PLANIFICATION SUCCESSORALE - 28.01.2019

Que vaut l’usufruit du conjoint survivant ?

Le conjoint survivant hérite en principe de l’usufruit. Quand cet usufruit peut-il être converti ? Pouvez-vous priver vos enfants du droit de demander cette conversion ? Quelles conséquences négatives la différence de valorisation de l’usufruit sur le plan fiscal et civil peut-elle avoir pour le conjoint survivant, surtout dans les familles recomposées ? Comment éviter le problème ?

Droits de succession. La valeur de l’usufruit du conjoint survivant est fixée forfaitairement, pour le calcul des droits de succession dus, à 4 % de la valeur de la pleine propriété, multipliés par un coefficient qui dépend de l’âge de l’usufruitier (art. 21 C. succ. wall. et brux. ; art. 2.7.3.3.2. CFF) .

Conversion. La scission de la pleine propriété entre usufruit et nue-propriété n’est pas toujours une situation très confortable. C’est la raison pour laquelle le législateur a cherché une solution plus pratique, à savoir la conversion de l’usufruit. L’usufruit du conjoint survivant est légalement convertible. Le droit à la conversion peut être décrit comme le droit du conjoint survivant ou des descendants du défunt de demander la conversion de l’usufruit en pleine propriété ou en rente viagère (art. 745quater, §1 C. civ.) . En cas de conversion en pleine propriété, le survivant et les enfants sont «payés» en pleine propriété, chacun en fonction de leur part. Le conjoint survivant a cependant toujours le droit de s’opposer à la conversion de l’usufruit de l’habitation familiale et des meubles meublants.

Valorisation. Dans le cadre d’une conversion, les nus-propriétaires et le conjoint survivant évaluent ensemble l’usufruit. S’ils ne parviennent pas à se mettre d’accord, c’est le juge qui en déterminera la valeur, sur la base de tables de conversion publiées chaque année par le ministre de la Justice (art. 745quater, §1er /1 C. civ.) . Le juge ne peut y déroger que si l’espérance de vie de l’usufruitier est manifestement inférieure à celle prévue par les tables. La valeur de l’usufruit utilisée pour le calcul des droits de succession peut être différente de celle qu’obtient le conjoint survivant après la conversion de l’usufruit. Si une femme est âgée de 78 ans, la valeur de son usufruit s’élève, pour le fisc, à 16 % de la valeur de la pleine propriété et seulement à 10,63 % sur la base des tables de conversion.

Nouvelle relation. Depuis le 1er  septembre 2018, le conjoint survivant et les enfants non communs peuvent demander la conversion extrajudiciaire de l’usufruit. L’objectif est d’éviter les situations conflictuelles dans les familles recomposées. Il suffit à cet égard que le conjoint survivant ou l’enfant non commun exprime sa volonté d’obtenir la conversion. En cas de contestation, le juge ne peut pas la refuser. Les nus-propriétaires et le conjoint survivant conviennent en principe de la manière dont la conversion sera effectuée. En l’absence d’accord, l’usufruit sera converti en parts indivises de la succession en pleine propriété (art. 745quater, §1er /1, al. 3 C. civ.) .

Valorisation. La valorisation se fait sur la base des mêmes tables de conversion, avec tout de même une petite nuance. Lorsque le conjoint survivant est appelé à la succession avec des descendants d’une relation précédente du conjoint défunt, pour la valorisation de l’usufruit, il est toujours censé avoir 20 ans de plus que l’enfant le plus âgé de la relation précédente (art. 745quinquies, §3 C. civ.) .

Exemple. Une femme a 60 ans au moment du décès de son mari. Celui-ci a deux enfants d’une relation précédente, de 47 et 45 ans. Pour la perception des droits de succession, l’usufruit de la femme aura une valeur de 38 %. Lors de la conversion de son usufruit, elle sera toutefois censée avoir 20 ans de plus que l’aîné des enfants, soit 67 ans. Sur la base des tables de conversion, son usufruit n’aura alors qu’une valeur de 18,66 %. En pareille situation, le conjoint survivant peut donc être fortement lésé.

Exclure la conversion. Vous ne pouvez pas priver vos enfants d’une relation précédente de leur droit à la conversion concernant leur part réservataire (art. 745quinquies, §2 C. civ.) , mais pouvez le faire pour leur part dans la nue-propriété de la quotité disponible. La loi ne dit rien concernant les enfants communs. Une certaine doctrine est d’avis qu’ils peuvent être privés du droit de conversion. En guise d’alternative, vous pouvez attribuer dans votre testament certains biens à votre conjoint, si vous craignez que vos enfants demandent la conversion et que la valorisation de l’usufruit soit alors peu élevée. D’après certains auteurs, vous pourriez aussi déterminer une méthode de valorisation de l’usufruit dans votre testament, à condition que celle-ci soit objective et raisonnable.

La valorisation civile de l’usufruit peut fortement différer de la valorisation fiscale. Dans les familles recomposées, pour calculer la valeur de l’usufruit, le conjoint survivant est toujours censé avoir 20 ans de plus que l’enfant le plus âgé de la relation précédente. Si votre conjoint a p.ex. 60 ans et votre fils aîné 47 ans, pour les droits de succession, l’usufruit sera valorisé à 38 % pour les droits de succession, alors qu’il ne le sera qu’à 18,66 % selon le droit civil. Vous ne pouvez pas priver vos enfants d’une relation précédente du droit de demander la conversion en ce qui concerne leur part réservataire. Envisagez dès lors, si nécessaire, une donation ou un legs en pleine propriété et hors part en faveur de votre conjoint.

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