Crédit d’impôt pour les dividendes français (et d’autres pays étrangers)
Double prélèvement à la source
De quoi s’agit-il ?
Les dividendes étrangers font généralement l’objet d’une double imposition dans le chef d’un investisseur/grand actionnaire particulier belge. Un prélèvement à la source est généralement effectué sur les dividendes d’entreprises étrangères dans le pays de celles-ci. Le taux varie d’un pays à l’autre. Il s’élève p.ex. à 15 % en Afrique du Sud, au Luxembourg et aux Pays-Bas, à 25 % au Canada, à 26,375 % en Allemagne, à 30 % en France, en Finlande, en Suède et aux États-Unis et même à 35 % en Suisse. À ce prélèvement à l’étranger s’ajoute encore le précompte mobilier belge de 30 %.
Prélèvement à la source réduit
La plupart des conventions préventives de la double imposition (CPDI) signées par la Belgique prévoient un prélèvement à la source sur les dividendes de maximum 15 %. Si le prélèvement à la source effectué est supérieur au taux fixé dans la CPDI, vous pouvez demander l’application de la réduction de ce prélèvement à la source. De nombreuses banques offrent p.ex. cette possibilité pour les dividendes d’origine française, australienne, canadienne, finlandaise, norvégienne, suédoise, italienne et américaine. Les banques se chargent, tantôt contre paiement, tantôt gratuitement, des démarches administratives liées à l’obtention de la réduction de l’impôt étranger. Ne manquez dès lors pas de vous renseigner auprès de votre banque.
Un prélèvement à la source de 15 % à l’étranger se traduit cependant toujours par un coût fiscal total de 40,5 %.
Récupération ultérieure
Pour certains pays comme l’Allemagne, le Luxembourg, l’Autriche, la Suisse, le Danemark et l’Irlande, il est possible de récupérer a posteriori une partie du prélèvement effectué à la source.
La procédure est cependant très complexe. Vous pouvez obtenir les formulaires nécessaires auprès du Bureau central de Taxation de Bruxelles-Étranger, North Galaxy, boulevard Roi Albert II 33, 1030 Bruxelles. Votre établissement financier et votre fonctionnaire local des impôts, qui confirme votre résidence fiscale belge, doivent cacheter le formulaire. Vous pouvez en général aussi récupérer le trop versé via votre banque belge. Ce service est toutefois toujours payant. Enfin, le remboursement effectué par le fisc étranger est considéré comme un revenu mobilier sur lequel vous devrez payer le précompte mobilier.
Fisc étranger
Une restitution du prélèvement à la source à l’étranger est aussi possible en cas de discrimination entre actionnaires résidents et non résidents. Il a ainsi été décidé que les prélèvements à la source devaient être remboursés à un investisseur belge pour avoir été discriminé par rapport à un investisseur français et néerlandais (Conseil d’État 07.05.2014, n° 356760 ; Hoge Raad, 04.03.2016) . Ces arrêts n’ont toutefois pas force de loi en Belgique. Les banques belges ne peuvent donc pas en tenir compte. Pour obtenir la restitution du prélèvement à la source à l’étranger, vous devez intenter vous-même une procédure judiciaire sur place.
QFIE
Crédit d’impôt
De nombreux pays dans le monde permettent d’atténuer cette double imposition en prévoyant un «crédit» pour l’imposition à l’étranger. Le principe est le suivant : c’est l’impôt le plus élevé des deux pays (p.ex. 30 % pour un dividende français, ce qui reste inférieur de 10,5 % à la situation actuelle) qui est payé, mais il n’y a pas de double imposition. Cela fait cependant déjà un certain temps que la Belgique n’applique plus ce système dans son droit interne pour les revenus mobiliers acquis en dehors de la sphère professionnelle.
Convention préventive de la double imposition ?
Certaines conventions fiscales contiennent cependant un fondement permettant d’obliger la Belgique à imputer le prélèvement à la source étranger. C’est par exemple le cas pour la France. La convention (actuelle) conclue entre la Belgique et la France prescrit que l’impôt belge doit être diminué de la QFIE (la quotité forfaitaire d’impôt étranger), il est vrai, «dans les conditions fixées par la législation belge» . Étant donné que la convention renvoie à la législation belge interne et que la QFIE interne a été supprimée pour les placements particuliers, le fisc considère traditionnellement qu’il n’y a pas lieu d’accorder de QFIE.
Ce raisonnement semble cependant un peu court. La convention conclue avec la France dispose en effet aussi que la QFIE ne peut pas être inférieure à 15 % du dividende net. Le fisc a considéré que cette règle était devenue sans objet à la suite de la suppression de la QFIE en Belgique.
La doctrine soutient en revanche que le contribuable peut bénéficier d’une imputation. À cet égard, elle renvoie non seulement à la convention conclue avec la France, mais aussi, entre autres, à celles conclues avec l’Italie, l’Australie, etc.
Jurisprudence
La Cour de cassation s’est déjà prononcée en faveur des contribuables dans un arrêt important du 16 juin 2017. Elle a considéré que la Belgique devait en tout cas imputer une QFIE de 15 %, même si la QFIE n’existe plus dans la législation interne. De cette manière, le précompte mobilier belge est en fait limité à 15 % supplémentaires au lieu de 30 % (et donc une imposition totale de 27,75 % au lieu de 40,5 %).
Cet arrêt de la Cour de cassation cassait un arrêt de la Cour d’appel de Gand, qui avait initialement refusé d’accorder l’imputation de la QFIE. Dans son arrêt, la Cour de cassation a décidé de renvoyer l’affaire à la Cour d’appel d’Anvers. Dans la foulée de cet arrêt, de nombreux contribuables ont demandé le remboursement de l’impôt payé indûment, mais le fisc a fait savoir qu’il attendait l’intervention des cours d’appel. Avec l’arrêt de la Cour d’appel d’Anvers de fin 2019, cette intervention est à présent un fait.
Ministre des Finances
En principe, le fisc ne peut donc désormais qu’accepter l’imputation. Peu avant l’intervention de la Cour d’appel d’Anvers, le ministre des Finances avait cependant déjà fait savoir que le fisc maintenait de toute façon provisoirement son point de vue. Il y a en effet encore une deuxième affaire pendante devant la Cour de cassation, faisant suite à un arrêt de la Cour d’appel de Bruxelles. Le fisc veut d’abord attendre cette deuxième décision de la Cour de cassation avant de rectifier éventuellement son point de vue (Q&R Chambre 2019, n° 55-002, 22) .
En attendant, les contribuables ont néanmoins intérêt à préserver leurs droits en introduisant une réclamation et en demandant le remboursement de l’excédent d’impôt prélevé.