation précédente son droit à la conversion en ce qui concerne sa part réservataire (art. 745quinquies, §2 C. civ.) , mais pouvez le faire pour sa part dans la nue-propriété de la quotité disponible. La loi ne dit rien en ce qui concerne les enfants communs. Une partie de la doctrine est donc d’avis que le droit de conversion peut leur être retiré. Une solution alternative consiste, dans votre testament, à attribuer certains biens ou une fraction d’un bien à votre conjoint, si vous craignez que vos enfants ne demandent la conversion et que la valorisation soit faible. D’après certains auteurs, vous pouvez aussi déterminer une méthode de valorisation de l’usufruit dans votre testament, à condition que cette méthode soit objective et raisonnable.

Renoncer à l’usufruit

Renonciation

L’usufruitier peut facilement renoncer à son droit de manière unilatérale, ce qui permet aux nus-propriétaires de devenir pleins propriétaires. Une renonciation pure et simple à l’usufruit est un acte juridique unilatéral, pour lequel seul le droit fixe (50 €) doit être payé. Cependant, si cette renonciation est motivée par une intention libérale (intention de donner), la renonciation retombe dans le champ d’application des droits de succession.

Valorisation

Dans le cadre du calcul des droits de donation, la valeur de l’usufruit d’un bien immobilier est calculée comme suit : on multiplie les produits annuels bruts (ou, à défaut, la valeur locative brute de l’immeuble) par un coefficient dépendant de l’âge de l’usufruitier au moment de l’acte (art. 133, §2, b C. succ. ; art. 2.8.3.0.1., §2 CFF) .

Si la femme de notre premier exemple avait 78 ans et si elle souhaitait renoncer à l’usufruit sur un bien immobilier obtenu dans le cadre de la succession de son compagnon, au profit de ses enfants qui ont hérité de la nue-propriété lors du décès de leur père, des droits de donation seront dus si l’administration retient une intention libérale (ce qui est souvent le cas). Si les produits locatifs sont de 14 000 €/an, et si l’immeuble vaut 400 000 €, la valeur de l’usufruit sera de 14 000 € x 4 = 56 000 €, ce qui correspond à 14 % de la valeur de la pleine propriété.

Pour les droits de succession, la valeur de l’usufruit du conjoint survivant sera évaluée à 16 %. Plus tard, lorsque le conjoint renoncera à son droit, elle le sera à 14 %, et des droits de donation seront dus. Si l’usufruit est converti, il ne le sera qu’à concurrence d’une valeur correspondant à 10,63 % de la pleine propriété.

Conseils

  • La loi impose une méthode de valorisation de l’usufruit pour les droits de succession ou de donation.
  • Entre les parties, l’usufruit est valorisé sur la base de tables de conversion publiées chaque année. Les personnes concernées sont toutefois libres d’y déroger.
  • La valorisation fiscale d’un usufruit peut être notablement différente de son évaluation en droit civil.
  • Dans les familles recomposées, pour calculer la valorisation de l’usufruit, le conjoint survivant est toujours supposé être au moins 20 ans plus âgé que le plus vieil enfant de la relation précédente.
  • Si votre partenaire a p.ex. 60 ans et votre fils aîné 47, pour les droits de succession, l‘usufruit sera valorisé à 38 %, alors qu’il ne le sera qu’à 18,66 % en matière de droit civil.
  • Puisque votre partenaire risque de ce fait d’être particulièrement défavorisé, vous pouvez envisager une donation ou un legs en pleine propriété et hors part en sa faveur.


Pour aller plus loin


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