Ses frais sont-ils déductibles dès lors qu’il est loué ?
Le fisc et les frais de l’usufruit
La condition «d’intentionnalité». Les conditions générales de déduction des frais professionnels (art. 49 CIR 92) s’appliquent aussi aux frais de l’usufruit d’un immeuble. L’une d’elles, la condition dite d’intentionnalité, veut que les frais soient faits pour acquérir ou conserver des revenus imposables. Appliquée à l’usufruit d’un immeuble, elle implique que votre société prouve qu’elle l’a acheté pour recueillir des revenus en principe imposables.
Une habitation mise à disposition. Si votre S(P)RL achète l’usufruit d’un immeuble où vous habitez gratuitement, il est à prévoir que le fisc contestera l’intentionnalité. La jurisprudence n’accepte, elle, la déduction que si votre société prouve que la mise à disposition est une rémunération de prestations effectives que vous lui fournissez (Cass., 13.11.2014 et 14.10.2016) .
Une habitation donnée en location. Si votre société loue l’immeuble, à des tiers ou à vous, cela réduit le risque de discussion avec le fisc, dès lors que le loyer aboutit dans votre société et constitue pour elle un revenu imposable. Néanmoins, il arrive que le fisc rejette là aussi la déduction des frais de l’usufruit, lorsque ceux-ci dépassent (de beaucoup) les revenus produits.
Et si le loyer est inférieur aux frais ?
Le principe. En général, le fisc se voit donner tort s’il base un rejet de la déduction des frais d’un usufruit sur un déséquilibre entre ces frais et les loyers (Anvers, 26.05.2015 et 27.02.2018 ; Trib. Gand, 28.05.2019) . Des frais professionnels ne sont en effet pas déductibles à la condition d’être inférieurs au montant des revenus professionnels qu’ils ont permis d’acquérir ou de conserver (Cass., 23.04.2010) .
Jamais de problème dès lors ? Pas tout à fait, à voir une récente affaire. Le gérant d’une SPRL lui avait vendu l’usufruit de trois appartements. Sa SPRL avait totalement financé cet achat en empruntant.Elle avait loué les appartements, mais dès le départ, il était clair que le total des loyers ne dépasserait jamais les amortissements, intérêts et autres frais de l’usufruit. Dès lors, a jugé la Cour de cassation (Cass., 21.06.2019) , c’est à juste titre que le fisc a rejeté la déduction des frais, dès lors que l’achat de l’usufruit ne profitait qu’au gérant personnellement.
Qu’en retenir ? Avec cet arrêt, la Cour de cassation ne revient pas sur ses décisions antérieures. Le fisc ne peut toujours pas rejeter la déduction des frais d’un usufruit du seul fait que les loyers qui en découlent sont moins élevés ou qu’ils ont été faits pour obtenir un avantage fiscal. Cet arrêt attire l’attention sur le fait que la jurisprudence précitée ne donne pas un blanc-seing aux constructions dont le seul but est de vous enrichir personnellement aux frais de votre société, bref d’appauvrir celle-ci.
Conseil 1. Avant d’acheter l’usufruit, que votre société établisse un plan financier réaliste démontrant qu’elle effectue aussi l’achat dans son intérêt, surtout si elle finance cet achat par l’emprunt.
Conseil 2. Le fait qu’il ne s’agissait pas ici d’un achat scindé dès le départ, mais d’une vente par le gérant de l’usufruit d’un immeuble neuf qu’il avait fait construire personnellement, n’était pas non plus de nature à disposer favorablement le fisc tout d’abord et les juges par la suite.