Soyez critique envers votre conseiller !
Les règles de la MiFID. La “Market in Financial Instruments Directive” (en abrégé MiFID) est entrée en vigueur le 1er novembre 2007. Les règles auxquelles les banques et autres conseillers en placements et gestionnaires de patrimoine doivent se tenir ont été renforcées. On ne peut plus vous conseiller “ainsi” de souscrire à tel ou tel produit financier ou vous donner “ainsi” des conseils personnalisés concernant les produits dans lesquels investir votre argent, contre paiement d’honoraires ou de frais. Le fait que le conseiller vous rappelle que vous êtes “bien sûr” libre de suivre ou non son conseil n’y change rien.
“Un contrat de placements”. Votre banque et/ou conseiller en placements doit d’abord déterminer votre profil de risque avec vous (via un questionnaire destiné à mesurer votre expérience des placements, vos objectifs et le degré de risque que vous voulez prendre). Après avoir établi votre profil, votre banque et/ ou conseiller en placements vous a en principe aussi fait signer un contrat de conseil en placements. En vertu de la MiFID, ce contrat doit indiquer e.a. sa durée, les modalités de rétribution, les modalités de la fourniture des conseils et aussi vos objectifs d’investisseur. Votre conseiller en placements ne vous garantit “bien sûr” pas dans ce contrat que ses conseils feront produire tel rendement à votre portefeuille de placements et/ou que ses pertes resteront à coup sûr limitées à un moment donné. Si vous avez constaté depuis lors que la valeur de votre portefeuille a baissé, du fait principalement que la bourse a plongé, ce contrat ne vous laisse à première vue guère de possibilités de récupérer tout ou partie de votre perte auprès de la banque. Toutefois, si votre banque vous a donné des conseils allant à l’encontre de votre profil de placement (p.ex. un produit de placement exotique sans protection du capital investi alors qu’on vous a diagnostiqué un profil défensif), cela s’apparente à une “faute” de sa part, qui vous permettra en principe de récupérer quand même une partie de votre dommage. Idem si elle ne vous a pas correctement informé au préalable au sujet des produits qu’elle vous a conseillés et/ou vous a insuffisamment informé de l’état de votre situation. Toutefois, même si vous lui opposez de tels griefs, une banque et/ou un conseiller en placements ne seront pas vite enclins à ouvrir les cordons de leur bourse, vous contraignant à aller en justice pour tenter d’obtenir gain de cause. Le résultat d’une telle procédure est toutefois difficilement évaluable.
Un récent arrêt de Cassation. Un client d’une grande banque avait à l’époque, après détermination de son profil de risque, conclu un tel contrat de conseil en placements. Il y était clairement dit que le client acceptait “une gestion active pouvant aller jusqu’à 100 % d’actions” et “un risque élevé”. Ce client estimait toutefois que son contrat ne répondait pas aux conditions légales et était donc dépourvu de validité. Il fallait dès lors lui restituer toutes les commissions et indemnités qu’il avait payées. Il réclamait par ailleurs une compensation pour la perte subie par son portefeuille depuis la signature de son contrat. La Cour d’appel de Bruxelles n’avait rien voulu savoir (arrêt du 26 mars 2009), estimant qu’il n’y avait rien à redire à ce contrat et donc aucun motif de condamner la banque à payer un dédommagement. La Cour de Cassation a toutefois estimé que la vision des juges d’appel est erronée (arrêt du 23 juin 2011). Un tel contrat n’est valide, dit-elle, que s’il indique clairement les objectifs que le client veut atteindre grâce aux conseils en placements. Or, une “gestion active, 100 % en actions” n’est pas un objectif, mais une modalité du placement. De même, un “risque élevé” n’est évidemment pas non plus un objectif, relève-t-elle à juste titre.
Que doit-il alors contenir ? L’arrêt de la Cour de Cassation ne le dit pas comme tel. Si votre contrat précise p.ex. que l’objectif est de vous permettre de retirer chaque année, grâce aux conseils prodigués, un rendement de p.ex. 10 % de votre portefeuille, sans doute n’y aura-t-il pas grand-chose à y objecter. Par contre, s’il ne contient pas d’objectif clair, mais seulement une référence à votre profil de risque et aux produits financiers dans lesquels vous désirez investir, c’est en soi insuffisant. Si votre contrat contient des vices de forme, vous pouvez directement vous y soustraire, sans avoir d’indemnité de rupture à payer. En principe, vous pouvez aussi demander le remboursement des commissions et/ou autres frais que votre conseiller en placements vous a comptés depuis la signature de votre contrat. Pouvez-vous aussi, en pareil cas, récupérer la totalité de la moins-value de votre portefeuille ? La Cour de Cassation ne s’est pas prononcée sur ce point. Grâce à son arrêt, vous ne devez toutefois plus prouver qu’on vous a donné de mauvais conseils de placements pour pouvoir réclamer un dédommagement. Du seul fait qu’on vous a fait signer un contrat qui s’est avéré nul par la suite, on doit en principe vous restituer la valeur de votre portefeuille de départ. Reste à voir si votre banque s’inclinera... Mais, en tout cas, vous n’irez pas désarmé à la discussion avec ces “grosses pointures” financières !