RESPONSABILITÉ DES ADMINISTRATEURS - 07.06.2019

La limitation de la responsabilité des administrateurs encore modifiée sur le fil

Nous avons déjà publié des articles sur les limitations de la responsabilité des administrateurs introduites par le nouveau Code des sociétés et des associations (CSA). Mais quelles sont les dernières modifications en la matière, qui ont été introduites à la dernière minute ?

L’assurance responsabilité des administrateurs est-elle devenue superflue ? Quels sont les points dont vous devez tenir compte lorsque vous envisagez de souscrire une police de ce genre ?

Limitation de la responsabilité

Montants

Comme nous vous l’avons déjà indiqué, le nouveau CSA limite la responsabilité des administrateurs à compter du 1er  janvier 2020 selon un plafond fixé en fonction du total du bilan et du chiffre d’affaires (hors TVA) de la société. La limitation fixée à 125 000 € pour les administrateurs des plus petites sociétés, qui avait été supprimée, est réintroduite. Les plafonds (en milliers d’euros) sont désormais établis comme suit :

Chiffre d’affaires Total du bilan Limite de responsabilité
< 350 et < 175 125
< 700 et < 350 250
< 9 000 ou < 4 500 1 000
9 000-50 000 et 4 500-43 000 3 000
> 50 000 ou > 43 000 12 000

Règles

Contrairement aux propositions antérieures, les nouveaux plafonds ne sont plus applicables en cas de faute légère présentant un caractère habituel, ni en cas de faute grave, ni s’il y a intention frauduleuse ou volonté de nuire dans le chef de la personne responsable. La limitation de responsabilité ne vaut pas non plus pour les dettes fiscales et sociales, comme c’était déjà le cas auparavant.

La limitation n’est pas applicable par administrateur ou par gérant, mais pour tous les administrateurs responsables solidairement et pour l’intégralité de l’action.

Assurance

Police D&O

D&O est l’acronyme de «directors & officers», ce qui désigne les mandataires d’une société. Une telle police couvre leur responsabilité. Les mandataires visés sont tant les administrateurs et les gérants que les cadres ou les membres de la direction amenés à prendre des décisions administratives. Un mandataire peut commettre une faute dans l’exécution de sa mission, et cette faute peut entraîner un dommage dont il peut être tenu pour responsable. Une indemnisation peut alors éventuellement être réclamée, à charge du patrimoine privé du mandataire. En d’autres termes, l’administrateur risque de devoir assumer sa responsabilité en puisant dans son patrimoine personnel, s’il commet une faute dans l’exercice de sa fonction de mandataire social.

L’assurance D&O couvre les conséquences financières d’une faute professionnelle, dans la mesure où cette faute a été commise dans l’exercice du mandat d’administrateur. Toutes les fautes, même les infractions à la loi, sont couvertes. Les frais judiciaires sont également pris en charge (avocat, expert, ...).

Encore utile ?

Aujourd’hui, la société exige de plus en plus qu’un responsable soit identifié lorsque les choses ne se passent pas comme escompté. La «victime» s’attaquera alors en priorité aux personnes dont elle présume qu’elles possèdent suffisamment de ressources financières. En tant que dirigeant d’entreprise ayant réussi, vous êtes, aux yeux de la victime, le candidat responsable tout désigné. Les exemples sont légion. Un administrateur peut notamment être tenu pour responsable lorsqu’il aurait dû savoir qu’un placement donné était trop risqué pour la société, ou lorsqu’il licencie à tort un membre du personnel et est assigné en justice pour cette erreur. S’il prend à la légère les prescriptions en matière de sécurité, il peut être tenu de verser des dommages moraux après un accident de travail, ...

La décharge annuelle accordée par l’assemblée générale annuelle ne vous protège que pour les fautes à l’égard de la société. Exercer un mandat d’administration via une société n’est pas davantage la solution, étant donné que cette société doit désigner un représentant légal. Ce représentant est personnellement responsable des actes d’administration posés par la société qu’il représente.

