IMMOBILIER - DIVERS - 26.06.2019

Les gravats évacués constituent-ils un paiement en nature ?

Une société assure la démolition d’un immeuble et l’évacuation des gravats. Cela signifie-t-il qu’en fait, elle les achète, et qu’elle doit donc aussi payer la TVA ? La Cour de justice européenne s’est prononcée sur la question...

Une prestation de services, ou une prestation et un achat ?

Tout déchet n’est pas sans valeur

Pas seulement les travaux de démolition ! En effet. Si dans le cas de travaux de démolition, il est évident qu’il y a lieu d’évacuer beaucoup de gravats, cela peut également être le cas lors de travaux de rénovation ordinaires. Il suffit de songer à la rénovation d’une salle de bains, lors de laquelle il faut enlever la baignoire en fonte et quelques vieux lavabos pour les remplacer par des modèles plus modernes. Dans son offre, l’entrepreneur prévoira dès lors généralement aussi une rubrique «démolition et évacuation». En soi, rien de bien étonnant...

Qu’advient-il de ces déchets ? Cela dépendra évidemment de leur nature exacte. Dans la plupart des cas, ils seront simplement acheminés au parc à conteneurs ou enlevés par une société spécialisée, mais il y a aussi des exceptions...

Acier, fonte, cuivre, etc. Il existe des déchets spécifiques pour lesquels certains sont prêts à débourser de belles sommes d’argent. L’entrepreneur qui évacue de tels déchets de chez un client ne va donc évidemment pas les jeter. Il préfèrera les revendre à un acheteur pour lequel ils ont encore une certaine valeur. Cette vente doit bien entendu être facturée par l’entrepreneur à l’acheteur, mais là n’est pas la question. Il s’agit surtout de savoir si le client de l’entrepreneur a en fait «vendu» ces déchets à l’entrepreneur ou non.

Qu’en a dit récemment la Cour de justice européenne ?

Une démolition avec revente de ferraille. C’était en résumé la situation soumise à la Cour. Une entreprise de démolition avait conclu un contrat avec une autre société pour la démolition d’un bâtiment et, dans ce contrat, il avait été prévu que la ferraille qui faisait partie des gravats pouvait être revendue par l’entreprise de démolition. La question qui se posait dès lors était de savoir si l’entreprise de démolition avait en fait acheté cette ferraille à son client, et si ce dernier aurait dès lors dû délivrer une facture avec TVA, ce qui n’avait évidemment pas été fait.

Une ou deux opérations TVA ? Telle était, en substance, la question à laquelle devait répondre la Cour. Concrètement, on se demandait donc si le prix qui devait être payé pour la démolition du bâtiment était la seule contrepartie, ou si cette contrepartie consistait aussi, en partie, en une livraison de ferraille, que la société de démolition pouvait à son tour revendre.

Existe-t-il un lien direct ? Selon la jurisprudence constante de la Cour, c’est en effet une condition à remplir. En d’autres termes, la contrepartie d’une prestation de services peut effectivement consister, en tout ou en partie, en une livraison de biens s’il existe un lien direct entre la prestation de services et la livraison. Il est également requis que cette livraison puisse être exprimée en argent.

Quels sont les faits ? En résumé, pour fixer le prix des travaux de démolition, la société de démolition avait tenu compte du fait qu’elle pouvait revendre elle-même la ferraille. Elle avait donc, en réalité, accordé une réduction de prix à son client, de sorte qu’il était incontestablement établi qu’il existait bel et bien un lien direct entre les travaux de démolition, d’une part, et la livraison de la ferraille, d’autre part (CJCE, 10.01.2019, C-410/17, A Oy) .

Conséquence concrète. La base d’imposition, c.-à-d. le montant sur lequel la société de démolition devait calculer la TVA, correspondait non seulement au prix demandé à son client, mais aussi à la valeur de la ferraille susceptible d’être revendue. Car elle en avait tenu compte dans le prix qu’elle avait fixé et, par conséquent, une partie du prix avait, en réalité, été payée «en nature». En fait, cela revient au même que si le client de la société de démolition avait établi une facture pour la vente de la ferraille et si la société de démolition avait établi une facture pour les travaux de démolition, sans tenir compte de la ferraille cette fois.

Qu’est-ce que cela signifie pour un entrepreneur en Belgique ?

Le client est un particulier

La vente d’une baignoire en fonte ? Non, heureusement pas. Les particuliers ne sont pas assujettis, et le client en question ne pourrait donc pas établir une facture avec TVA.

Conseil.  La Cour de justice a aussi expressément indiqué, dans son arrêt, qu’il ne peut être question d’une telle livraison de biens que s’il s’agit d’un client assujetti agissant en tant que tel.

Le client est un assujetti

Ancienne tolérance. L’administration de la TVA a elle-même indiqué, dans une ancienne circulaire qui est toujours d’actualité (circ. n° 3, 07.01.1972) , qu’il faut opérer une distinction selon que l’entrepreneur est payé en partie en argent, ou pas du tout.

L’entrepreneur est payé en argent. Dans ce cas, on peut considérer, selon l’administration, que la valeur des déchets évacués est négligeable et qu’il ne faut pas en tenir compte pour déterminer la base d’imposition. Concrètement, il ne faut alors calculer la TVA que sur le prix qui doit être payé en argent.

L’entrepreneur est payé avec les déchets ? Dans ce cas, lorsque l’entrepreneur est exclusivement payé avec les matériaux à démolir et à évacuer, il est en fait payé intégralement en nature, et il y a dès lors lieu de payer la TVA sur la valeur normale des matériaux «acquis». En pratique, cette valeur sera égale au prix normal qui devrait être payé pour le travail effectué par l’entrepreneur.

S’il est tenu compte, dans le prix des travaux de démolition, de la valeur de revente des déchets enlevés, d’après la Cour de justice, cette valeur fait partie de la base d’imposition. En Belgique, la TVA accepte cependant depuis longtemps que la valeur des déchets emportés soit considérée comme négligeable si l’entrepreneur est aussi payé en argent.

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