PROTECTION DU PARTENAIRE - 06.06.2016

Protéger son conjoint : donation réciproque ou clause de participation finale ?

Les époux, mariés sous le régime de la séparation de biens, peuvent s’avantager réciproquement de plusieurs manières.

Avec une clause de participation finale, les époux peuvent s’attribuer mutuellement une partie de leur patrimoine. La donation réciproque entre époux de biens mobiliers constitue également une technique de planification successorale très répandue.

Quand opter pour l’une ou pour l’autre ? Et avec quelles conséquences fiscales ? Votre choix a-t-il des répercussions sur la réserve de vos enfants ? Pouvez-vous revenir unilatéralement sur votre décision ?

Comment ça marche ?

Clause de participation finale

Dans un régime de séparation de biens, chaque conjoint a son patrimoine propre. Il n’existe pas de patrimoine commun. Pour introduire une certaine solidarité et avantager le conjoint qui possède un patrimoine moins important, les conjoints peuvent opter pour une «clause de participation finale» ou «clause de compensation finale». Chaque conjoint reste propriétaire de ses biens, mais il existe une créance d’un conjoint envers l’autre. Cette correction relevant du droit des obligations est inscrite dans une «clause de participation finale» insérée dans le contrat de mariage. «Finale» signifie qu’en cas de dissolution du mariage pour cause de divorce ou décès, une «compensation» relative aux avoirs propres des époux aura lieu.

Exemple

Un homme a constitué un patrimoine de 1 000 € durant son mariage. Son épouse, ayant moins travaillé pour s’occuper de leurs enfants, n’a pu épargner que 200 €. Par le biais d’une clause de participation finale, le couple peut convenir que l’épargne totale (soit 1 200 €) sera versée dans un pot commun, dont chaque partenaire aura p.ex. droit à la moitié, donc 600 €. L’épouse aura alors une créance de 400 € envers le mari.

Donation réciproque

On parle d’une donation réciproque lorsque les conjoints se font mutuellement une donation, devenant par là chacun donateur et donataire. Une telle donation réciproque ne peut porter que sur le patrimoine propre des époux et donc pas sur le patrimoine commun. Entre époux, une donation est toujours révocable, p.ex. en cas de difficultés dans le couple. Les cohabitants peuvent également procéder à des donations réciproques, mais entre cohabitants, les donations ne sont pas révocables.

Si les conjoints se font une donation réciproque avec clause de retour, au décès du premier conjoint, le survivant recevra ce qui lui a été donné par son conjoint, tandis que la donation faite en faveur du prémourant sera mise à néant. Une clause de retour conventionnelle (art. 951 C. civ.) est une condition résolutoire de la donation. En cas de prédécès du donataire, la donation est mise à néant, comme si elle n’avait jamais existé, de sorte que les biens donnés ne tomberont pas dans la succession du donataire prédécédé. Les biens donnés retournent donc au donateur sans que les droits de successions ne soient dus.

Comment choisir ?

Révocable ?

La clause de participation finale est reprise dans le contrat de mariage, qui ne peut être modifié qu’avec l’accord des deux conjoints. Les donations réciproques au contraire sont, par dérogation au principe général, toujours révocables. Les parties pourraient éviter cela en liant le sort de chaque donation à celui de l’autre donation : si l’une des donations est révoquées ou annulées, l’autre le sera également de plein droit.

Réserve des enfants

La clause de compensation a trait à la liquidation du patrimoine matrimonial en cas de dissolution du mariage par décès. Celle-ci prime sur la liquidation de la succession. Le résultat positif de la compensation – la créance donc – doit être considéré comme un avantage matrimonial. En 2005 déjà, la Cour constitutionnelle a défini les avantages matrimoniaux comme étant les avantages «qui résultent pour les époux du mode de composition, de fonctionnement et de partage du régime matrimonial choisi» . Les avantages matrimoniaux peuvent donc aussi exister en cas de régime de séparation de biens.

Étant donné que les contrats de mariage sont réputés de manière irréfragable avoir été conclus à titre onéreux, les avantages qui en résultent ne peuvent donc pas être considérés comme une donation ni faire l’objet d’un rapport et/ou d’une réduction.

Cela signifie que la clause de compensation finale est «à l’épreuve de la réserve» s’il n’y a que des enfants communs et concernant les acquêts (les biens acquis à titre onéreux pendant le mariage). Même si tous les acquêts sont attribués au conjoint survivant, les enfants communs, héritiers réservataires, ne peuvent donc pas s’y opposer.

Si des enfants non communs viennent à la succession, tout ce que le conjoint survivant reçoit au-delà de sa part et de la moitié des acquêts sera toutefois considéré comme une donation et pourra donc faire l’objet d’un rapport.

La donation se situe en effet sur le plan de la liquidation de la succession. Si la réserve des enfants venait à être entamée par la donation, il pourront invoquer la réduction.

Fiscalité

La jurisprudence considère que la clause de compensation n’est pas une institution contractuelle et ne peut donc pas être imposée sur la base de l’art. 2 C. succ./art. 2.7.1.0.2 CFF. La clause de compensation est un avantage matrimonial, conclu à titre onéreux. Étant donné que l’art 5 C. succ./art. 2.7.1.0.4 CFF n’est d’application qu’en cas d’attribution d’un patrimoine commun, la clause de compensation, qui porte uniquement sur le patrimoine propre des époux, ne peut pas être imposée sur la base de cet article.

Même si, en présence d’enfants non communs, le plafond précité est dépassé, la qualification d’avantage matrimonial est malgré tout conservée. Le «surplus» n’est à considérer comme une donation que pour préserver les droits des héritiers réservataires. L’attribution ne peut donc pas davantage être imposée sur la base de l’art. 4, 3° C. succ./art. 2.7.1.0.3, 3° CFF ou de l’art. 7 C. succ./art. 2.7.1.0.5 CFF.

Dans la mesure où les donations réciproques sont mutuellement liées, les droits de donation (3,3 % en Wallonie ; 3 % à Bruxelles et en Flandre) ne sont dus que sur la donation la plus importante si elle est portée à l’enregistrement. Dans le cas contraire, chaque donateur doit survivre pendant trois ans à la donation effectuée pour éviter que les droits de donations ne soient dus sur la base de l’art. 7 C. succ./art. 2.7.1.0.5 CFF.

Conseils

  • Une donation réciproque entre époux (avec clause de retour conventionnelle) est surtout à conseiller pour les biens mobiliers puisque cela peut se faire sans droits de donation ou au taux réduit de 3 % ou 3,3 % sur la donation la plus importante uniquement. L’effet d’une telle donation réciproque sera donc maximal lorsque les deux conjoints disposent d’un patrimoine plus ou moins équivalent.
  • Une clause de participation finale peut porter tant sur des biens mobiliers qu’immobiliers. Les droits de succession ne sont pas dus. Une telle clause sera souvent utilisée pour instaurer une solidarité à l’égard du conjoint le moins fortuné.
  • Pour avoir un impact, la donation (réciproque) ne peut porter atteinte à la réserve des héritiers réservataires (les enfants). La clause de participation finale est, en tant qu’avantage matrimonial, «à l’épreuve de la réserve» s’il n’y a que des enfants communs.

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