DONATION - 03.04.2019

Indexation des donations : attention aux conséquences en cas de décès

L’évaluation des donations pour le calcul du rapport ou de la réduction s’effectue lors de votre décès et en principe selon la valeur intrinsèque indexée. Que sont le rapport et la réduction et comment se passe cette indexation ?

À quelles conséquences désagréables la discordance entre la valeur indexée et la valeur économique réelle peut-elle donner lieu ? Pouvez-vous déroger à ces règles ?

Rapport et réduction

Deux types de donation

Une donation peut avoir lieu de deux manières, en fonction de l’intention du donateur. Une donation en avancement d’hoirie préserve en principe l’égalité entre les enfants. Lors du décès du donateur, l’enfant donataire devra rapporter la donation, afin que (la valeur de) ces biens, conjointement avec les biens encore présents dans la succession, soient répartis entre tous les héritiers, et que l’égalité entre les enfants soit restaurée.

Avec une donation hors part, vous souhaitez donner quelque chose en plus au donataire. Les donations hors part ne doivent pas être rapportées, mais doivent être imputées sur la quotité disponible, étant la partie de votre patrimoine dont vous pouvez librement disposer sans que les héritiers réservataires puissent la réclamer. En cas de dépassement de la quotité disponible, les héritiers réservataires peuvent faire appel au mécanisme de la réduction.

Imputation des donations

En cas de décès du donateur, il faut donc tenir compte des donations, soit afin de restaurer l’égalité entre les enfants, soit pour leur attribuer leur réserve. Vu que l’égalité visée dans le nouveau droit successoral est une «égalité en valeur» (art. 823, §1, al. 2 C. civ.) , l’égalité doit aussi être restaurée en valeur (en argent). La réserve n’est plus octroyée en nature, mais bien en valeur (art. 920, §2 C. civ.) . Tant le rapport que la réduction s’effectuent en valeur, suite à quoi le donataire peut en principe conserver le bien donné.

À quelle valeur ?

Dans le nouveau droit successoral, les donations sont valorisées à la valeur des biens donnés au moment de la donation. Tant pour les opérations de rapport que dans le cadre de la protection de la réserve et peu importe que des biens meubles ou immeubles soient donnés, la donation sera valorisée selon la valeur intrinsèque indexée des biens donnés au moment de la donation (art. 858, §3 et 922 C. civ.) . C’est en effet la valeur dont s’est appauvri le donateur et dont s’est enrichi le donataire.

La valeur intrinsèque (art. 858, §3 C. civ.) est la valeur à la date de la donation, tenant compte des qualités inhérentes du bien donné. La valeur intrinsèque sera en principe mentionnée dans l’acte de donation ou dans le pacte adjoint.

Charges

Lors de la valorisation de la donation, vous devez tenir compte des charges qui pèsent sur la donation, et donc sur la valeur de celle-ci, comme celle consistant au paiement d’une somme d’argent ou d’une rente au donateur, ou à un tiers éventuellement. Celui qui reçoit un bien avec la charge de payer une rente reçoit effectivement moins que celui qui reçoit ce bien sans cette charge. La valeur intrinsèque est donc une valeur nette (intrinsèque). Dans de nombreux cas, la charge sera facile à estimer ; dans d’autres, ce sera plus compliqué.

Indexation

Vous devez aussi tenir compte du temps qui s’est écoulé entre le moment de la donation et le décès. La valeur intrinsèque doit en principe être indexée depuis le jour de la donation jusqu’au moment de l’ouverture de la succession, en fonction de l’indice des prix à la consommation (art. 858, §3, al. 1 C. civ.) .

Cette réévaluation, qui tient donc compte de l’évolution du pouvoir d’achat, est identique pour tous les donataires, peu importe qu’un bien meuble ou immeuble ait été donné, et peu importe la valeur effective de ces biens au moment du décès. Il n’est donc pas tenu compte des changements de valeur qui se produisent après la donation, même s’ils se sont produits indépendamment du comportement du donataire. Que le bien donné ait pris de la valeur ou que celle-ci ait diminué après la donation est «aux frais» du donataire. Ce dernier est en effet responsable de la gestion du bien donné.

Revenus ?

