CONTRÔLE & LITIGES - SOCIÉTÉ - 24.06.2022

Le fisc peut-il faire abstraction d’une société ?

Une styliste est gérante d’une société de management. Elle a donné son label de mode en licence à la société de production dont elle était auparavant la gérante. Pour le fisc, elle est toujours dirigeante de sa première société et les redevances qu’elle recueille en contrepartie de la licence sont des rémunérations de dirigeant imposables. Qu’en a dit la justice ?

D est styliste et a donné sa marque en licence à la société X, dont elle était auparavant la gérante. Les redevances perçues en contrepartie de cette licence sont déclarées comme des revenus mobiliers. Les autres revenus de D consistent en une rémunération de dirigeant retirée de Y, une autre société dont elle est devenue la gérante et qui fournit des services de management et des conseils à X.

Position de l’Administration

Le fisc estime que les redevances sont indissolublement liées à l’activité professionnelle de D et qu’il faut, de ce fait, les imposer en tant que revenus professionnels. L’activité professionnelle de D consiste, dit-elle, à concevoir des vêtements, et ce en qualité de dirigeant (de 2e  catégorie) de X. Du fait du «principe d’attraction», les redevances doivent être imposées comme des rémunérations de dirigeant. Quant à l’existence de Y, le fisc en fait abstraction.

Position de la justice

Le premier arrêt (Anvers, 14.11.2017) était en faveur du fisc, mais la Cour de cassation l’a cassé (Cass., 02.02.2020) . La Cour d’appel de Gand a à présent donné tort au fisc. Durant les exercices d’imposition concernés, l’activité professionnelle de D a consisté à administrer Y. D n’a jamais développé d’activité professionnelle de créatrice de collections en son nom propre ou pour la marque donnée en licence, mais toujours comme «organe» de X, puis de Y. Le fisc ne pourrait considérer les redevances comme des revenus professionnels de D qu’en faisant abstraction de l’existence de Y, ce qui ne serait possible qu’en prouvant une simulation ou un abus fiscal, ce qu’il n’a pas fait.

Commentaire

Des revenus mobiliers. Des redevances rétribuent l’utilisation d’un nom ou d’une marque, ici un label de mode. Au niveau fiscal, elles sont normalement des revenus mobiliers : revenus issus de la location, de l’affermage, de l’usage et de la concession de biens mobiliers autres que des droits d’auteur (art. 17, §1, 3° CIR 92) . Elles ne sont pas imposables aux taux progressifs, mais distinctement, à 30 %.

Éventuellement, des revenus professionnels. Si le bénéficiaire des revenus mobiliers se sert des biens mobiliers productifs des revenus pour exercer son activité professionnelle, les revenus en deviennent imposables en tant que revenus professionnels (art. 37, al. 1 CIR 92) . Quant à dire s’il y a affectation des biens mobiliers à l’activité professionnelle, c’est une question de fait.

Interdiction de faire abstraction d’une société. La Cour d’appel d’Anvers, avons-nous dit, avait suivi le raisonnement du fisc, mais, d’après la Cour de cassation, celui-ci passait outre l’existence de la société Y. Or, l’impôt doit se baser, sauf simulation ou abus fiscal, sur la réalité juridique, à savoir, ici, que D était gérante de Y, qui prestait des services à X, et que son activité professionnelle n’était pas (plus) de créer des vêtements, ni de gérer X.

Conseil. Le fait que les médias se servent du nom de D et ne fasse pas assez référence à Y ne porte pas atteinte à cette réalité juridique, fait encore observer la Cour d’appel.

Vous trouverez l’arrêt de la Cour d’appel de Gand du 21.12.2021 (décision originale en néerlandais) sur https://www.astucesetconseils.be , Annexes, 28e  année, n° 17.

En première instance, le fisc a obtenu gain de cause dans cette affaire, mais par la suite, c’est la position de la Cour de cassation qui s’est vu confirmée, à savoir que le fisc ne peut faire abstraction de la réalité juridique, c.-à-d. de l’existence d’une société, sauf à prouver une simulation ou à appliquer une disposition anti-abus.


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