Une perte prise en charge en compte courant (C/C) ?
Deux gérants avaient effectué plusieurs virements sur le compte bancaire de leur SPRL durant les exercices comptables 2014 et 2015. La société avait tout d’abord crédité leur C/C de ces montants, c.-à-d. comme une créance de leur part sur elle. Au terme des deux EC, elle avait débité le C/C et comptabilisé les montants payés en diminution de sa perte à affecter. Dans leur déclaration d’impôt, les gérants avaient repris ces montants dans leurs frais professionnels.
Position de l’Administration
Le fisc avait refusé leur déduction, contestant le fait qu’il y ait eu un paiement irrévocable et inconditionnel de la part des gérants, comme la loi le requiert, vu que le C/C avait d’abord été crédité des montants payés. Qu’ils en aient été débités ensuite, ce ne serait qu’une pure fiction comptable.
Position de la justice
La Cour d’appel d’Anvers donne tort au fisc. Les gérants ont effectivement faits les paiements : neuf versements en 2014 et deux en 2015. Le C/C a donc été crédité à la suite de paiements effectifs. Quand il a été débité des mêmes montants, à la date de clôture des EC concernés, cela a fait naître une dette des gérants envers la société. Ces écritures au crédit et au débit du C/C ne sont dès lors pas une pure fiction comptable.
Commentaire
La prise en charge d’une perte. À certaines conditions, des dirigeants peuvent reprendre leur prise en charge de pertes de leur société dans leur déclaration personnelle, en tant que frais professionnels. Une de ces conditions, c’est que cette prise en charge se fasse par le biais du paiement irrévocable et inconditionnel d’une somme d’argent (art. 53, 15° CIR 92) . Cela exclut donc la comptabilisation d’une créance sur la société, au C/C p.ex., puisque la société devrait alors la rembourser un jour, et qu’il n’y a dès lors pas de paiement irrévocable et inconditionnel.
Débiter une créance en C/C ? Débiter le C/C du montant dont il avait été crédité, comme les gérants l’avaient fait ici, cela équivaut à un abandon de la créance, que la Cour d’appel a ici assimilé à un paiement irrévocable et inconditionnel. La loi n’exige en effet pas que le paiement vienne en diminution des pertes dès qu’il a été fait. La prise en charge de pertes peut encore intervenir à l’occasion de l’affectation du résultat de la société (Com. IR 92, n° 53/230, al. 1, 2°) .
Attention ! L’écriture de débit doit intervenir au plus tard à la clôture de l’EC. Si elle n’intervient que durant un EC ultérieur, la prise en charge n’est pas déductible du fait du principe de l’annualité (Anvers, 15.10.2019) .
Conseil. La Cour d’appel juge à juste titre sans importance le fait que les gérants n’aient déclaré que lors de l’assemblée annuelle leur abandon irrévocable et inconditionnel des montants versés. Le paiement irrévocable et inconditionnel était déjà intervenu. Cette déclaration à l’assemblée annuelle, donc bien sûr après la clôture de l’EC, n’en est qu’une confirmation, que la loi n’exige du reste pas.
Vous trouvez l’arrêt de la Cour d’appel d’Anvers du 09.11.2021 (décision originale en néerlandais) sur https://www.astucesetconseils.be , Annexes, 28e année, n° 6.