Est-ce ou non “anormal” ?
Une société accorde un prêt contre paiement d’un intérêt limité à une filiale en difficulté. Peut-on parler d’un “avantage anormal ou bénévole” en pareil cas ?
Une SA belge avait contracté un prêt auprès d’une banque luxembourgeoise. L’argent qu’elle avait ainsi emprunté, elle l’avait à son tour prêté immédiatement à deux de ses filiales néerlandaises, lourdement déficitaires, en prenant une petite marge (“spread”) de 0,75 %.
Position de l’Administration
Aux yeux du fisc, la SA belge avait consenti “une faveur” à ses filiales néerlandaises. Le “spread” de 0,75 % est bien trop bas et pas du tout conforme au marché. Aussi estime-t-il que la différence entre le taux normal du marché et le taux d’intérêt pratiqué, augmenté du “spread”, constitue un avantage anormal ou bénévole à imposer au niveau de la SA belge qui l’a consenti. Le fisc détermine ce qui est conforme au marché en se fondant sur les taux de la Banque nationale.
Position du juge
Comme les filiales néerlandaises se trouvaient en mauvaise posture, le Tribunal d’Anvers juge qu’il n’est pas anormal pour la SA belge de faire jouer sa propre solvabilité pour emprunter et à son tour prêter à ses filiales. Ces dernières ne seraient en effet jamais parvenues à obtenir un prêt (ou alors à de très mauvaises conditions), vu les chiffres peu favorables qu’elles présentaient.
Pour le tribunal, le fisc n’a pas démontré que la façon d’agir de la société belge était “anormale”. En outre, dit-il, le fisc ne peut pas apprécier “l’avantage” accordé aux filiales néerlandaises au regard des taux de la Banque nationale de Belgique. S’il avait voulu effectuer correctement cet exercice, il aurait dû voir le taux que la banque luxembourgeoise aurait compté si elle avait prêté directement aux filiales néerlandaises. Autant de motifs qui conduisent le tribunal à annuler les impositions établies.
Commentaire
Une décision correcte ? Quand peut-on dire d’un avantage qu’il est “anormal” ? C’est le cas quand la façon d’agir va à l’encontre de ce qui est normal dans des cas analogues (Cass., 03.12.1982). Il n’y a certainement rien d’anormal à ce que des entreprises en difficulté d’un même groupe s’entraident à court terme pour se retrouver ensuite dans une meilleure situation (voyez e.a. Cass., 28.09.1984; Cour d’appel d’Anvers, 20.11.1982 et Cour d’appel de Mons, 18 mai 2001).
A retenir. Si vous consentez un prêt à taux avantageux ou même sans intérêt à une société apparentée, cela peut donc être défendable, mais ayez une histoire crédible de prête. La filiale est p.ex. déficitaire et ne peut plus obtenir elle-même un prêt “normal”, ou il est important au niveau du groupe de soutenir cette filiale déficitaire du fait p.ex. qu’elle est établie dans un pays à fort potentiel, etc. Veillez aussi à établir un contrat de prêt en bonne et due forme.
Conseil. Votre position n’en sera bien sûr que meilleure si vous prouvez que la filiale a commencé par tenter d’obtenir un prêt par elle-même, sans y parvenir toutefois ou à des conditions particulièrement peu attrayantes.
Les abonnés trouvent ce jugement (décision originale rendue en néerlandais) sur http://impots.indicator.be ou peuvent nous le demander par fax (016/35 99 22) - code IM 13.18.06.