Hausse de la taxe patrimoniale : conséquences pour la planification successorale via une fondation
Impôt successoral. En Flandre, depuis le 1er juillet 2021, les ASBL et les fondations d’utilité publique bénéficient d’un taux préférentiel de 0 % sur les legs reçus d’un défunt flamand. Ce taux a été instauré, au moins en partie, pour compenser la modification du traitement fiscal du legs en duo (décret flamand du 19 mars 2021) . Les fondations privées ont toutefois été exclues de cet abaissement du taux de l’impôt successoral et des droits de donation et continuent à être soumises aux taux de 8,5 % et 5,5 %. L’exposé des motifs précise que le gouvernement flamand ne veut pas encourager l’usage (impropre) des fondations privées dans le cadre de la transmission transgénérationnelle d’un patrimoine (lisez : les autorités flamandes savent que les particuliers fortunés utilisent la personnalité juridique des fondations privées pour transmettre leur patrimoine de manière structurée aux générations suivantes au travers d’une utilisation créative de l’objet désintéressé de la fondation). En Région wallonne et de Bruxelles-Capitale, les ASBL et fondations bénéficiaires de legs de résidents wallons ou bruxellois sont en général redevables de 7 % de droits de succession sur ces legs.
Taxe patrimoniale. Les ASBL et les fondations paient donc des droits de succession peu élevés voire nuls. Depuis 1921, il existe toutefois un système moins connu qui compense cette faveur : la taxe compensatoire des droits de succession, aussi appelée «taxe patrimoniale». Il s’agit d’une taxe annuelle de 0,17 % prélevée sur la totalité du patrimoine des ASBL et des fondations privées. Les ASBL et fondations privées dont le patrimoine total n’excède pas 25 000 € sont exonérées de la taxe et les actions certifiées via une «fondation bureau d’administration» privée de droit néerlandais (stichting administratiekantoor ou STAK) ne sont pas non plus incluses dans la base d’imposition de la taxe patrimoniale. Cette taxe a fait l’objet d’une modification importante, qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2024 (loi du 28 décembre 2023) . Le taux linéaire de 0,17 % est désormais remplacé par un taux progressif :
Tranches |
Taux |
50 000 € |
exonéré |
50 000 € - 250 000 € |
0,15 % |
250 000 € - 500 000 € |
0,30 % |
> 500 000 € |
0,45 % |
L’exonération de 25 000 € est portée à 50 000 €. Le taux le plus élevé, applicable sur la tranche au-delà de 500 000 €, augmente toutefois de 265 %. Le patrimoine mondial de l’ASBL ou de la fondation privée est inclus dans la base d’imposition de la taxe patrimoniale, en ce compris les éventuels biens immobiliers à l’étranger, qui étaient aussi exclus avant la modification législative. Les éventuels droits de succession payés à l’étranger peuvent toutefois être imputés sur la taxe patrimoniale.
Exemple. Une fondation privée possède un patrimoine total de 750 000 €. Elle doit dès lors payer une taxe annuelle de 2 175 €, à savoir 300 € sur la tranche entre 50 000 € et 250 000 €, 750 € sur la tranche entre 250 000 € et 500 000 € et 1 125 € sur la tranche excédant 500 000 €. Jusqu’en 2023, la taxe patrimoniale à payer par la fondation privée ne s’élevait qu’à 1 232,50 €.
Déclaration. La taxe patrimoniale est une taxe qui dépend encore entièrement de l’autorité fédérale et qui est donc due à l’administration fiscale fédérale sur la base d’une déclaration que les personnes morales assujetties doivent déposer. Cette déclaration doit être effectuée au plus tard le 31 mars de l’exercice d’imposition, via un formulaire de déclaration spécifique. La nouveauté est que cette déclaration doit être effectuée annuellement par tous les contribuables, à l’exception des organisations exclues et des personnes morales exonérées. Le système qui permettait aux petites organisations (taxe patrimoniale inférieure à 500 €) de ne déposer une déclaration que tous les trois ans s’éteindra au plus tard en 2025.
Importance. L’impact des modifications apportées à la taxe patrimoniale sur les fondations privées – utilisées dans le cadre d’une planification patrimoniale – n’est pas à sous-estimer. Il s’agit en effet souvent de structures hébergeant d’importants patrimoines familiaux (comme des collections d’art, des biens immobiliers, des actions, etc.), dans l’idée de gérer ces biens d’une manière structurée, de les protéger et de les transmettre aux générations suivantes. La hausse sensible du taux de la taxe patrimoniale entraînera une augmentation du coût de la détention d’un patrimoine dans une fondation privée, ce qui pourrait influer sur la décision finale de recourir à ce véhicule.