CONFLIT D’INTÉRÊTS - 28.01.2019

Conflit d’intérêts : comment éviter d’engager votre responsabilité ?

Quelles procédures devez-vous respecter lorsque vous, en tant que gérant ou administrateur, effectuez une transaction avec votre propre société ?

Votre responsabilité peut-elle être engagée, même si vous avez correctement respecté les règles ? Quand est-ce le cas ?

Comment éviter d’engager votre responsabilité lorsque d’autres administrateurs ne respectent pas les règles ?

Règles applicables

Société anonyme

Si un administrateur a, directement ou indirectement, un intérêt opposé de nature patrimoniale à une décision ou à une opération relevant du conseil d’administration, il doit le communiquer aux autres administrateurs avant la délibération au conseil d’administration (art. 523, §1, al. 1 C. soc.) . Pensez p.ex. à l’administrateur qui veut se vendre à lui-même ou à un membre de sa famille proche un immeuble de la société ; à l’administrateur qui veut conclure une convention de management entre la société et sa propre société de management ; etc.

Mention dans le procès-verbal

La déclaration de l’administrateur en question, ainsi que les raisons justifiant l’intérêt opposé, doivent être reprises dans le procès-verbal du conseil d’administration qui devra prendre la décision. Dans le cas où la société a nommé un ou plusieurs commissaires, l’administrateur concerné doit également tenir ces commissaires au courant de cet intérêt opposé.

En vue de la publication dans le rapport de gestion, ou, à défaut de rapport, dans une pièce qui doit être déposée en même temps que les comptes annuels, le conseil d’administration décrit, dans le procès-verbal, la nature de la décision ou de l’opération et une justification de la décision qui a été prise. Les conséquences patrimoniales pour la société doivent aussi être mentionnées dans le procès-verbal. Le rapport de gestion contient l’entièreté du procès-verbal visé ci-avant (art. 523, §1, al. 1 et 2 C. soc.) .

Si la société a un commissaire, le rapport de celui-ci doit comporter une description séparée des conséquences patrimoniales qui résultent pour la société des décisions du conseil d’administration, qui comportaient un intérêt opposé (art. 523, §1, al. 3 C. soc.) .

Obligation d’abstention ?

Pour les sociétés ayant fait ou faisant publiquement appel à l’épargne, l’administrateur ayant un intérêt opposé ne peut assister aux délibérations du conseil d’administration relatives à ces opérations ou à ces décisions, ni prendre part au vote. Attention : cette obligation d’abstention devrait être étendue, dans le nouveau Code des sociétés et des associations, à toutes les sociétés, même celles ne faisant pas appel public à l’épargne. Elle s’appliquerait donc aussi aux PME ordinaires.

SPRL

Dans une SPRL, la procédure à suivre dépend de la question de savoir s’il existe un collège de gestion (cela doit être prévu par les statuts), ou s’il y a un ou plusieurs gérants individuels. S’il y a un collège de gestion, s’appliquent alors les règles de la SA (voir ci-avant)(art. 259 C. soc.) .

S’il n’y a qu’un seul gérant (ou plusieurs qui ne forment pas un collège) et que celui-ci se trouve placé devant une opposition d‘intérêts, il en réfère alors aux associés et la décision ne pourra être prise ou l’opération ne pourra être effectuée pour le compte de la société que par un mandataire ad hoc (art. 260 C. soc.) , à désigner par l’assemblée générale.

Lorsque le gérant est l’associé unique (ce qui est souvent le cas dans une SPRLU), il pourra prendre la décision ou conclure l’opération, mais il devra rendre spécialement compte de celle-ci dans un document à déposer en même temps que les comptes annuels (souvent dans l’exposé des motifs). Les contrats conclus entre lui et la société sont inscrits dans ce document (art. 261 C. soc.) .

Responsabilité

Nullité

Si vous ne respectez pas les règles, la société (ou le curateur, après la faillite) peut réclamer la nullité de la transaction en question, sous réserve d’éventuels dommages et intérêts. Une violation des règles en matière de conflits d’intérêts constitue une violation du Code des sociétés, pour laquelle les administrateurs et gérants sont solidairement responsables.

Comment s’en distancier ?

Les administrateurs qui ne sont pas concernés par des décisions comportant une infraction (p.ex. par rapport aux règles en matière de conflits d’intérêts, mais aussi d’autres infractions) ne sont déchargés de leur responsabilité (solidaire) que «si aucune faute ne leur est imputable et s’ils ont dénoncé ces infractions selon le cas, lors de la première assemblée générale ou lors de la première séance du conseil d’administration suivant le moment où ils en ont eu connaissance»(art. 528, al. 3 C. soc.) .

Idem pour les gérants, mais ils doivent dénoncer les infractions à l’assemblée générale la plus prochaine après qu’ils en auront eu connaissance (art. 263, al. 2 C. soc.) .

Une décharge ne suffit pas ?

Si une telle infraction a lieu, il n’y a décharge, et seulement à l’égard de la société, que si une décharge spécifique est accordée. Cela signifie que les infractions (soit au C. soc., soit aux statuts) doivent être «spécialement» (c’est-à-dire : précisément) indiquées dans la convocation et donc à l’ordre du jour de l’assemblée générale (art. 284 C. soc.) .

Si ce n’est pas le cas, p.ex. car seule une décharge générale a été indiquée sans mention spécifique des infractions dans la convocation, aucune décharge n’est alors donnée pour les infractions du Code des sociétés et des statuts. En outre, une décharge n’est valable que lorsque la situation réelle de la société n’est pas dissimulée par une omission ou une indication fausse dans les comptes annuels.

Les règles sont respectées, tout de même responsable ?

Même si, en tant qu’administrateur ou gérant, vous respectez toutes les règles susmentionnées, vous pouvez encore être tenu personnellement et solidairement pour responsable des dégâts causés par la société ou par des tiers sur la base d’une telle décision, si cette décision ou opération vous a procuré, à vous ou à l’un de vos coadministrateurs ou cogérants, «un avantage financier abusif» au détriment de la société. Idem au niveau du groupe.

Dans la jurisprudence et la doctrine, on considère que cette responsabilité ne s’applique qu’en cas de «déséquilibre manifeste» entre l’avantage pour l’administrateur/gérant et le désavantage pour la société.

Si l’infraction est commise par un autre gérant ou administrateur, vous ne pouvez également dans ce cas exclure votre responsabilité qu’en la dénonçant à la prochaine assemblée générale ou la prochaine séance du conseil d’administration.

CONSEILS

  • Si vous avez un conflit d’intérêts, vous devez en informer les autres administrateurs (SA) ou gérants ou associés (SPRL). Si vous êtes l’unique gérant et l’unique associé dans une SPRL, vous devez établir un rapport spécial, que vous déposez en même temps que les comptes annuels.
  • Le respect de ces règles n’exclut pas votre responsabilité si la décision vous a procuré, à vous ou à l’un de vos coadministrateurs ou cogérants, un avantage financier abusif.
  • Si un collège de gérants ou d’administrateurs ne respecte pas les règles, vous ne pouvez exclure votre responsabilité qu’en dénonçant l’infraction, à la prochaine assemblée générale ou séance du conseil d’administration.
  • Une décharge ne vous protège que contre votre responsabilité à l’égard de la société et cela seulement si cette décharge est donnée spécifiquement et expressément pour l’infraction en question.
  • La réforme du droit des sociétés imposera une interdiction, en cas de conflit d’intérêts, d’assister aux délibérations du conseil d’administration ainsi que de prendre part au vote.

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