SOCIÉTÉ - PLUS-VALUES SUR ACTIONS - 14.02.2024

Qui doit prouver la «valeur réelle» ?

Une société vend des actions à une société liée, réalisant une grosse plus-value à cette occasion. Pour le fisc, ces actions ont été surévaluées et leur plus-value n’est dès lors pas exonérée, mais constitue un bénéfice ordinaire imposable. La justice a-t-elle avalisé cette position  ?

La société belge Y acquiert, en 2004, pour 237 261 € d’actions de la société polonaise Z. Le 30 septembre 2016, elle cède ces actions à A, une société liée, pour 33 296 797 €. Le même jour, elle vend les actions de A obtenues en contrepartie à une autre société du groupe, pour le même prix. Dans sa déclaration d’impôt, elle reprend une plus-value sur actions, exonérée, de 33 059 166 €.

Position de l’Administration

Le fisc considère comme exagérée la valeur fixée lors des transactions du 30 septembre 2016. La valeur réelle serait égale à la valeur comptable, soit 237 361 €. Pour le fisc, les 33 059 166 € ne sont pas une plus-value exonérée, mais du bénéfice imposable pur et simple.

Position de la justice

La Cour d’appel de Gand donne tort au fisc. C’est à lui de démontrer que la valeur retenue par les parties ne correspond pas à la valeur réelle, à savoir le prix qu’un tiers indépendant serait prêt à payer au même moment dans des circonstances analogues. En fait, le fisc reporte, et à tort, la charge de la preuve sur le contribuable. Il ne tente en aucune façon de prouver que la valeur réelle des actions n’était que de 237 631 € le 30 septembre 2016. Alors que l’évaluation des parties était, elle, basée sur une évaluation indépendante du principal actif de Z (un projet immobilier), et le fisc ne démontre pas que cette évaluation est erronée.

Commentaire

Une question de prix de transfert. C’est le coeur de cet arrêt : la question du juste prix de biens ou de services dans des transactions entre des parties liées. Et c’est une question pertinente au niveau fiscal, car des sur- ou sous-évaluations de ces biens ou services peuvent avoir lieu à des fins d’optimisation fiscale (en transférant du bénéfice imposable à la partie chez qui il ne sera pas ou moins imposé).

À qui incombe la charge de la preuve ? Comme le souligne cet arrêt à juste titre, c’est au fisc de démontrer que le prix pratiqué est supérieur ou inférieur à la valeur réelle (ou de marché). La balle n’est dans votre camp que lorsqu’il l’a fait. À vous alors de prouver les circonstances qui justifient une valeur supérieure ou inférieur à cette valeur réelle.

Que doit prouver le fisc ? Il ne lui suffit pas de prouver que d’autres méthodes d’évaluation aboutissent à une autre valeur que la vôtre. Il doit démontrer que votre évaluation n’est pas raisonnable et fiable, et que des parties indépendantes ne l’utiliseraient pas.

Autre question, même principe. L’évaluation a aussi son importance dans le cadre de l’achat scindé d’un immeuble, entre votre société et vous-même. Là, vous avez intérêt à ce que l’usufruit de votre société se voit attribuer une valeur élevée, car cela réduira le coût de votre nue-propriété. En cas de discussion avec le fisc, le principe est le même que dans une question de prix de transfert. Si vous étayez la valeur convenue pour l’usufruit au moyen de données objectives, et démontrez que vous avez opéré de la même façon que si l’usufruitier n’était pas votre société, le fisc ne pourra pas vous imposer sur une sous-évaluation de votre nue-propriété.

Consultez votre article en ligne et téléchargez l’arrêt de la Cour d’appel de Gand du 03.10.2023 (décision originale en néerlandais).

Le fisc se voit donner tort. À lui de prouver que le prix convenu ne correspond pas à la valeur réelle. Et il ne le pourra pas si vous veillez à établir une évaluation objective et bien étayée, et ce p.ex. (aussi) en cas d’achat scindé d’un immeuble avec votre société.


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