L’indexation ne concerne que la valeur du capital des biens donnés. Il n’est pas tenu compte des fruits qu’ont générés les biens donnés entre le moment de la donation et le moment du décès, ni de la jouissance du bien donné qu’en a retirée le donataire durant cette période (art. 858, §3, dernière phrase C. civ.) .

Anciennes et nouvelles donations

La règle selon laquelle le rapport et la réduction se font sur la base de la valeur intrinsèque indexée du bien donné n’est pas seulement applicable aux nouvelles donations (c.-à-d. celles effectuées après le 1er  septembre 2018), mais aussi aux anciennes donations. Il s’agit là d’une règle de droit impératif qui s’applique donc nonobstant toute clause contraire (art. 858, §7 C. civ.) . Le donateur et le donataire ne peuvent donc pas y déroger.

Risques

Régime uniforme

Il ne serait pas raisonnable de ne prendre en considération que la valeur intrinsèque au moment de la donation pour l’imputation des donations au niveau de la succession. Il est clair qu’une réévaluation de la valeur au moment de la donation est nécessaire. Le législateur a opté pour une méthode de réévaluation uniforme liée à l’indice des prix à la consommation. Là où la valeur intrinsèque (en droit civil) de la donation est accrue de par l’indexation, ce n’est pas du tout le cas pour l’évolution de la valeur (économique) réelle. Pensons à l’évolution des bourses en 2018... En outre, vous devez tenir compte du fait que le patrimoine qui n’a pas été donné devient peut-être plus petit ; vous en avez peut-être besoin pour subvenir à vos besoins.

Exemple

Supposons qu’en janvier 2013, un père disposait d’un patrimoine de 600 000 €. Il a à cette époque donné 250 000 € à sa compagne. Il avait ensuite besoin de 30 000 € par an pour subvenir à ses besoins. Il décède en décembre 2018 et laisse un enfant. Il reste encore 170 000 € dans la succession (600 000 € - 250 000 € - (6 x 30 000)). La compagne avait investi l’argent donné dans un fonds d’investissement mixte. Après paiement des frais d’entrée, des frais annuels, de la taxe boursière, de la taxe sur les comptes-titres et du précompte mobilier, et tenant compte de l’évolution des bourses, parfois bien capricieuses, l’investissement vaut 260 000 € au moment du décès. La donation est tout de même valorisée à la valeur intrinsèque indexée, où l’indice de base est celui du mois de la donation (99,37) et l’indice final celui du mois du décès (108,22), soit une valorisation de 272 265 €. L’enfant a droit à sa réserve, calculée sur 442 265 € (170 000 + 272 265). La réserve s’élève à la moitié, soit 221 132,50 €. Vu qu’il ne reste que 170 000 € dans la succession du père, il y aura réduction dans le chef de la compagne à concurrence de 51 132,50 €.

Si vous avez effectué une donation p.ex. 30 ans avant votre décès, l’impact de cette indexation est encore plus important.

Conseils

  • Les donations doivent en principe être rapportées pour rétablir l’égalité entre les héritiers. Si une donation porte atteinte à la réserve de vos enfants (50 % pour tous les enfants ensemble), ils peuvent alors invoquer la réduction.
  • Le rapport et la réduction se font à la valeur intrinsèque au moment de la donation, indexée jusqu’à la date du décès du donateur. Il n’est pas tenu compte des fluctuations de valeur (p.ex. un crash boursier) après la donation. Le donataire peut donc être obligé de rapporter à une valeur qui, dans certaines circonstances, peut être substantiellement plus élevée que la valeur réelle du bien donné.
  • Surtout en cas de donation longtemps avant votre décès, l’indexation peut donner lieu à de désagréables surprises.
  • Vous ne pouvez pas déroger à ces règles d’évaluation. Vous devez en tenir compte. En cas de donation hors part, l’héritier bénéficiaire ne doit pas rapporter la donation.

Contact

Larcier-Intersentia | Tiensesteenweg 306 | 3000 Louvain

Tél. : 0800 39 067 | Fax : 0800 39 068

contact@larcier-intersentia.com | www.larcier-intersentia.com

 

Siège social

Lefebvre Sarrut Belgium SA | Rue Haute, 139 - Boîte 6 | 1000 Bruxelles

RPM Bruxelles | TVA BE 0436.181.878