Avoir la même marge bénéficiaire chaque année ?
Que s’est-il passé ?
Qu’avait constaté le contrôleur ? Monsieur B. avait commencé comme menuisier indépendant en profession principale en 2012. En 2015, il avait déjà été contrôlé pour ses années 2012 et 2013. Le contrôleur avait constaté que la marge bénéficiaire de 2012 était nettement inférieure à celle de 2013.
Qu’a-t-il alors fait ? Le contrôleur a fait de la marge de 2013, supérieure à celle de 2012, le point de départ d’une preuve «par présomption de fait» de l’inexactitude du bénéfice déclaré pour 2012. Selon lui, les conditions d’exploitation de l’entreprise n’avaient pas été modifiées et il a dès lors majoré le chiffre d’affaires et le bénéfice de 2012 à partir de la marge bénéficiaire brute de 2013.
Qu’en a dit la justice ?
Une présomption d’exactitude. La cour d’appel (Anvers, 28.05.2019) commence par rappeler qu’une présomption d’exactitude s’attache à une déclaration déposée à temps. Le fisc peut certes renverser cette présomption, mais à lui de prouver alors que les revenus déclarés sont inexacts. Il peut le prouver par des «présomptions de fait», à savoir une déduction logique de ce qu’on veut prouver, ici le fait que la marge de 2012 était trop basse, à partir d’un fait connu, ici la marge de 2013.
Attention !  Le fisc peut recourir à la preuve par présomption de fait sans avoir à rejeter d’abord la force probante de la comptabilité.
Conseil.  Si vous tenez une comptabilité probante, le fisc aura bien plus de mal à réfuter les chiffres qui en découlent au moyen de présomptions de fait.
Le fisc se voit donner tort. La cour d’appel juge à bon droit que le seul fait que la marge de 2012 s’écarte de la marge de 2013 ne prouve pas en soi l’inexactitude des montants déclarés pour 2012. Le contrôleur avait supposé que les conditions d’exploitation n’avaient pas changé, mais sans l’étayer. Ce n’était donc pas là un fait connu, mais une présomption non fondée. Le fisc n’ayant pas prouvé que la déclaration relative à 2012 était erronée, la cour d’appel a annulé son imposition.
Qu’en retenir ?
Le fisc peut-il extrapoler la marge bénéficiaire ? Oui, mais il y a une importante condition à cela : que les conditions d’exploitation pour les années concernées soient les mêmes (Cass., 10.03.1995) . L’application automatique de la marge d’une année à une autre année est une cascade de présomptions interdite si les conditions ont changé (Liège, 13.03.1985 ; Gand, 21.09.1995) .
Qui prouve ces conditions d’exploitation ? La plupart des décisions de justice estiment qu’il incombe au fisc de prouver que les conditions d’exploitation sont restées les mêmes pour les années comparées (Bruxelles, 06.02.2009 ; Trib. Bruxelles, 06.03.2009 ; Trib. Anvers, 03.03.2010 ; Bruxelles, 13.02.2014) . Suivant cette jurisprudence, ce n’est donc pas à vous de prouver que ces conditions ont changé.
Conseil.  Il serait toutefois prudent, si votre marge bénéficiaire d’une année s’écarte fort de la moyenne, de voir avec votre comptable à quoi c’est dû. Dans cette affaire, l’année 2012 était spéciale, car Monsieur B. y avait fait de la menuiserie sa profession principale et eu un accident du travail.