La portée de la nouvelle limitation de responsabilité légale est également limitée. À partir du moment où le chiffre d’affaires dépasse les 700 000 €, les administrateurs sont déjà responsables à hauteur de 1 000 000 €. De plus, ces plafonds ne sont désormais plus applicables en cas de faute grave ou de faute légère répétée.

Quels dommages ?

Certaines polices ne couvrent que les dommages physiques et matériels. D’autres prévoient une indemnisation limitée en cas de dommage purement immatériel, etc. Voyez donc avec votre courtier quels types de dommages votre société peut occasionner à des tiers et vérifiez si la police proposée vous couvre suffisamment pour ces risques.

Résiliation en cas de dommages

La police est généralement conclue pour une période d’un an, avec renouvellement annuel tacite. Si vous avez eu du mal à obtenir la couverture, souscrire une police pour une durée de trois ans peut en valoir la peine. Par ailleurs, vous bénéficierez alors souvent d’une petite réduction. En règle générale, le droit de dénonciation après un sinistre est réservé à l’assureur. Essayez de bénéficier vous aussi de ce droit de résiliation, en tant que preneur, afin de pouvoir l’invoquer si vous estimez que l’assureur n’a pas géré le sinistre correctement.

Clause de postériorité

La couverture ne prend pas immédiatement fin à la résiliation de la police. Généralement, les assureurs appliquent la règle «claims made +36». Si une personne invoque votre responsabilité dans un délai de 36 mois suivant l’expiration de la police, pour des faits datant de la période couverte par ladite police, l’assureur est alors tenu d’intervenir. Or, la responsabilité personnelle d’un dirigeant d’entreprise, en sa qualité de gérant ou d’administrateur, peut être mise en cause jusqu’à cinq ans après la fin de son mandat. Prévoyez donc une couverture «claims made +60», surtout si vous pensez vendre à terme. L’extension à cinq ans n’est toutefois pas possible auprès de toutes les compagnies d’assurance. Si vous envisagez de souscrire une police D&O, informez-vous au préalable si cette extension est possible.

Description du risque

Décrivez correctement le risque. Vous êtes tenu de déclarer à l’assureur toutes les circonstances dont vous avez connaissance et qui constituent pour lui des éléments d’appréciation du risque (art. 58 de la loi relative aux assurances) . Si le risque est modifié de manière significative et durable pendant la durée de la police, vous devez également en informer votre assureur. Celui-ci ne peut refuser ce risque accru que s’il peut prouver qu’il n’accepte jamais de couvrir ce type de risque. Il pourra alors résilier la police.

Brexit

Certains assureurs offrent normalement une couverture pour le monde entier, à l’exclusion des USA et du Canada. D’autres assureurs interviennent uniquement en cas de litige porté devant les tribunaux de l’Union européenne et de Suisse. Après le Brexit, les litiges survenant au Royaume-Uni ne seront dès lors plus couverts. En cas de doute, demandez à votre assureur de vous communiquer clairement la position de la compagnie par écrit. En principe, l’extension de la police au Royaume-Uni après un éventuel Brexit ne devrait pas poser de problème, mais mieux vaut prévenir que guérir.

CONSEILS

  • Malgré la réforme du droit des sociétés, l’assurance en responsabilité reste nécessaire. En effet, votre responsabilité peut vite être engagée à concurrence de sommes élevées, même après le 1er  janvier 2020, car les limitations ne sont pas de mise pour les fautes graves, ni pour les fautes légères répétées.
  • Vérifiez si la portée géographique de la police répond à vos besoins. Demandez à votre assureur de vous confirmer par écrit la couverture des litiges survenant au Royaume-Uni après un Brexit (dur).
  • Décrivez le risque de manière adéquate et vérifiez si les dommages autres que physiques et matériels sont suffisamment couverts. Déclarez spontanément toute modification significative du risque.
  • Optez pour une couverture «claims made +60» afin d’être couvert, en cas de revente de la société, pendant toute la période au cours de laquelle la responsabilité des administrateurs peut être invoquée.

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